(Photo : 123rf)
À quoi sert la police ? Spontanément, vous pensez sans doute à la répression de la criminalité. Sur le terrain, toutefois, le portrait est bien différent. « À Longueuil, 70 % des appels au 911 ne sont pas de nature criminelle, mais plutôt liés à la détresse humaine et à la santé mentale, souligne Fady Dagher, directeur du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL). Il faut adapter la culture policière à cette nouvelle réalité. » M. Dagher est l’un des invités de la conférence Expérience citoyen des Événements Les Affaires, qui aura lieu le 1er avril prochain à Montréal. Il y présentera sa démarche de consultation citoyenne en plus de faire part des changements instaurés à la police de Longueuil.
Pourquoi avoir mis en place un dialogue public ?
Fady Dagher : Pour avoir le pouls de la population de Longueuil, connaître ses attentes, ses besoins ainsi que sa perception du Service de police. On souhaitait aussi renforcer le lien de confiance et de collaboration. Pour que la démarche soit objective, on a travaillé avec l’Institut du Nouveau Monde qui a mené une consultation en ligne et organisé des forums avec les citoyens et des organisations. Quand on écoute les gens, on constate un écart entre la prestation des services policiers et les attentes. La culture policière au Québec est axée sur la lutte contre le crime. C’est nécessaire, mais les citoyens souhaitent aussi une police de proximité.
Quel a été le portrait général de cette consultation ?
F.D. : La population trouve que les policiers ne sont pas assez présents, assez visibles. Elle souhaite qu’ils soient plus empathiques, plus à l’écoute, et qu’ils fassent davantage de prévention. L’ouverture à la diversité est un autre aspect important. De plus, les gens veulent des policiers mieux formés en matière de problèmes de santé mentale. Et ils ont raison ! La majorité des appels concernent la santé mentale, mais les policiers ne sont pas outillés pour intervenir de façon adéquate.
Avant même de mener cette consultation publique, vous avez imaginé le projet Immersion pour répondre à ces problématiques. De quoi s’agit-il ?
F.D. : C’est un stage d’immersion de cinq semaines où des policiers volontaires sont plongés dans la réalité de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou d’itinérance, de familles avec un enfant autiste, de personnes trans, de personnes musulmanes fréquentant la mosquée, etc. Les policiers ne portent pas d’arme ni d’uniforme, parce que le dialogue est plus facile lorsque l’armure tombe. Pour nos 30 premiers policiers qui ont vécu cette immersion l’automne dernier, ç’a été totalement déstabilisant. Mais ils sont contents d’avoir pu sortir de la patrouille pour prendre conscience de ce que vivent les clientèles vulnérables. Des préjugés sont tombés de part et d’autre. Un deuxième stage aura lieu en avril. Ce projet a suscité beaucoup d’intérêt partout au Québec et même jusqu’en Belgique.
Que ferez-vous d’autre pour adapter la police aux nouveaux besoins ?
F.D. : On vient de revoir les critères de recrutement de nos policiers pour tenir compte davantage de l’intelligence émotionnelle. Avant, le profil des policiers était très technique. Par exemple, on donnait des points aux candidats qui avaient fait l’armée. Ceux-là vont continuer d’en avoir, mais il y aura aussi des points pour les candidats qui, par exemple, ont étudié en santé mentale ou fait du bénévolat dans un organisme communautaire. La sensibilisation aux clientèles vulnérables a aussi été ajoutée à la formation de nos nouveaux policiers. De plus, on est en train de réviser nos processus pour enlever les biais systémiques qui peuvent générer du profilage racial. Et ce ne sont que quelques exemples.