Le conflit est une réalité importante du monde des affaires. Que ce soit avec vos concurrents, vos fournisseurs, vos associés ou vos employés, il est impossible de ne pas connaître des déceptions, des affrontements, voire des trahisons. Cela vous placera devant un dilemme : adopter une approche agressive et litigieuse ou opter plutôt pour une approche conciliante en «achetant la paix» ?
Disons premièrement que le conflit ne fait pas nécessairement partie des moeurs d'affaires au Québec, du moins par rapport aux façons de faire des affaires qui prévalent dans l'univers anglo-américain. Notre mentalité modérée n'est pas nécessairement une mauvaise chose si elle reflète notre capacité à laisser cours à des divergences d'opinions de manière civilisée. Toutefois, elle est drôlement problématique si elle reflète notre propension à étouffer les conflits à tout prix et ainsi, à ne rien décider.
En effet, le conflit est non seulement normal en affaires, il est utile et indispensable. Il permet de trancher des questions pour énoncer des orientations claires au terme du conflit, ce qui peut également devenir une source de motivation pour les employés et les partenaires. Le conflit est le plus souvent source d'innovation et signe d'une certaine diversité de points de vue, si bien que le risque d'erreurs s'en verra diminué. En créant un espace où l'on peut échanger de manière franche et directe, le conflit contribue également à raffermir la confiance entre les protagonistes. En ce sens, on évite que certaines problématiques non résolues ne se transforment en des relations flétries et dysfonctionnelles.
Alors que le profil de l'individu trop conciliant, c'est-à-dire celui qui cherche à éviter tout conflit, est à proscrire, vous connaissez sûrement des gens pour qui le conflit est un modus operandi. Ces personnes inspirent la crainte en multipliant les litiges, mais ont une réputation peu enviable.
Plusieurs aspects à considérer
Pour survivre en affaires, doit-on être agressif pour créer un effet dissuasif et ainsi se faire respecter ? La question est souvent posée aux avocats en litige par des entreprises qui hésitent entre la ligne dure et le compromis. Certaines d'entre elles choisissent d'aller à procès dans tous leurs litiges pour envoyer un signal clair, alors que d'autres règlent à l'amiable presque systématiquement tous leurs dossiers. Si vous êtes placés devant ce dilemme, voici quelques aspects auxquels vous devriez réfléchir.
Les coûts sont évidemment un premier critère. On sous-estime très souvent le coût d'un conflit de longue durée. Souvent, on ne considère que les frais d'avocats, mais on oublie le temps et les ressources qui seront consacrés à ce conflit au sein de l'entreprise. Pendant que vos employés et vous-même révisez des mises en demeure ou préparez votre témoignage, votre attention n'est pas centrée sur vos affaires courantes et vos projets importants.
La période durant laquelle on est prêt à tolérer une incertitude est également déterminante. La voie agressive peut s'avérer nécessaire lorsqu'un comportement doit cesser sur-le-champ. C'est notamment le cas d'une injonction visant à empêcher qu'un ancien employé ou qu'une autre entreprise nous soumette à une concurrence déloyale. Mais souvent, le recours aux tribunaux implique des délais de plus de deux ans avant qu'un jugement ne soit rendu. Dans de tels cas, un règlement à l'amiable rapide est la manière la plus efficace de régler le conflit et de passer à autre chose.
La solvabilité de la partie adverse est un critère trop souvent oublié. Trop de recours sont introduits devant les tribunaux contre des entreprises fragiles ou des coquilles vides qui auront rendu l'âme bien avant qu'un quelconque jugement soit rendu. Dans le doute, la doctrine du «Un tiens vaut mieux que deux, tu l'auras» doit s'appliquer.
La personnalité de la partie adverse compte également pour beaucoup. Il arrive malheureusement qu'on soit confronté à un individu ou à une organisation déraisonnable ou qui n'est pas digne de confiance. Dans ce cas, la voie judiciaire est souvent la seule solution. À l'inverse, les relations avec des organisations ou des individus dignes de confiance méritent d'être préservées en cherchant rapidement des compromis, quitte à être flexible sur certains de ses principes.
Bien que bon nombre de ces critères militent pour une approche conciliante des litiges, la soif de justice du décideur sera souvent l'élément le plus déterminant. Ainsi, une approche juridique fondée sur un sentiment d'injustice ou une recherche d'équité entraînera plusieurs organisations sur le long chemin des conflits judiciarisés, indépendamment des coûts, des délais et des résultats obtenus. Ceux qui adopteront à juste titre une approche économique de la gestion de leur conflit s'en tiendront à une approche coût-bénéfice qui, le plus souvent, les amènera à choisir une approche conciliante.
Biographie
Paul St-Pierre Plamondon est vice-président de Delegatus services juridiques, une firme de 25 avocats issus des grands cabinets, dont la mission est de servir le Québec inc. Il est chroniqueur politique. En 2007, il a cofondé l’organisme Génération d’idées, qui se donne pour mission d’intéresser les 20 à 35 ans au débat public.