Photo: Bloomberg
Après des années de difficultés persistantes, le fabricant des téléphones intelligents BlackBerry, Research In Motion (RIM), espère être en mesure de faire un grand retour en 2013 en réussissant à convaincre les consommateurs que ses nouveaux appareils sont une alternative valable à ceux de ses concurrents.
C'est une bataille qui ne se gagnera pas du jour au lendemain et qui pourrait même ne jamais être remportée, selon certains experts du secteur.
RIM doit affronter ce défi dans un secteur technologique en constante transformation, au sein duquel les plus critiques estiment que la société a passé trop d'années à s'asseoir sur le succès de ses produits sans investir dans les innovations qui l'auraient aidée à en créer de nouveau.
En 2012, RIM a tenté de reprendre pied à la suite de ses erreurs, notamment en apportant d'importants changements à sa haute direction et en développant un nouveau système d'exploitation appelé BlackBerry 10.
Le 30 janvier, la société dévoilera une nouvelle gamme de téléphones intelligents fonctionnant sous le nouveau système d'exploitation et les mois qui suivront seront probablement les plus importants de son histoire _, ils détermineront si RIM peut survivre dans sa forme actuelle.
« Ils ne peuvent pas se permettre de connaître un autre lancement raté », tranche Richard Tse, analyste chez Cormack Securities.
« C'est leur dernière présence au bâton. »
Une chute vertigineuse
Autrefois la société la mieux évaluée au Canada, RIM a connu une chute vertigineuse ces dernières années. Même certains des plus fervents utilisateurs de BlackBerry ont abandonné leur vieux téléphone pour en adopter un autre issu de la forte vague d'alternatives à écrans tactiles qui a submergé le marché, en particulier le iPhone d'Apple et le Samsung Galaxy S3.
Mais c'est cette année que RIM a été confrontée au difficile fait que ses dirigeants ont nié si longtemps: la société perdait des parts de marché aux mains de ses concurrents à un rythme particulièrement effréné.
« BlackBerry n'est plus une marque 'cool'", observe Zeus Kerravala, un analyste du secteur de l'équipement des télécommunications chez ZK Research,
à Boston.
"La qualité des produits a reculé ces dernières années, ils ont eu des pannes de service, la durée de vie des piles n'était plus aussi bonne. Ils se sont retrouvés tellement en retard sur les autres, et il n'y a pas de raison pour les consommateurs d'attendre sans bouger la venue d'un nouvel appareil alors qu'ils ont été déçus par le passé."
Malgré les difficultés à venir, RIM tentait encore, dans les derniers instants de 2011, de revigorer son image à New York.
Alors qu'elle n'avait aucun nouveau produit à promouvoir, RIM s'est payé un coup d'éclat publicitaire dans le cadre de l'émission spéciale "Dick Clark's New Year's Rockin' Eve", l'une des plus regardées de la veillée du Nouvel An. Des célébrités s'y montraient en exhibant leur BlackBerry en direct à la télévision, tandis que des musiciens se produisaient devant des panneaux publicitaires de la société.
Mais les investisseurs ne se sont pas laissé impressionner. RIM perdait le contrôle du marché américain et en quelques semaines, les cochefs de la direction, Jim Balsillie et Mike Lazaridis cédaient à la pression, se faisant offrir un total de 12 millions $ pour démissionner de leur rôle à la tête de l'entreprise.
Les deux hommes ont plutôt pris des rôles d'administrateurs et ont été remplacés par Thorsten Heins, l'ex-chef de l'exploitation. M. Balsillie a quitté complètement l'entreprise deux mois plus tard.
Avec l'arrivée de M. Heins au poste de grand patron, RIM a entamé une révision complète de son équipe de cadres intermédiaires. De nouveaux dirigeants ont hérité de postes clés, comme ceux de chef du marketing et chef de l'exploitation, tandis que M. Heins a promis en mai que RIM ferait une mise au foyer de ses activités pour les recentrer et leur enlever "un peu de gras aux hanches".
Mais avec tous les changements, M. Heins n'a pas pu passer outre le fait que le développement du système d'exploitation BlackBerry 10 accusait d'importants retards.
Après le report du lancement, initialement prévu pour 2011, le chef de la direction a été forcé en juin de le repousser encore davantage, jusqu'au début de 2013, ratant les périodes de ventes cruciales de la rentrée et des Fêtes.
Survivre à court terme
Les analystes n'ont pas très bien reçu la décision, notant qu'elle pourrait entraîner la chute de l'entreprise, surtout si ses dirigeants étaient forcés de piger dans sa réserve d'argent de deux milliards $ pour garder la tête hors de l'eau dans les six à huit mois précédant le lancement des nouveaux appareils.
Mais M. Heins avait une idée quelque peu différente pour permettre à RIM de poursuivre ses activités à court terme. Même s'il a averti les investisseurs que ses résultats financiers seraient soumis à une certaine pression pendant quelques trimestres, il a assuré que la société travaillait aussi sur des moyens pour lui permettre de survivre dans l'immédiat.
Il a d'abord mis en place un plan pour économiser un milliard $ sur l'ensemble des activités de RIM d'ici février 2013. La société a fermé certaines installations de fabrication et annoncé son intention de mettre à pied quelque 5000 travailleurs.
Puis, la société a commencé à recentrer ses efforts de vente sur les pays en développement, comme l'Indonésie et le Nigeria, où les consommateurs étaient plus susceptibles de s'intéresser à des téléphones intelligents à faibles coûts et où la marque BlackBerry était toujours le symbole d'une certaine réussite.
La vente de plus vieux téléphones sur de plus petits marchés a produit son effet pendant un certain temps. RIM a réussi à faire croître sa base d'abonnés pendant quelques trimestres, mais celle-ci finalement reculé au troisième trimestre, dont les résultats ont été dévoilé le 20 décembre.
Avec toute l'incertitude qui attend Research In Motion dans la nouvelle année, son action s'est échangée de façon pour le moins erratique en 2012. Après être tombée en septembre à son plus bas niveau en environ un an, elle a repris environ 125 pour cent, dopée par un certain nombre de révisions à la hausse d'analystes.
Le titre a cependant plongé d'un nouveau 22 pour cent quelques jours avant Noël, avec la déception reliée aux plus récents résultats trimestriels. Les investisseurs doutent en particulier de certains changements annoncés à la structure tarifaire des BlackBerry.
L'analyste Kris Thompson, de la Banque Nationale, juge que la société peut encore regagner une partie de son lustre, mais il précise que cela ne signifie pas nécessairement qu'elle devra détrôner Apple ou Android de leurs positions de tête.
"Quand on grandit on se fait toujours dire d'être concurrentiel, d'être le numéro un, mais il faut être réaliste", illustre-t-il.
"Si RIM réussit à s'emparer de cinq pour cent (du marché), ils ont un bon modèle d'affaires. S'ils peuvent prendre 10 pour cent, alors, c'est fantastique."
Mais même si RIM fait mentir les prophètes de malheur et si son nouveau téléphone intelligent devient une sensation, elle devra tout de même livrer un combat relevé contre ses concurrents, dont certains sont particulièrement dynamiques.
"C'est une de mes inquiétudes", note Bill Kreher, analyste des technologies pour la firme de services financiers Edward Jones. "Même s'ils ont un super produit au lancement, un suivi sera nécessaire et il devra être effectué de façon opportune."
Des rumeurs persistantes laissent entendre que la compagnie pourrait être vendue en pièces détachées si ses activités en venaient à être à court d'argent, mais malgré l'embauche de deux firmes de service-conseil au début de 2012, aucune transaction ne s'est encore matérialisée.
Cela pourrait permettre de croire que les analystes continueront à spéculer sur l'avenir de RIM pendant encore des mois, voire même des années.