«Je fais tout pour que ça na paraisse pas au bureau.» (Photo: Shane pour Unsplash)
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Q. – « Au fond de moi, je sais que je manque de confiance en moi-même. Mais bien entendu, je fais tout pour que ça ne paraisse pas au travail : j’affiche au contraire une assurance qui, parfois, frôle l’arrogance. C’est comme ça que, dernièrement, j’ai fait rater un projet important : j’ai dit et répété aux autres que tout était sous contrôle, alors que la situation ne faisait que s’aggraver… Comment être moi-même au bureau? Où trouver le cran d’afficher mes forces comme mes faiblesses? » – Justine
R. – Chère Justine, être confiant signifie qu’on anticipe une issue positive à ce qu’on entreprend. Ce n’est pas un trait de caractère, c’est une façon d’évaluer une situation qui suscite la motivation : lorsqu’on est confiant, on fait des efforts, on investit du temps, on ose, on persévère, on va jusqu’au bout de nos ressources. La confiance ne génère donc pas elle-même le succès, mais plutôt l’énergie qu’on met à réussir.
Tout cela, je l’ai saisi à la lecture du dernier livre de Rosabeth Moss Kanter intitulé «Think Outside the Building: How Advanced Leaders Can Change the World One Smart Innovation at a Time» (PublicAffairs, 2020). La professeure de management à la Harvard Business School y explique que pour avoir confiance en soi, il faut «trouver le juste milieu entre désespoir et arrogance». Et elle précise qu’une erreur très fréquente commise par les leaders est, justement, de vouloir toujours faire pencher la balance du côté de l’arrogance.
«L’excès de confiance est un fléau», lance l'ex-rédactrice en chef de la Harvard Business Review, en s’appuyant sur plusieurs exemples révélateurs: «l’exubérance irrationnelle qui a précédé la crise financière mondiale de 2007-2008», «les hauts dirigeants d’entreprise qui croient avoir tellement de pouvoir qu’ils peuvent, par exemple, gonfler leurs notes de frais en toute impunité», ou encore «le petit boss qui roule des mécaniques, en s’attribuant tout le mérite des succès de son équipe».
Selon Rosabeth Moss Kanter, l’excès de confiance conduit à négliger les fondamentaux, «à faire la sourde oreille aux critiques», «à devenir aveugle aux forces du changement». Il mène droit à l’échec. Ni plus ni moins.
D’où la nécessité, considère-t-elle, de s’acharner à rééquilibrer la balance désespoir/arrogance. Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. Un bon leader est «un leader qui ajuste sans cesse son niveau de confiance» pour le faire tendre vers le juste milieu entre accablement et suffisance. Son niveau de confiance en lui-même, envers les autres ainsi qu’envers la situation dans laquelle se trouve son équipe.
«Rappelez-vous: se sentir confiant ne suffit pas, il faut y travailler», résume-t-elle.
Comment effectuer un tel travail sur vous-même, chère Justine? À l’aide de deux trucs simples:
1. Transformez votre peur en énergie positive
Le «manque de confiance» que vous devinez au fond de vous-même est, en vérité, une peur récurrente dans votre quotidien au travail. Cette peur existe, même si elle n’est pas clairement identifiée: peur de ne pas être à la hauteur des attentes, peur d’échouer aux yeux de tous, etc. Elle vous fait perdre une énergie folle au travail, ne serait-ce qu’en raison du fait que vous cachez sans cesse votre nervosité aux autres.
L’idée, c’est de réorienter cette énergie vers des actions positives, des actions susceptibles de rééquilibrer la balance désespoir/arrogance. Par exemple, souriez davantage aux autres; ça leur enverra un signal d’approbation tacite, voire d’encouragement, qui pourra vous aider à mieux équilibrer la confiance qui règne entre vous et les autres. Ça n’a peut-être l’air de rien, mais je peux vous garantir qu’un simple sourire empreint de sincérité et de confiance fait un bien fou à celui à qui il est adressé!
2. Renforcez les connexions que vous avez avec les autres
Parlez, allez davantage vers les autres. Mieux, écoutez-les beaucoup plus que vous ne vous adressez à eux, en vous disant en secret «OK, je lui adresse la parole pendant 30 secondes max, et après ça je ferme la bouche pendant au moins 1 minute». Oui, écoutez sans juger, ni critiquer, et surtout sans chercher à briller.
Après chaque discussion, retenez une idée forte émise par votre interlocuteur: une remarque, une suggestion, un conseil, etc. Notez-la soigneusement pour ne pas l’oublier. Et une fois par semaine, prenez quelques minutes pour repenser à toutes ces idées neuves, en vous demandant laquelle mériterait d’être concrétisée. Et passez à l’action, en confiant à son auteur la mission de lui faire voir le jour!
Cela montrera, chère Justine, que vous êtes non seulement à l’écoute, mais aussi disposée à faire confiance.
Rosabeth Moss Kanter estime qu’une telle façon d’agir peut amener à «essayer de nouvelles choses», «contribuer à des succès partagés» et «se délecter de petites victoires pouvant déboucher sur des objectifs plus ambitieux». Bref, à «contribuer positivement au succès collectif», en s’affichant tel qu’on est vraiment, avec ses forces et ses faiblesses.