De nouvelles mesures sources d'un profond désespoir... (Photo: Chen Feng/Unsplash)
CHRONIQUE. C’est aujourd’hui que le premier ministre Shinzo Abe doit se résoudre à déclarer l’état d’urgence au Japon, après avoir levé nombre de mesures de distanciation sociale il y a de cela deux semaines. À cela doit s’ajouter, dans les prochains jours, un gigantesque plan de soutien de l’économie de l’archipel, qui est d’ores et déjà en passe de sombrer dans la récession.
Ainsi, Shinzo Abe est susceptible d'imposer l’état d'urgence pour une durée de six mois dans la grande région métropolitaine de Tokyo ainsi que dans les préfectures d'Osaka et de Hyogo, dans l'ouest du Japon, d’après le quotidien japonais Yomiuri. Une mesure radicale assortie d’un programme économique de «plusieurs centaines de milliards de dollars» dont les détails viendront bientôt, selon Yoshihide Suga, le principal porte-parole du gouvernement japonais.
L’état d’urgence devrait donner aux gouverneurs le pouvoir d’inciter fortement les gens à rester confinés chez eux et de fermer toutes les entreprises dont les biens et services ne sont pas jugés essentiels. À noter toutefois que les gouverneurs ne seraient pas en mesure de contraindre les gens de se plier aux mesures adoptées: l’application dépendra du bon vouloir des uns et des autres, les instances gouvernementales misant beaucoup sur la pression des pairs et le respect de l'autorité.
Une telle décision semble bénéficier de l’appui de la population : un sondage dévoilé hier par les médias JNN et TBS montre que près de 80% des Japonais voient d’un bon oeil la déclaration de l’état d’urgence alors que 12% estiment que cela n’est pas nécessaire.
D’après les données officielles, seulement 3.500 personnes ont été testées positives à la COVID-19 au Japon et 85 en sont mortes. Cela étant, une brutale poussée des cas a été enregistrée ces derniers jours, les principaux étant survenus à Tokyo, où l’on dénombre maintenant plus de 1.000 personnes contaminées.
Yuriko Koike, la gouverneure de Tokyo, avait d’ailleurs indiqué la semaine dernière qu'elle était favorable à un état d'urgence. Car cela l’aiderait grandement à faire respecter les mesures de distanciation sociale, vitales dans une métropole: elle avait déjà prié ses concitoyens de rester chez eux la fin de semaine, d’éviter les foules comme les sorties en soirée et même d’effectuer, dans la mesure du possible, du télétravail; mais cela n’avait guère été respecté par le Tokyoïtes.
C’est que le Japon s’était fié aux messages rassurants en provenance de son voisin chinois, comme quoi la pandémie était enrayée et les mesures d’exception bientôt levées au fur et à mesure. Et qu’il était convaincu d’avoir la situation sous contrôle. Mais selon les dires à l'agence de presse Reuters de Kenji Shibuya, directeur, de l’Institut de santé publique du King’s College de Londres (Grande-Bretagne), «l’augmentation explosive» des nouveaux cas de ces derniers jours à Tokyo l’a contraint à vite déchanter.
Même la Chine a dû faire marche arrière, et reconnaître du bout des lèvres qu’il était faux d’affirmer qu’il n’y avait plus aucun nouveau cas de contamination à la COVID-19 sur son territoire.
Hier, la Commission nationale de la santé a révélé que rien que durant la journée de dimanche près de 120 personnes avaient été testées positives au nouveau coronavirus, ce qui porte à 705 le nombre de personnes officiellement sous observation médicale en Chine. La province du Hubei, l'épicentre originel de la pandémie mondiale, regroupe à lui seul la moitié de ces nouveaux cas, alors même que le discours officiel soutenait depuis plusieurs jours que plus aucun cas n’y avait été enregistré depuis le 18 mars.
Wuhan, la capitale du Hubei, devait lever quasiment toutes les mesures de distanciation sociale le 8 avril. Mais voilà que les autorités de la capitale provinciale viennent de révoquer le statut «sans épidémie» de 45 complexes résidentiels, «en raison de l'émergence de cas asymptomatiques et d'autres raisons non communiquées», selon un rapport divulgué lundi par l'agence de presse officielle Xinhua. Le statut «sans épidémie» permettait aux gens de quitter quotidiennement leur domicile pendant un maximum de deux heures d’affilée, histoire de faire les courses.
Les habitants de la province du Hubei ont vite senti que le vent tournait, que de nouvelles mesures risquaient de vite survenir. Résultat? Certains d’entre eux ont enfreint les ordres en fin de semaine, et tenté de fuir la province par tous les moyens. Cela s’est traduit par des accrochages avec les forces policières en différents endroits, le principal étant à un point de frontière avec le Jiangxi, une province au sud du Hubei.
Pendant ce temps, le comté de Jia, situé dans la province du Henan, au nord du Hubei, a été carrément barricadé par les autorités chinoises. Car une flambée de nouveaux cas de contamination y a été enregistré, ces derniers jours, en dépit du fait - soulignons-le encore - que la Chine jurait que tout allait maintenant pour le mieux sur son territoire depuis la mi-mars.
Ce comté compte 640.000 habitants. Ceux qui logent dans des complexes résidentiels ne peuvent plus en sortir, si ce n’est pour vite faire des courses. Toute personne qui sort de son logement doit pouvoir produire une pièce d’identité, porter un masque et se soumettre à un test de température. Quant à la circulation automobile, elle est pratiquement interdite.
Les autorités locales ont en effet réalisé que les «porteurs furtifs» du virus - ceux qui ne présentent pas de symptôme de la maladie, mais sont pourtant contaminants - jouent un rôle «démesuré» dans la propagation du pathogène. Et elles pensent que la recrudescence subite proviendrait de trois médecins du comté qui ont récemment passé une soirée au restaurant ensemble, l’un d’entre eux ayant été donner un coup de main au système de santé de la province voisine du Hubei. Comme quoi, il a suffi du manque de vigilance d’une personne pour que la situation de tout un comté bascule...
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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