Au Québec on attend toujours que le gouvernement rende public «des scénarios» épidémiologiques. Lesquels? (Photo: Justin Tang/ La Presse canadienne)
COURRIER DES LECTEURS. Que veut nous cacher le Docteur Arruda? Qu’est-ce que le premier ministre du Québec François Legault compte-t-il tirer de garder la population dans l’ignorance de l’ensemble des scénarios épidémiologiques de la propagation de la COVID-19 au Québec?
Certes, on ne peut reprocher aux autorités québécoises de santé publique de ne pas être proactives. On ne peut également reprocher au premier ministre d’être irresponsable ou inefficace dans ses communications et ses activités de relations publiques. Par contre, il ne fait maintenant plus aucun doute qu’en termes de transparence, Québec traîne de la patte par rapport à ses homologues américains et canadiens.
Bien que les trop nombreuses publicités à la télé de Dre Theresa Tam, Administratrice en chef de la santé publique du Canada, peuvent tenter de nous distraire du fait que l’information épidémiologique sort au compte-goutte d’Ottawa, force est de constater la plus grande transparence de la Maison Blanche qui a déjà rendu publics mardi dernier plusieurs de ses scénarios épidémiologiques.
Qui plus est, la réaction des autorités de santé publique à travers le Canada est bien différente à celle de Québec. Alors qu’en Colombie-Britannique et en Ontario les scénarios de contagion à la COVID-19 sont présentés et discutés ouvertement lors des points de presse par les autorités, au Québec on attend toujours que le gouvernement rende public «des scénarios» mardi.
Lesquels? Les plus probables? Les plus alarmistes? Les plus convaincants? Ceux qui rendront le travail des autorités plus facile ou ceux qui minimiseront les critiques sur la durée des mesures de confinement? Qu’est-ce qui peut bien motiver ce délai à rendre publics tous les scénarios et ce flagrant filtrage bureaucratique de l’information?
Bien entendu, on peut penser que l’ignorance favorise la peur et que la peur maintiendra la grande majorité de la population dans un état de vigilance constant à la COVID-19. Mais à quel prix? Et avec quelle efficacité?
Lorsqu’une majorité de Québécois qui ne sont ni médecins, ni travailleurs essentiels, verront leur solde bancaire fondre comme neige au soleil du printemps - déjà que les fonds de retraite en ont pris pour un bon rhume- il y a fort à parier que la vigilance à la COVID-19 cédera graduellement sa place à un calcul avantages-coûts bien personnel. Seront réclamées la réouverture des commerces et la levée des restrictions des déplacements et des libertés individuelles pour «aller ouvrir le chalet». On exigera de pouvoir effectuer le changement saisonnier des pneus ou tout simplement d’aller faire le plein de vitamine D sur l’une des nombreuses terrasses de la rue des Forges à Trois-Rivières, de la rue Saint-Denis à Montréal ou sur la Grande-Allée à Québec.
Il est grand temps pour le Gouvernement du Québec de faire preuve d’une plus grande transparence et de rendre public l’ensemble des scénarios épidémiologiques. Ces scénarios sont essentiels pour évaluer les bénéfices économiques collectifs des mesures de confinement de la COVID-19.
Même s’il est certain que de nombreux Québécois ne seront pas plus convaincus du mérite des avantages du collectif par rapport à l’individuel par des calculs économiques bénéfices-coûts, de l’ordre de 0,9 à 1,8 fois le PIB annuel du Québec selon mes calculs à partir d’hypothèses préliminaires de scénarios épidémiologiques, je pense qu’il sera plus facile pour le Gouvernement de rallier d’importants ambassadeurs parmi les chefs d’entreprises, les entrepreneurs, les chambres de commerce locales, les universitaires et la très grande majorité d’économistes qui se feront les apôtres du Docteur Arruda en professant les mérites économiques d’aplanir la courbe pour le bien commun et l’économie du Québec.
Les délais à rendre publics ces scénarios et l'apparence de filtrage bureaucratique ne favorisent en rien à la transparence de l'information et des décisions qui seront prises et minimiseront l’efficacité des mesures de confinement avec le retour du beau temps.
Marc Duhamel, Ph.D., Département de finance et économique à l'École de gestion, et Institut de recherche sur les PME de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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