Lancée en septembre 2022 aux États-Unis, la plateforme chinoise a désormais des activités dans 59 pays. (Photo: 123RF)
La plateforme chinoise Temu, inexistante il y a deux ans, cartonne grâce à ses prix cassés, mais est accusée d'y parvenir en poussant à la surconsommation et grâce à des conditions de travail contestables.
«À côté, Amazon, ce sont des enfants de chœur», résume pour l'AFP Valérie Fayard, directrice générale déléguée d'Emmaüs France et porte-parole du collectif Stop fast-fashion.
Si son compatriote Shein se cantonne à la mode, Temu chasse sur les terres du géant américain, avec un choix pléthorique de produits: vêtements, jouets, décoration, outils, high-tech...
Elle propose par exemple 7500 références de casques sans fil, de 1,50 euro à 66 euros.
Lancée en septembre 2022 aux États-Unis, Temu a des activités dans 59 pays, indique la plateforme à l'AFP.
Temu est la version internationale du mastodonte chinois du commerce électronique Pinduoduo, né en 2015 et dont les résultats financiers ont grimpé en 2023.
Plateforme généraliste, mais qui vend également des volumes colossaux de vêtements à petits prix, Temu refuse néanmoins l'étiquette "fast-fashion".
Elle se présente à l'AFP comme «une "marketplace" (place de marché, NDLR) qui met les consommateurs en lien direct avec les fabricants».
Elle explique contenir ses prix et ses émissions carbone en évitant les «étapes inutiles (...) de transport, de manutention et de stockage».
De fait, Temu fabrique et expédie ses produits directement de Chine, à la différence d'Amazon, qui s'appuie sur ses centres régionaux de distribution, expliquait en 2023 à l'AFP Sheng Lu, professeur en études de la mode à l'Université américaine du Delaware.
Mais pour Valérie Fayard de Stop fast-fashion, les prix de Temu, qui produit «dans des conditions environnementales et sociales effrayantes», résultent de pratiques moins avouables.
Le Congrès américain soulignait en 2023 le «risque extrêmement élevé» de «travail forcé» de Ouïghours parmi ses fournisseurs. «Nous interdisons strictement l'utilisation de main-d'œuvre involontaire par nos (...) partenaires», répond Temu à l'AFP.
Elle est par ailleurs accusée d'utiliser des composants dangereux. La Fédération européenne des industries du Jouet (TIE), qui a acheté 19 jouets sur Temu, a constaté en février qu'«aucun n'était conforme à la réglementation» européenne.
Sur ce point, la plateforme affirme «contrôler les vendeurs et les produits», notamment en effectuant «des contrôles aléatoires». «Les violations peuvent entraîner des avertissements, des pénalités, le retrait du produit de la liste, la fermeture du compte ou même le renvoi aux autorités réglementaires en cas d'infractions graves ou répétées», indique Temu.
En France, la Répression des fraudes a lancé fin 2023 une enquête sur la mode éphémère, dont les conclusions sont attendues mi-2024.
L'expansion de Temu pourrait aussi être contrariée par la proposition de loi sur la «fast-fashion», adoptée par l'Assemblée nationale en mars, qui interdit la publicité et prévoit un malus environnemental alourdi.
Interrogée par l'AFP, l'entreprise «reconnaît les préoccupations environnementales importantes abordées», sans commenter ces mesures.
«Marketing ultra agressif»
La députée Anne-Cécile Violland (Horizons), à l'origine du texte et qui avait invité tous les groupes visés (H&M, Inditex, Primark, Shein), indique à l'AFP que Temu est le seul à ne pas avoir répondu.
Le marketing de Temu inquiète également. Visant une clientèle jeune, adepte des réseaux sociaux, c'était en 2023 le premier annonceur de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) et l'un des cinq premiers sur Google, selon le Wall Street Journal.
Anne-Cécile Violland dénonce un «marketing ultra agressif», ciblant «grâce à l'intelligence artificielle des jeunes qui veulent changer souvent de vêtements et porter des modèles inspirés des marques».
Selon Sheng Lu, Temu s'appuie sur l'intelligence artificielle (IA) et l'étude des données pour «mieux connaître les habitudes et modes de vie des consommateurs et ainsi s'adapter à la demande».
Valérie Fayard accuse l'application d'«encourager la dépendance en utilisant les codes des jeux d'argent», avec ses roulettes et machines à sous offrant des réductions.
Temu a récemment proposé à ses clients français d'acheter leurs données à vie, ce qui est illégal, contre une cagnotte de 100 euros. L'offre a été retirée.