L'elevator pitch est-il nuisible?
Premièrement, attaquons la notion du pitch comme critère utile, voire nécessaire (mais non suffisant) pour choisir les bons projets. Même s’il s’agit d’un indicateur pertinent pour le décideur qui veut éventuellement investir ou s’associer dans un projet entrepreneurial, le pitch de 90 secondes n’est pas toujours suffisant pour retenir son attention, et encore moins pour garantir une entente formelle entre les partenaires convoités.
L’elevator pitch, s’il est mal livré ou pris hors contexte, s’avère alors peu informatif, orientant même sur des fausses pistes et des désillusions par la suite. Le pitch, même réussi, ne garantit que la première impression, qui peut s’avérer fausse. Même si le pitch est efficace, dans la forme, a-t-on suffisamment travaillé le fond, auparavant, afin que le pitch ait une suite?
Deuxièmement, envisageons le principe que le pitch puisse être inutile, contreproductif, ou carrément nuisible. Un jeune entrepreneur forcé à faire un pitch, sans y être prêt mentalement et psychologiquement, peut en sortir démoli. Un entrepreneur techno est souvent un informaticien, un biologiste ou un ingénieur qui a souvent travaillé son projet dans son sous-sol, avec des copains gradués de la même faculté. Ces types de profils ne sont pas réputés pour leurs aptitudes en communication, au contraire.
Certes, on peut être conscient de ces faiblesses pratiquement congénitales des entrepreneurs technos, et décider qu’on va créer, par des miracles de coaching, une nouvelle race d’entrepreneurs. On va alors viser à transformer ces athées de la religion d’affaires en de serviles pratiquants, qui réciteront leurs pitchs appris par cœur, sans vraiment trop y croire.
Malgré tous les efforts de coaching, ils ne peuvent maîtriser ni le fond, ni la forme, en peu de temps. De plus, leur transmettre le message qu’il s’agit de la chose la plus importante pour réussir, c’est leur envoyer un message erroné qui risque d’être mal interprété. Aussi, c’est certainement faire mourir au combat plusieurs projets entrepreneuriaux, ainsi que décourager à jamais de jeunes apprentis entrepreneurs, qui auraient mérité qu’on leur accorde plus d’attention et de préparation avant de les envoyer dans la fosse aux lions.
J’ai assisté dernièrement à plusieurs de ces soirées de pitchs, fort intéressantes, voire divertissantes à certains égards, mais qui m’ont laissé un goût amer dans la bouche. Je me sentais mal à l’aise de voir ces entrepreneurs, pourtant intelligents et fonceurs à première vue, devenir rouges comme des tomates, nerveux et malheureux comme des enfants de maternelle durant leur premier spectacle d’école.