[Photo: Bloomberg]
L'exploitation du pétrole au Québec comporte des risques. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Un documentaire en salle au Québec ces jours-ci, qui sera diffusé à Radio-Canada, sur la chaîne ICI RDI le 11 juin à 20 h, soutient que non.
Narré par le très populaire chansonnier gaspésien Kevin Parent, L'or du golfe examine trois projets pétroliers : l'exploration de la structure géologique Old Harry dans le golfe du Saint-Laurent, entre Québec et Terre-Neuve ; le pétrole de schiste sur l'île d'Anticosti et l'exploitation conventionnelle en Gaspésie.
Le film conclut que les bénéfices de ces projets sont surévalués - irréalistes dans le cas d'Anticosti -, tandis que les coûts sont sous-évalués. «Le gouvernement ne calcule pas combien cela va lui coûter pour les désagréments causés à la population», fait valoir le réalisateur du film, Ian Jaquier, lors d'un entretien avec Les Affaires. Experts à l'appui, L'or du golfe affirme qu'un déversement de pétrole dans le golfe du Saint-Laurent ne pourrait pas être bien nettoyé et serait désastreux pour l'industrie de la pêche.
Quant au projet d'Anticosti, qualifié de «pétrole extrême», il risque de détruire l'écosystème de ce joyau naturel peuplé de 200 habitants et de 200 000 chevreuils, en requérant quantité d'eau transportée par camions et des milliers de travailleurs de l'extérieur qui afflueraient sur cette île en déficit d'infrastructures. Sans compter que le gouvernement est en conflit d'intérêts dans le projet d'Anticosti, où il est à la fois promoteur et juge, dénonce le film.
Les projets Old Harry et d'Anticosti n'ont pas encore eu le feu vert de Québec. Mais ceux de Junex et de Pétrolia en Gaspésie sont en test de production et prévoient une exploitation commerciale en 2016 - une première dans l'histoire du Québec, où l'exploration n'a jamais abouti.
Pour ces projets, la population est divisée, espérant des emplois - qui, selon le documentaire, seront accordés à une main-d'oeuvre de l'extérieur puisque les travailleurs locaux ne sont pas formés -, mais craignant en même temps une contamination de l'eau potable. Tout cela pour un projet, comme celui de Pétrolia, qui ne livrera que l'équivalent de 20 jours d'utilisation de pétrole au Québec, au profit d'une entreprise dont l'objectif premier est d'être vendue à une grande pétrolière, pour le bénéfice non pas de la population, mais des investisseurs.
Le président de Pétrolia, Alexandre Gagnon, ne veut pas s'inscrire en faux contre «le rêve légitime d'être un jour moins dépendant du pétrole». Mais il estime que le film ignore la réalité et la science. «Au Québec, nos normes sont les plus strictes en ce qui a trait aux distances séparatrices entre un forage et les prises d'eau ; et pour ce qui est de notre projet à Anticosti, une étude récente démontre qu'il n'y a pas de relation entre la présence de méthane dans l'eau et la fracturation hydraulique. En outre, si nous procédons à Anticosti, nous envisagerons le recours à de l'eau salée.»
M. Gagnon fait aussi valoir que la production de pétrole au Québec «réduirait nos importations [...] créerait des occasions d'affaires pour les fournisseurs d'ici et générerait des redevances. Si on avait suivi le raisonnement du film, on n'aurait jamais eu de barrages à la Baie-James.»
Pour l'instant, l'industrie cite des sondages selon lesquels les deux tiers de la population québécoise l'appuient. Mais, comme l'explique l'expert en relations publiques François Ducharme, président de l'agence Tact Intelligence-conseil, «il y a une dichotomie entre l'opinion publique et la couverture médiatique qui est très négative contre le pétrole. Et les politiciens suivent les revues de presse».