2 Québécois sur 3 se disent prêts à voter pour un leader populiste... Photo: DR
Aujourd'hui, 2 Québécois sur 3 (66%) voteraient de manière «assez probable» ou «très probable» pour un leader populiste, si jamais un tel candidat se présentait à une élection. Et seulement 1 Québécois sur 10 (11%) se dit certain de ne jamais voter pour un tel candidat. C'est du moins ce qui ressort d'un sondage mené par Crop pour le compte de Cogeco Média divulgué ce midi par Louis Audet, président et chef de la direction de Cogeco, lors d'un dîner-conférence organisé au Sheraton par le Cercle canadien de Montréal.
Le Québec se distingue ainsi nettement du reste du Canada. En effet, le sondage montre que 59% des Canadiens qui ne sont pas Québécois voteraient de manière «probable» pour un leader populiste - soit un écart considérable de 7 points de pourcentage par rapport aux Québécois-, et que 17% d'entre eux ne voteraient jamais pour un tel candidat - soit un écart, ici, de 6 points.
Pourquoi le Québec est-il un terreau aussi fertile pour un leader populiste? Essentiellement pour une raison : l'immigration. De fait, 53% des Québécois se disent en «total accord» avec l'affirmation suivante : «Globalement, il y a trop d'immigration et cela menace la pureté du pays». En guise de comparaison, le même pourcentage tombe à 42% dans le reste du Canada.
À cela s'ajoute le fait que l'immigration est bel et bien au coeur des préoccupations de ceux qui voteraient de manière «très probable» pour un leader populiste. C'est qu'ils sont 83% à considérer que «globalement, il y a trop d'immigration et cela menace la pureté du pays» et même 87% à estimer que «si notre pays s'ouvre trop aux immigrants, nous risquons de perdre notre identité».
Face à un tel constat, M. Audet a lancé un cri du coeur : «Nous avons la responsabilité de nous impliquer pour façonner un monde meilleur. Car le Canada n'est clairement pas à l'abri d'une élection d'un leader populiste», a-t-il dit.
Et d'ajouter, en tant que président de Cogeco : «C'est le grand paradoxe du 21e siècle : la démocratisation des contenus et des moyens de communication est en train de lentement miner la démocratie. Et, oeuvrant dans le domaine médiatique depuis plus de 40 ans, je suis particulièrement sensible à ce paradoxe».
Que faire pour «protéger la démocratie», d'après lui? Éduquer. Éduquer. Éduquer.
À ses yeux, il convient d'accroître «le jugement critique» de chacun, en particulier «les moins instruits, c'est-à-dire les plus sensibles aux discours populistes, mais aussi les premiers à en souffrir, en général : chômage, perte de protections sociales, bref tout le contraire de ce qui leur avait été promis lors des élections», a-t-il dit. Et de préciser : «Pour former des citoyens, en plus de former des techniciens, il faut insister sur l'histoire, l'art, la culture générale».
Il faut également mieux partager les richesses du pays. «Nous devons structurer nos actions pour que les populations ne sombrent pas dans un sentiment d'exclusion et d'inutilité sociale, suite aux changements technologiques qui ne cessent de s'accélérer», a-t-il indiqué, en ajoutant qu'il était vital de davantage tenir compte des régions, car «lorsqu'une telle dislocation se produit en région, nous assistons à des tragédies humaines».
Enfin, il faut améliorer l'éducation citoyenne, en mettant l'accent sur l'immigration et ses bienfaits tant sociaux qu'économiques. Et ce, afin que «l'immigration cesse une bonne fois pour toutes d'être perçue par certains comme une menace». «L'histoire nous a enseigné que les sociétés ouvertes, accueillantes, sont des sociétés créatives et prospères, à l'avantage de tous les citoyens», a-t-il martelé.
Le populisme est-il, par conséquent, aux portes du Québec? M. Audet et le sondage Crop semblent l'indiquer, sachant qu'un leader populiste serait un leader qui ferait les quatre promesses électorales suivantes:
1. Refermer substantiellement les frontières aux immigrants et aux réfugiés.
2. Mettre de l'avant la protection de l'identité nationale.
3. Ne pas obéir aux riches, aux puissants ou aux élites du pays.
4. Vraiment travailler pour les gens de la classe moyenne du pays.
Un genre de discours qui a déjà été tenu au Canada, d'après M. Audet : «Mon propos aujourd'hui n'est pas de faire de la politique, mais tout de même, à titre d'exemple, rappelons-nous qu'il y a à peine trois ans, nous avions au pouvoir un premier ministre qui considérait que la presse était l'ennemi à tenir dans l'ignorance, qui méprisait l'Organisation des Nations unies et qui n'hésitait pas à proroger les sessions du parlement sous prétexte d'efficacité», a-t-il illustré.