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Dans la lutte contre la corruption et la collusion dans les marchés publics, l’octroi des contrats est souvent à l’avant-plan. Mais il est tout aussi important de s’assurer que « l’entrepreneur ne tourne pas les coins ronds, que le résultat est conforme aux plans et devis et que l’ouvrage est durable et de bonne qualité », soutient Jacques Duchesneau, inspecteur général du Bureau de l’intégrité professionnelle et administrative de la Ville de Saint-Jérôme (BIPA). M. Duchesneau participera à une discussion sur la surveillance des chantiers lors du Forum Contrats publics, présenté par les Événements Les Affaires le 11 février prochain à Montréal.
Faudrait-il rendre la surveillance des chantiers obligatoire ?
Jacques Duchesneau : Au BIPA, nous appuyons la position de l’Ordre des ingénieurs qui demande que cette surveillance soit obligatoire. On ne peut pas donner des contrats de trois ou de cinq millions de dollars à des entrepreneurs sans aller voir ce qui se fait sur les chantiers. Je vous donne un exemple. Un camion de béton doit rester au maximum une heure sur les lieux, sinon le béton commence à durcir. Une fois ce délai passé, le surveillant est censé renvoyer le camion. Mais ça, c’est une perte pour l’entrepreneur. Alors, s’il n’y a pas de surveillant, l’entrepreneur sera tenté de demander au conducteur du camion d’ajouter de l’eau dans son béton. Avec comme résultat que le béton va s’effriter prématurément.
Qu’en est-il des pressions exercées sur les surveillants de chantiers pour qu’ils ferment les yeux sur certaines irrégularités ?
J.D. : C’est une réalité. Mais il y a des surveillants qui sont capables de ne pas céder sous les pressions des entrepreneurs ! Cependant, si on n’appuie pas les surveillants, la tâche peut être difficile pour eux. À Saint-Jérôme, le BIPA fait des visites de chantiers à l’improviste pour soutenir le Service de l’ingénierie dans ses activités de surveillance. Notre présence suffit parfois à calmer les ardeurs. Et les surveillants apprécient, car ils savent que nous pouvons intervenir au besoin. Le BIG (Bureau de l’inspecteur général-NDLR) de la Ville de Montréal fait aussi ce type de visites. C’est très efficace.
Faut-il éviter de recourir à des firmes externes pour surveiller les chantiers ?
J.D. : Ce n’est pas parce que la surveillance est réalisée à l’externe que c’est mauvais. Ce qu’il faut, c’est bien évaluer l’indépendance de la firme en question. A-t-elle des conflits d’intérêts ? On a vu trop souvent des cas où la firme qui surveillait le chantier était liée à la firme de génie qui a conçu le projet ou à l’entrepreneur qui réalise les travaux.
Qu’est-ce qui pourrait être amélioré pour payer le juste prix ?
J.D. : On a eu la commission Charbonneau parce qu’il y avait de la collusion entre les entrepreneurs. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas de « collusion » entre les Villes. On ne se parle pas ! Si je savais combien coûte un mètre de trottoir à Blainville, Laval ou ailleurs, je pourrais définir mon juste prix. L’idée, ce n’est pas d’avoir le plus bas prix, mais le juste prix en tenant compte de la qualité. Il faut un prix-étalon, et le moyen d’y parvenir, c’est un partage d’informations entre municipalités. Cela dit, il y a maintenant trois autres bureaux d’enquête semblables au nôtre (Laval/Terrebonne, Longueuil et Montréal) et nous avons commencé à échanger des informations et à partager des bonnes pratiques. Les Villes de plus de 50 000 habitants devraient toutes se doter d’un bureau d’enquête. Depuis sa création, notre bureau n’a rien coûté à la Ville de Saint-Jérôme en raison des sommes d’argent récupérées et des pertes évitées.