L’ordinateur pourrait aussi inciter des entreprises étrangères à venir s’installer au Québec, croit le directeur général de PINQ², Éric Capelle. (Photo: courtoisie)
La ville de Bromont en Estrie est l’un des rares endroits au monde à accueillir un ordinateur quantique, une technologie qui ouvre de nouvelles possibilités d’avancements scientifiques et commerciaux.
L’ordinateur quantique IBM Quantum System One, qui a été inauguré vendredi à Bromont, est le seul appareil de ce genre au Canada. Il fait partie des cinq appareils que la multinationale américaine IBM prévoit exploiter à l’extérieur des États-Unis.
Le choix d’IBM démontre qu’il y a un bassin de talents dans la région et au Québec, affirme le directeur exécutif Innovation chez IBM Canada, Jean-François Barsoum, en entrevue. Il évoque l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke, mais aussi l’expertise québécoise en intelligence artificielle. «Il y a un des domaines d’utilisation, qui est justement la convergence entre l’intelligence artificielle et le quantique.»
L’ordinateur pourrait aussi inciter des entreprises étrangères à venir s’installer au Québec, croit le directeur général de PINQ², Éric Capelle. Son organisme sans but lucratif, fondé en 2020 par le ministère de l’Économie et l’Université Sherbrooke, exploitera l’ordinateur d’IBM.
Il évoque l’arrivée de sociétés européennes au cours de l’entrevue, mais n’est pas encore en mesure de les identifier. «C’est un peu tôt là, malheureusement, mais on a des discussions bien avancées. Ce sera dans les prochaines semaines.»
Des calculs plus complexes
L’informatique quantique va permettre de faire des calculs plus complexes «qu’on n’est pas capable de faire aujourd’hui», explique Éric Capelle.
Il donne l’exemple de la logistique où l’on essaierait de déterminer quel serait le trajet optimal. Un ordinateur quantique sera mieux à même de prendre un plus grand nombre de variables en compte. «Aujourd’hui, on a atteint un peu les limites (avec l’informatique traditionnelle) parce que c’est beaucoup de combinaisons, pas assez de puissance de calcul.»
L’organisme PINQ² aura la responsabilité de choisir les entreprises et organisations qui pourront utiliser l’ordinateur quantique. Des projets sont déjà sur la table, confirme Éric Capelle.
«On va devenir un centre mondial, c’est la première fois qu’un ordinateur quantique va être dédié à tout ce qui est développement durable. Ce ne sera pas que ça, mais ça sera une priorité.»
Il évoque des projets concernant la chimie des batteries ainsi que des expérimentations sur l’optimisation du réseau électrique.
Une technologie en phase exploratoire
La technologie est encore en phase exploratoire, nuance Jean-François Barsoum. Les entreprises qui utiliseront l’ordinateur d’IBM vont principalement faire des tests pour déterminer si l’informatique quantique pourrait être utile à leur entreprise.
Il donne en exemple le secteur financier qui pourrait utiliser l’informatique quantique pour développer des modélisations de portefeuille. «Ce n’est pas demain que Desjardins ou la Banque Nationale vont utiliser cet ordinateur quantique pour faire leurs calculs de façon quotidienne», donne-t-il en exemple.
«Par contre, ils pourraient développer leur équipe, donc leurs connaissances et peuvent développer leur algorithme. Quand les ordinateurs vont évoluer au cours des deux, trois, quatre, cinq prochaines années, eux vont être prêts justement à utiliser cette puissance-là pour l’intégrer d’une façon opérationnelle.»
Il faut dire que la technologie est encore en développement et que l’informatique quantique commet encore des erreurs. «Tous les ordinateurs quantiques, pour l’instant, ont un taux d’erreur qui est relativement élevé. Aussi, la capacité de retenir leur réponse, ce qu’on appelle la cohérence (est possible sur) un temps très réduit.»
N’empêche, cette avancée technologique ouvre la voie à d’importants débouchés dans les prochaines années, ajoute l’expert d’IBM. Il souligne que l’ordinateur a une puissance de 127 qubits. «Il y a quelques années, on était à six ou sept qubits. (?) D’ici quelques années, on sera à mille et plus qubits.»
«Plus on a de qubits, plus on arrive à réduire le taux d’erreur et plus on arrive à tenir le temps de cohérence qui nous permettra de faire des calculs plus compliqués. Bien là, on va être plus proche, disons, de la possibilité d’utilisation opérationnelle.»
Par Stéphane Rolland