(Photo: 123RF)
Un texte de Anik Pelletier, vice-présidente du service de Langage de marque chez Bleublancrouge. Elle est traductrice depuis près de 30 ans et responsable de la francisation depuis plus de 20 ans.
La place du français dans l’espace public fait grand bruit depuis plusieurs mois, surtout depuis que le ministre Jolin-Barrette a annoncé une refonte de la Charte de la langue française.
Une étude de 2018 commandée par l’Office québécois de la langue française a démontré qu’au Québec, la langue joue un rôle vital dans la visibilité des entreprises sur le Web. Le quart des consommateurs et consommatrices du Québec n’utilisent jamais une autre langue que le français pour chercher des renseignements en ligne sur un produit. C’est donc dire que les commerçants qui n’utilisent pas le français sur leurs plateformes en ligne se privent de 25 % de la clientèle potentielle.
De plus, selon une vaste étude de Common Sense Advisory menée dans 29 pays entre novembre 2019 et janvier 2020, 83 % des internautes vont compléter le cycle d’achat en ligne si le processus transactionnel est dans leur langue. C’est donc dire que si le contenu d’un site est dans la langue de l’utilisateur et qu’il est bien rédigé, les chances que l’internaute finalise la transaction s’en trouvent augmentées.
La gestion des risques fait partie du quotidien des entrepreneurs et des commerçants. Les communications en français font partie des risques à gérer. Tout d’abord, pour protéger sa réputation. Aucun commerçant ne veut faire les manchettes en raison de la langue. Il serait dommage de gâcher tous les efforts de commercialisation en raison d’un français absent ou bourré de fautes. L’utilisation d’un bon français protège aussi l’entreprise contre les préjudices. Les mots ont une portée et cette portée peut parfois être juridique. Une virgule mal placée peut avoir des conséquences insoupçonnées.
À cela s’ajoute la gestion du risque social. Le choix des mots peut avoir des répercussions négatives, comme on l’a aussi vu dans l’actualité récente (le fameux mot en « n » a fait couler beaucoup d’encre). La notion d’inclusion et de diversité est de plus en plus présente dans les préoccupations sociales. Les communications d’affaires doivent donc être adaptées au plus large public possible. Les professionnels de la langue connaissent bien ces tendances et peuvent vous aider à choisir des expressions et des tournures qui ne froisseront pas une partie de la clientèle potentielle.
Vient enfin le risque financier. Le risque de perdre des ventes est bien réel si les consommateurs et consommatrices ne comprennent pas le message ou ne font pas confiance à l’entreprise qui s’adresse à eux et elles. Qu’on se le dise : si les gens ne comprennent pas les communications et la publicité ou s’ils y perçoivent un manque de qualité, ils n’achèteront pas.
À ces risques s’ajoutent certaines tendances socio-économiques. Les temps changent et les habitudes de consommation évoluent. Ainsi, les échanges commerciaux se font de plus en plus en ligne. Les entreprises se mettent encore plus en vitrine sur Internet, et c’est là qu’un français non seulement de qualité, mais aussi imaginatif, prend toute son importance. Lorsqu’on n’est pas physiquement en présence des clients et clientes, le seul outil dont on dispose pour faire bonne impression, c’est son site Web et ses réseaux sociaux. Les entreprises et les commerçants ont donc intérêt à soigner ce qu’ils y présentent. On remarque aussi une augmentation du protectionnisme commercial et de l’achat local. S’adresser aux gens dans leur langue, dans des mots qu’ils vont comprendre, est une stratégie gagnante.
Comme quoi faire des affaires en français, c’est un véritable avantage concurrentiel!
Cette réflexion s’inspire d’idées exposées par Dominique Bohbot, Conférence Stratégies de positionnement pour traducteurs, Association des conseils en gestion linguistique, 15 octobre 2020, Zoom.