Québec bashing: il faudra agir

Offert par Les Affaires


Édition du 28 Février 2015

Québec bashing: il faudra agir

Offert par Les Affaires


Édition du 28 Février 2015

Dans un article du Financial Times du 6 février intitulé «A premier city now second among equals», le journaliste canadien Tyler Brûlé se penche sur le déclin de Montréal depuis l'époque d'Expo 67. Ayant remarqué des infrastructures en déclin et de nombreuses pancartes «À louer» lors de son récent passage à Montréal, il ne sert qu'une seule explication au lectorat du très sérieux Financial Times : l'existence de la loi 101.

Ainsi, l'obligation de créer des marques de commerce en français ou simplement de s'adresser à des consommateurs dans une autre langue que l'anglais serait à l'origine des difficultés économiques de Montréal, puisque cette ville devrait plutôt chercher à s'insérer économiquement dans le reste du Canada, qui utilise essentiellement l'anglais. Pourtant, cette position est des plus étonnantes à la lumière de la dynamique économique de l'Union européenne. Si l'obligation pour une entreprise de s'adapter à la langue majoritaire d'un territoire était si préjudiciable à la prospérité économique, Amsterdam, Berlin, Copenhague, Stockholm et Zurich seraient toutes en déclin, non ? Ou elles se seraient toutes radicalement transformées pour ne fonctionner strictement qu'en anglais, n'est-ce pas ?

Ce type de raisonnement n'est pas sans faire penser à un autre raisonnement très courant, à savoir que le déclin de Montréal vis-à-vis de Toronto s'explique par la tenue des référendums de 1980 et de 1995. S'il ne fait nul doute que la tenue d'un référendum entraîne bel et bien de l'incertitude qui se traduit par une instabilité économique à court terme, comment expliquer le fait que les sièges sociaux ont continué de déménager vers Toronto au cours des années 2000, alors que les libéraux provinciaux ont été presque exclusivement au pouvoir au Québec ? En 2015, le mouvement souverainiste ne pesant plus très fort dans la balance et ne pouvant plus servir d'explication aux résultats discutables de Montréal, les disciples du «Québec bashing» blâment désormais le seul fait de notre différence linguistique.

Centralisation et régionalisation

L'urbaniste torontoise Jane Jacobs offrait pourtant une tout autre explication au déclin de Montréal : celle de la régionalisation des villes secondaires. Selon elle, dans tout pays, il y a une tendance naturelle et inévitable à centraliser les affaires dans une seule ville, tendance qui produit une satellisation des villes secondaires, susceptibles de perdre des activités qui autrement avaient cours chez elles et de devenir de simples centres de service pour la métropole. Très récemment, des collègues du milieu du droit, de la finance et de la consultation m'ont dit que, depuis quelques années, cette centralisation s'est beaucoup accentuée, que l'action a désormais déménagé à Toronto même lorsqu'elle découle d'activités commerciales québécoises. Même son de cloche quant à la centralisation des activités d'Air Canada à Pearson, au détriment de vols qui seraient pourtant viables à partir de Montréal. Se pourrait-il que le discours de culpabilisation du fait français serve à camoufler cette réalité de centralisation excessive des affaires en une seule ville ?

Hormis ce phénomène de régionalisation, il me semble évident que le Québec souffre d'un problème d'image de marque et que Montréal paie forcément le prix du Québec bashing.

Si je n'étais pas à l'aise avec la Charte des valeurs et si j'ai plutôt honte de ce que l'on apprend à la commission Charbonneau, force est de constater que nos voisins ont également leurs propres enjeux (prenons les gaffes de Rob Ford, la démission du premier ministre ontarien Dalton McGuinty et les conflits d'intérêts sous Stephen Harper, par exemple), mais qu'ils ne ratent pourtant pas une occasion de faire de la mauvaise publicité au Québec. Le seul fait de notre différence culturelle et linguistique est régulièrement présenté comme une tare qui réduit notre avenir à l'échec économique.

À ce titre, deux théories économiques suggèrent que Montréal ne devrait pas céder à cette dévalorisation. La première, sur l'avantage concurrentiel par Michael Porter, professeur de stratégie d'entreprise à l'Université Harvard, énonce que, pour réussir, une entreprise doit soit grossir au point d'atteindre des économies d'échelle et ainsi battre ses adversaires sur le prix, soit miser sur sa différence pour offrir un produit unique et difficile à imiter. La deuxième théorie est un corollaire de la première : si l'on n'est pas en mesure de se différencier sur un marché concurrentiel, mieux vaut être le premier entrant dans ce marché. En effet, le joueur qui arrive bon dernier dans un marché en tentant d'imiter les autres aura de très faibles probabilités de réussite.

La Nouvelle-Orléans a jadis été soumise à une semblable pression de conformité linguistique et a fait le pari de l'anglicisation. A-t-elle réussi davantage sur le plan économique une fois anglicisée ? Je vous invite à vous y rendre et à vous faire une opinion par vous-même. Dans l'intervalle, peut-être est-il temps que nous nous penchions sur ces questions, non pas dans une perspective politique nationaliste, mais dans une perspective purement économique : celle de notre intérêt économique. Un jour ou l'autre, Montréal devra se pencher sur le coût du Québec bashing.

Biographie

Paul St-Pierre Plamondon est vice-président de Delegatus services juridiques, une firme de 25 avocats issus des grands cabinets, dont la mission est de servir le Québec inc. Il est chroniqueur politique. En 2007, il a cofondé l'organisme Génération d'idées, qui se donne pour mission d'intéresser les 20 à 35 ans au débat public.

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