Femme de carrière ou carrière de femme?


Édition du 08 Mars 2014

Femme de carrière ou carrière de femme?


Édition du 08 Mars 2014

Si chaque année, la journée internationale de la femme est prétexte à faire le point sur la condition des femmes, sur leur accès à l'éducation, à la culture, au travail, à la santé ou encore sur l'égalité des sexes, c'est aussi l'occasion de regarder au-delà de nos frontières et de porter notre réflexion sur les avancées et le travail qui reste encore à réaliser. Chacun y va de sa chronique, de son discours, de sa déclaration ou de son événement, mais force est de constater que sauf chez les personnes ou les organisations les plus impliquées, comme après la Saint-Valentin ou le Boxing Day, le soufflé retombe après le 8 mars et chacun retourne vaquer à ses occupations, jusqu'à... l'année suivante.

Si la date du 8 mars a été officialisée par les Nations Unies en 1977, c'est lors de la 2e conférence internationale des femmes socialistes de Copenhague en 1910 qu'il fut proposé de créer une Journée internationale des femmes. Une volonté centenaire qui commence à porter ses fruits, même si de nombreux progrès restent à faire et que subsiste encore une multitude d'inégalités. Mais à force de se battre et de persévérer, les femmes parviennent de plus en plus, non seulement à trouver leur place, mais aussi à s'imposer dans la plupart des domaines, qu'ils soient politiques, économiques, scientifiques, philosophiques ou artistiques. Le monde des affaires n'est pas en reste, et il est impossible de ne pas mentionner que quelques-unes des plus grandes entreprises et organisations mondiales sont dirigées par des femmes. Parmi elles, Virginia Rometty, directrice générale et présidente d'IBM, la première femme portée à la tête de l'entreprise centenaire. Ursula Burns est présidente et directrice générale de Xerox et même dans le domaine de l'automobile, chasse gardée des hommes depuis des décennies, Mary Barra a su s'imposer en devenant pdg de General Motors. Je pourrais encore mentionner Marissa Mayer, pdg de Yahoo !, Christine Lagarde, pdg du Fonds monétaire international, Indra Nooyi, présidente de Pepsico, ou encore Meg Whitman, ex-patronne d'eBay, à la tête de HP depuis 2011.

La prise de conscience des femmes

Au-delà de ces belles et grandes réussites qu'il convient de citer pour confirmer aux femmes, si besoin était, que tout est possible pour elles - même dans des secteurs traditionnellement réservés aux hommes -, il est encore plus encourageant de constater une certaine ébullition et une débordante motivation chez de plus en plus d'entre elles, jeunes ou moins jeunes, pour enfin oser entreprendre. Les nombreux messages que je reçois, les questions qui me sont posées ou les conseils qui me sont demandés chaque jour en témoignent. Comment démarrer mon entreprise ? M'associer ou pas ? International ou pas ? Comment concilier travail et famille ? Outre cette volonté d'apprendre et d'entreprendre, je perçois de plus en plus chez les femmes une prise de conscience de leurs forces et faiblesses et particulièrement de cette émotivité qui les caractérise et qu'il leur faut contrôler pour qu'elle devienne un atout. Cette fameuse émotivité que les hommes ont appris à gérer, mais qui rend les femmes tellement vulnérables. Longtemps, les femmes se sont senties coupables tant de leurs échecs que de leurs succès... coupables de trop travailler, de consacrer trop de temps à leurs projets, de mieux réussir que leur conjoint ou tout simplement de ne pas pouvoir surmonter certains défis et d'essuyer un échec. Mais ce temps semble révolu ! Les entrepreneures savent désormais qu'elles ne sont en aucun cas «l'échec», elles ne font que subir des revers qui ne peuvent qu'être riches d'enseignement et mieux les armer pour s'attaquer à de nouveaux défis. Ni leur compétence, ni leur persévérance, ni leur détermination ne sont plus à prouver, et c'est la tête haute et sans complexe aucun qu'elles peuvent désormais concilier et réussir leur vie tant professionnelle que familiale. En réussissant leur carrière de femmes, elles balayent ainsi d'un revers de main cette expression que je n'apprécie guère et que l'on utilise encore trop souvent pour qualifier une femme qui connaît le succès : «C'est une femme de carrière». Avez-vous déjà entendu parler d'un «homme de carrière» ?

Compétentes, avant d'être femmes

Pour terminer, et parce que dans le monde du travail toutes les femmes ne sont pas entrepreneures, j'oserai un petit clin d'oeil à ces dirigeants qui, même s'ils s'en défendent, ont toujours une tendance naturelle à préférer, à compétences égales, embaucher ou même promouvoir un homme plutôt qu'une femme, sous le prétexte d'une éventuelle grossesse ou d'une vie familiale trop prenante. Sachez que, si vous êtes à la tête d'une entreprise et que vous avez aujourd'hui un pouvoir décisionnel durement gagné, c'est aussi parce qu'un jour votre maman a été aimée et que, l'un dans l'autre, elle a eu le bonheur de vous mettre au monde et probablement de vous inculquer certaines de ses valeurs. Les femmes ont une belle longueur d'avance dans ce domaine, elles seules ont été capables de porter en leur sein et de donner naissance à Chopin, Einstein, Shakespeare ou Botticelli... et ce n'est pas fini, elles vous réservent d'autres belles surprises !

L'entreprise que je dirige est majoritairement composée de femmes, et au moment même où j'écris ces lignes, certaines sont en congé de maternité. Elles retrouveront leur poste au terme de celui-ci pour la simple et bonne raison que je ne les ai pas embauchées parce qu'elles étaient femmes, mais tout simplement parce qu'elles étaient compétentes.