En 1990, je quittais pres-que précipitamment l'Algérie parce que je n'y entrevoyais plus d'avenir pour moi, pour ma famille, pour les femmes en général et pour la démocratie en particulier. Le séjour que je viens de faire en Afrique du Nord, presque 30 ans après, a été un véritable bonheur...
Lors de ce voyage d'affaires au Maghreb, organisé par le Conseil de développement Canada-Algérie et le ministère des Relations internationales et de la Francophonie, j'étais accompagnée de Mme Lise Thériault, vice-première ministre du Québec, de Mme Sévrine Labelle, PDG de Femmessor Québec, de Mme Ruth Vachon, PDG du Réseau des femmes d'affaires du Québec, et de la vice-présidente au Rayonnement des affaires de Desjardins Entreprises, Mme Claude Delage.
Dès notre arrivée à l'aéroport, le ton était donné... Le bleu du ciel, la chaleur, la lumière, le doux mélange des parfums d'épices et de fleurs, et surtout cette légendaire et sincère hospitalité orientale. Si j'ai retrouvé en quelques secondes ces sensations familières, j'ai surtout fait lors de ce voyage des rencontres profondément marquantes et vécu des instants dont le souvenir m'habitera longtemps.
J'ai été émue par ces femmes dont le regard brillant est désormais dirigé vers un monde auquel elles semblent dire «nous aussi, on est capables»... Ces femmes qui, il y a quelques années encore, étaient ignorées, négligées et condamnées au silence, interviennent aujourd'hui dans toutes les sphères d'activités. Elles sont créatives, elles s'expriment et veulent faire valoir leurs idées avec une énergie qu'elles déploient avec conviction. Venant de ces femmes d'Afrique du Nord que je connais bien, cela ne m'a pas vraiment étonnée, mais ce qui m'a le plus surprise, c'est qu'elles sont désormais écoutées et surtout soutenues par des hommes dont ça n'a jamais vraiment été la culture.
Ma visite au Musée public national du Bardo a été un véritable moment de bonheur. Abritées dans l'une des plus belles bâtisses d'Alger, ses superbes collections retracent l'histoire de ce pays. Elles sont la mémoire d'une époque où toutes les religions cohabitaient en parfaite harmonie en Algérie.
Les temps ont changé, mais l'espoir demeure. Cette lueur d'ouverture et d'optimisme, je l'ai perçue dans tous les regards, à la Chambre de commerce, au Musée du Bardo, à l'ambassade du Canada, dans les écoles... Partout, mes interlocuteurs élaboraient sur les manières de développer nos échanges et de travailler encore mieux ensemble.
Même lors de la réception qui a été donnée à la résidence de Mme Joan Polaschik, ambassadrice des États-Unis en Algérie, où nous étions plus d'un millier de personnes de toutes nationalités. Un contexte loin de celui que j'avais connu alors que, dans les années 1980, j'étais moi-même le bras droit du consul général des États-Unis à Oran et que j'essayais par tous les moyens de rapprocher les différentes communautés.
Je suis revenue de ce séjour heureuse de constater que cette volonté était non seulement partagée, mais aussi souhaitée par tous. Mme Lise Thériault a su le souligner quand nous avons été reçues par Mme Isabelle Roy, ambassadrice du Canada à Alger. Cette volonté n'est pas qu'un souhait, et ces mots ne sont pas vains... ils sont déjà suivis d'effets en Afrique du Nord puisque, lors de ce séjour, j'ai eu l'honneur, avec la délégation québécoise, d'assister à l'inauguration du premier vol d'Air Canada à destination d'Alger, mais aussi de visiter le site de Bombardier à Casablanca. J'ai eu le plaisir de constater que les femmes y avaient une place de choix. Ingénieures, cadres, techniciennes ou employées, elles occupent le tiers des postes dans l'entreprise. J'ai senti une réelle émancipation de la part de celles qui disent ne pas vouloir prendre la place des hommes, mais bâtir et avancer avec leurs collègues masculins.
Je ne terminerai pas ce bref compte rendu de mon séjour sans évoquer ma rencontre avec Aïcha Ech-Chenna, la fondatrice de l'association Solidarité féminine. Elle milite, entre autres, pour les droits des mères célibataires. Cette grande dame a aidé plus de 7 000 d'entre elles à garder leurs enfants, faisant fi des multiples menaces qu'elle a subies au fil du temps. Stoïque, elle poursuit sa mission. Grâce à des femmes comme elle, le changement est déjà en mouvement... et cela se sent !
Alors même que l'Accord de libre-échange nord-américain suscite de nombreuses inquiétudes au Canada et spécialement au Québec, il est urgent de porter une attention toute particulière aux autres marchés qui s'offrent à nous. Parmi ceux-ci, on compte l'Afrique, un immense continent doté de richesses naturelles exceptionnelles et d'une caractéristique à ne pas négliger : le français y est aujourd'hui parlé par 115 millions de personnes de 31 pays, et l'Organisation internationale de la Francophonie estime que ce continent regroupera en 2050 environ 85 % des francophones du monde !
Si j'ai la certitude que je ne me suis pas trompée en choisissant le Canada, et le Québec en particulier, comme terre d'accueil, je sais aussi que je ne me suis pas trompée en retournant sur la terre de mes racines.
Si je l'ai quittée, je ne l'ai pas abandonnée. Je suis aujourd'hui fermement décidée à faire partie de celles et ceux qui vont ériger, entre nos pays, passerelles et ponts d'espoir... à condition que nous ne leur imposions pas des méthodes qui sont aujourd'hui responsables de l'état peu reluisant de notre environnement. Nous devrons réapprendre ensemble les secrets du respect de la nature et de la vie.
Biographie
Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle a été juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.