Yves Lalumière, nouveau pdg de Tourisme Montréal, entend demander des comptes aux organismes qu'il subventionne. Photo: Gilles Delisle
Tandis que Tourisme Montréal est en pleine tourmente, visée par une enquête du vérificateur général du Québec, son nouveau pdg souhaite lui imposer un virage «affaires».
De fait, après des années de promotion du tourisme culturel, événementiel, gai et lesbien à Montréal, Yves Lalumière juge nécessaire de ramener le tourisme d'affaires au sommet des priorités de l'organisme de promotion touristique de la métropole.
«Nous nous sommes beaucoup concentrés sur le tourisme d'agrément, le nightlife, le tourisme gai, la gastronomie, énumère-t-il. Sans tourner le dos à ce qui a été fait, il est temps de faire des gains du côté du tourisme d'affaires.»
Pur produit du secteur privé, le nouveau venu a pris la tête de Tourisme Montréal en août. Il succède à l'ex-ministre Charles Lapointe, qui aura présidé à ses destinées pendant 24 ans.
La gestion de l'organisme et les dépenses de son ancien pdg, nouvellement retraité, sont aujourd'hui scrutées par le gardien des comptes du gouvernement. Prétextant «respecter le processus d'enquête», Tourisme Montréal a refusé de commenter la situation.
Dans une entrevue réalisée avant que l'enquête en cours ne soit rendue publique, l'ex-cadre dirigeant d'American Express et de Transat Distribution nous a parlé non pas du passé de son organisation, mais plutôt de son avenir.
Montréal, insiste-t-il, reste une place d'affaires importante au pays. Elle est la destination préférée en Amérique du Nord des organisateurs de congrès associatifs internationaux
«La concurrence a toujours été grande. Mais elle l'est aujourd'hui plus que jamais, dit-il. Laval et Longueuil attirent beaucoup plus de rencontres d'affaires que par le passé, et les bureaux de promotion de Toronto, d'Ottawa et de Québec courtisent aussi les gens d'affaires avec plus d'aplomb... et de succès.»
Des concurrents plus sérieux
Yves Lalumière se garde d'affirmer que le tourisme d'affaires a été négligé au cours des dernières décennies. En 2012, Tourisme Montréal dit avoir généré 300 000 nuitées de gens d'affaires, comparativement à 180 000 en 2009.
C'est simplement, croit-il, que l'attention de l'organisme, qui dispose d'un budget annuel de 32 millions de dollars, était dirigée ailleurs. Pourtant, la clientèle d'affaires est réputée pour dépenser 40 % de plus que le touriste moyen. On estime qu'elle dépense 424 $ par jour, sans compter les dépenses de transport.
«Nous n'avons pas perdu de parts de marché. Mais, comme nos concurrents sont plus forts, plus riches, mieux organisés et expérimentés, il nous faut réagir en accélérant le rythme», avoue-t-il.
Pour y parvenir, le président entend accroître les efforts de l'organisme sur le plan de la promotion de Montréal comme destination d'affaires, en particulier dans le corridor de Boston, New York et Washington. Actuellement, dit-on, 8 M$ sont investis à cette fin.
Cette volonté, avance-t-il, pourrait se traduire par certains déplacements budgétaires au sein de l'organisme et une croissance «de l'ordre de 5 %» des budgets consacrés spécifiquement à la prospection de cette clientèle. On évalue aussi la possibilité d'apporter des changements au sein du personnel.
«Il faut être plus agiles, plus compétitifs. Nos réflexes commerciaux doivent être plus aiguisés, pour attirer le maximum de visiteurs à Montréal.»
Un toit sur le stade
Aux budgets et réflexes à réviser s'ajoutent, à son avis, le besoin d'agrandir le Palais des congrès de Montréal, l'ajout «au plus vite» d'un toit pour le Stade olympique et la préservation d'un maximum de liaisons aériennes directes entre Montréal et les principales villes des États-Unis, d'Europe et d'ailleurs.
L'ancien joueur de baseball de l'université du Michigan estime que Tourisme Montréal devrait davantage exploiter son statut de ville étudiante, la présence de ses quatre universités et vendre la métropole comme ville d'accueil d'événements sportifs. Le Red Bull Crashed Ice de Québec l'inspire. «Il n'y a rien qui dit que la culture ne peut se marier au sport.»
M. Lalumière dit souhaiter également implanter une plus grande culture d'affaires dans les façons de faire de l'organisme. Un exemple parmi d'autres : «Nous accordons des millions de dollars d'aide à certains événements. C'est bien, mais on va devenir plus exigeants sur leur performance d'attraction touristique. Ils ne pourront plus se contenter de nous répondre que les touristes ne sont pas venus. Ils devront prendre les moyens pour changer les choses.»