(Illustration: Camille Charbonneau)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
Nouvelle charge institutionnelle contre l’écosystème du bitcoin. Le Conseil de stabilité financière, gardien international de la finance mondiale, retape sur le clou alors qu’il doit finaliser cet été pour le G20 ses lignes directrices de la réglementation crypto.
«Les perspectives économiques restent assombries par l’incertitude», vient de reconnaître Klaas Knot, le président du Conseil de stabilité financière (FSB), dans une lettre adressée aux ministres des Finances du G20 et des gouverneurs des banques centrales. «Des vulnérabilités conjoncturelles ainsi qu’un certain nombre de vulnérabilités structurelles nécessiteront une vigilance particulière.» Une croissance économique vigoureuse et durable exigeant de la stabilité financière, le FSB entend mener des progrès dans différents domaines menaçant cet équilibre, des risques climatiques aux paiements transfrontaliers, en passant par… les crypto-actifs évidemment.
Car pour le président du Conseil de stabilité financière, «les événements de l’année dernière, tels que l’effondrement de FTX, ont mis en évidence la volatilité intrinsèque et les vulnérabilités structurelles» des cryptos. Nombreux adeptes du bitcoin et autres enthousiastes des tokens répliqueront volontiers à cette affirmation qu’un scandale comme FTX exhibe plutôt les failles de certains acteurs. Tout en démontrant la résistance des technologies. Ou pour reprendre les termes de l’inventeur de la blockchain Ethereum: «tout ce qui est centralisé est suspect par défaut. Accordons notre confiance à un code ouvert et transparent avant de l’accorder aux individus».
Klaas Knot, président du Conseil de stabilité financière (FSB) (Photo: Getty Images)
Ce contre-argumentaire ne décourage certainement pas l’organisme qui veille sur le système financier mondial. Le FSB voit dans les chocs essuyés par le secteur des monnaies numériques une démonstration de faiblesse. «La défaillance d’un intermédiaire clé de l’écosystème des crypto-actifs peut rapidement transmettre des risques à d’autres parties de cet écosystème. Et, si les liens avec la finance traditionnelle se développent, les risques liés aux marchés des crypto-actifs pourraient se répercuter sur le système financier au sens large», s’inquiète le président Klaas Knot.
Des monnaies hors normes
À ce stade, cette hypothétique déstabilisation de la finance mondiale par les cryptos reste aussi plausible que marginale. Mais le Conseil de stabilité financière a pour devoir de cibler les monnaies digitales, lui qui a été mandaté par le G20 pour coordonner la mise en place d’un cadre réglementaire «complet et efficace» en la matière. Sous présidence indienne du forum intergouvernemental des pays aux économies les plus développées, le FSB a prévu de finaliser pour juillet prochain ses recommandations sur la réglementation, la supervision et la surveillance des crypto-actifs et des marchés crypto.
Le Conseil de stabilité financière présentera également ses recommandations visant les stablecoins, ces monnaies numériques censées rester stationnaires (à l’instar du Terra/UST, le stablecoin algorithmique qui s’est brutalement décomposé). Et pour cause, leurs caractéristiques seraient susceptibles d’aggraver les menaces pour la stabilité financière.
«Les travaux du FSB concluent que de nombreux stablecoins existants ne répondraient pas actuellement aux recommandations de haut niveau, quant aux cadres de gouvernance, de droits de remboursement et de mécanismes de stabilisation efficaces», insiste le président Klaas Knot. Ces stablecoins ne répondraient pas non plus aux normes internationales et aux orientations supplémentaires plus détaillées du Comité des paiements et des infrastructures de marché de la Banque de règlements internationaux (BRI) et de l’Organisation internationale des Commissions des valeurs mobilières (IOSCO).
Les recommandations crypto recherchent de la cohérence pour harmoniser toutes ces réglementations internationales aux approches aussi diverses que variées. Or, «de nombreuses activités liées aux crypto-actifs ne se conforment pas aux règles applicables ou demeurent non régulées», assure le président du Conseil de stabilité financière.
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«Même risque, même réglementation»
Le Conseil de stabilité financière s’attend néanmoins à ce que les régulateurs et autres organismes de normalisation s’approprient ces recommandations pour faire part de leurs propres lignes directrices, plus détaillées. Des cadres que les juridictions devront, à leur tour, mettre en œuvre. Le Conseil assure qu’il continuera à jouer le maître d’orchestre, «si nécessaire».
«Une fois les travaux achevés, la réglementation appropriée des crypto-actifs, fondée sur le principe “même activité, même risque, même réglementation”, fournira une base solide pour tirer parti des avantages potentiels liés à cette forme d’innovation financière, tout en maîtrisant ses risques», fait valoir Klaas Knot.
Le récent rapport sur la finance décentralisée (DeFi) a mis en évidence «la nécessité d’une surveillance proactive, afin de combler les lacunes en matière de données et d’examiner dans quelle mesure les recommandations relatives aux crypto-actifs doivent être renforcées pour couvrir les risques liés à la DeFi».
Autrement formulé, le Conseil de stabilité financière entend bien poursuivre ses analyses ciblées sur les cryptos afin d’en évaluer les implications et de se prémunir contre d’éventuels impacts négatifs. Les grands intermédiaires en actifs numériques, qui fournissent un large éventail de services à l’écosystème, vont d’ailleurs passer sous le microscope du FSB cette année. Tandis que l’organisme de surveillance gardera un œil circonspect sur la tendance croissante à la tokenisation des actifs.