Un marketing sympa pour l'investissement responsable. (Instagram)
Un détail à première vue. Une nouvelle société dans l’industrie à la mode, au nom bien bâti de Fortress Blockchain, a conclu un placement privé de 15 millions de dollars.
Et au générique de ce petit financement, on retrouve Desjardins Valeurs mobilières dans le rôle du placeur pour compte principal («lead agent and sole book runner»).
Pas de quoi s’emballer apparemment. Sauf que l’entreprise vancouvéroise n’a pas pour principale activité le développement de la chaîne de bloc, comme le laisserait penser sa dénomination, mais plutôt la production de bitcoins.
«Les ressources de Fortress Blockchain sont actuellement dédiées à l’atteinte de l’efficience opérationnelle dans le minage de Bitcoin à l’échelle industrielle», explique la société.
Une question légitime s’impose soudainement: est-ce que Desjardins se lance à son tour sur l’instable marché des cryptomonnaies?
Bizarre. Les économistes de la coopérative rappellent à intervalles réguliers les risques associés à ce segment financier, notamment la bulle spéculative entourant le bitcoin.
L’anecdote paraît aussi contradictoire en termes d’image: la gestion pour «le mieux-être de la collectivité» qui débarquerait au beau milieu de la frénésie d’actifs non régulés.
«Desjardins n’a pas investi»
Interrogée par nos soins afin de clarifier la position de l’institution vis-à-vis de cette opération en particulier et des devises numériques en général, la chargée de communication nous a adressé un commentaire lapidaire.
«Desjardins n’a pas investi dans l’entreprise Fortress Blockchain. Il a servi d’intermédiaire financier pour des investisseurs institutionnels. Ces derniers investissent dans la technologie et non le bitcoin», a répliqué la porte-parole, Chantal Corbeil.
C’est vrai, la firme de courtage n’a pas injecté «son» argent. Toutefois, Desjardins Valeurs mobilières ne s’en est pas tenu à de la simple figuration.
Son double mandat de «lead agent» et de «sole book runner» signifie que Desjardins a structuré toute la transaction (établissement du prix, tournée auprès des investisseurs, échéancier, etc.), centralisé toute l’information des clients et géré les allocations en cas de demande excédant l’offre.
Desjardins a trouvé 54 investisseurs, essentiellement en Colombie-Britannique (26) et en Ontario (18) où 14 millions $ ont été récoltés.
Soulignons également, dans la déclaration de placement, la présence d’intérêts russes (167.500 $), panaméens (140.250 $) ou encore émiratis (75.000 $).
«Prochaine classe d’actifs»
Cette position procure donc un certain pouvoir décisionnel à l’entremetteur, non? La porte-parole n’a pas voulu poursuivre la conversation à ce sujet.
Surtout que «Fortress Blockchain capitalisera sur l'adoption croissante de Bitcoin en tant que prochaine classe d'actifs financiers», s’est félicité son patron, excité à l’idée de passer à cette nouvelle phase de croissance.
Notons que si Desjardins s’est investie pour la mobilisation de capitaux, sa division ne l’a pas non plus fait par bénévolat technologique.
En compensation, cela lui a rapporté 926.100 $ de commissions en argent comptant et procuré 945.000 options échangeables contre une action de l’émetteur, à 0,50$ le titre.
Servir d’intermédiaire entre des institutionnels et une entreprise de minage ressemble à une façon prudente de s’exposer aux retombées financières des cryptomonnaies. Ou s'agit-il simplement d'un test que Desjardins réalise afin de se familiariser avec un secteur en pleine ébullition?