«Je suis une bonne pirate informatique» - Parisa Tabriz, princesse de la sécurité, Google
Parisa Tabriz figure sur la liste 2012 des 30 pionniers de la techno de moins de 30 ans de Forbes. La nouvelle trentenaire ne pourrait plus y figurer aujourd'hui. Mais elle apparaîtra sur d'autres listes. Ses responsabilités chez Google - diriger l'équipe qui assure la sécurité de Google Chrome - ainsi que son rayonnement au sein de la communauté technologique retiennent de plus en plus l'attention.
Diane Bérard - Vous êtes la «princesse de la sécurité» chez Google. Qu'est-ce que cela signifie ?
Parisa Tabriz - Je dirige l'équipe internationale responsable d'assurer la sécurité de Google Chrome. Chrome est la porte d'entrée du Web pour des millions d'individus dans le monde [Selon Netmarketshare, Chrome avait des parts de marché de 9,9 % en février, comparativement à 51,3 % pour Explorer et à 13,7% pour Firefox]. À partir de Chrome, ils effectuent des recherches, des transactions bancaires, des achats... Le mandat de mon service consiste à prévoir les failles et, lorsque nous ne les avons pas vues, à rectifier les situations qui posent problème.
D.B. - Peu de femmes choisissent les TI et encore moins la sécurité informatique. Quel type de petite fille étiez-vous donc ?
P.T. - J'avais trois petits frères que j'ai beaucoup torturés ! Et quand je ne les torturais pas, on jouait à des jeux vidéo. Et puis ma rue était surtout peuplée de garçons. J'imagine que cela fait de moi une sorte de garçon manqué...
D.B. - Vous programmez probablement depuis la préadolescence...
P.T. - Ça, c'est le mythe du geek et de la geekette. Nous ne sommes pas tous nés avec un clavier dans les mains. Je n'ai pas été en contact avec un ordinateur avant l'université. Mes parents travaillaient dans le secteur de la santé. Ils nous encourageaient à aimer les sciences, mais pas particulièrement l'informatique.
D.B. - Comment et pourquoi avez-vous opté pour une carrière en sécurité de l'information ?
P.T. - C'est un processus progressif. Je me suis inscrite en génie électrique, parce que j'ignorais ce que je voulais faire dans la vie et que je me débrouillais bien en science. Je vivais en résidence étudiante. C'était petit, et je n'avais pas beaucoup d'argent pour sortir. Je me suis créé une page Web, pour m'amuser. C'est un passe-temps qui ne coûte rien et ne prend pas de place. J'ai appris par moi-même les rudiments de la programmation pour pouvoir changer ma page d'accueil à ma guise. Puis, j'ai exploré comment craquer les codes pour enlever les bannières publicitaires imposées sur les sites Web génériques. Ma page était bien plus belle sans elles. À partir de là, j'étais mûre pour migrer au service d'informatique où j'ai décroché mon diplôme.
D.B. - La plupart des étudiants sortent le vendredi soir, pas vous...
P.T. - En effet, j'étais avec mon club de sécurité informatique. Nous passions la soirée à chercher les failles des logiciels pour arriver à réaliser des choses que le concepteur n'avait pas prévues. C'était une démarche à la fois créative et analytique, je me sentais dans mon élément.
D.B. - Nous avons atteint la parité en médecine et en droit, mais pas en technologie. Pourquoi ?
P.T. - Je l'ignore. Cela résulte probablement d'une combinaison de facteurs. Et les solutions sont multiples. Peut-être qu'on ne met pas suffisamment en avant le visage humain de la technologie. Celle-ci fait partie de notre quotidien, elle a un effet direct sur la vie des gens. Je ne vois pas les usagers de Google Chrome. Je n'ai pas de contact avec eux. Mais je sais que mon travail permet à des millions de personnes de naviguer sur le Web en toute sécurité. C'est ainsi qu'il faut parler de la technologie.