Entrevue avec Yvan Allaire, président du conseil de l'Institut sur la gouvernance des entreprises publiques et privées. Il revient du Forum de Davos, où il a été le seul Québécois à participer aux comités spéciaux formés pour repenser le monde.
Vous avez participé au Forum économique mondial de Davos, du 27 au 31 janvier dernier. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué ?
Un vent de panique soufflait sur Davos 2009. L'édition 2010 s'est plutôt apparentée à un immense soupir de soulagement, mêlé de nervosité et de fébrilité. Les hommes et les femmes politiques - Nicolas Sarkozy en tête - ont menacé de nouveau de réglementer de façon vigoureuse les marchés financiers et la rémunération des banquiers. Les forces du statu quo commencent à s'organiser. La contre-réforme se soulève. Davos 2010 a été le lieu des premiers affrontements entre ces deux groupes. Cela ne fait que commencer.
Le capitalisme sera-t-il réformé ?
Une réforme est essentielle. Nous devons abandonner le capitalisme financier pour revenir au capitalisme industriel. Il faut remettre les marchés financiers à leur place, une place modeste. Y parviendrons-nous ? Je suis sceptique, car je ne crois pas que les politiciens auront le courage d'aller jusqu'au bout. Ils abandonneront leurs velléités de réforme dès que l'économie redeviendra vigoureuse et que la population oubliera la crise. Les forces du statu quo sont considérables et puissantes. Les enjeux économiques pour les opérateurs financiers sont immenses.
Qui sort gagnant de cette rencontre ?
Davos 2010 a certainement marqué la consécration de la Chine comme force économique mondiale. Elle y avait délégué de nombreux représentants de haut niveau, et ses propos étaient étudiés et soupesés. Devant une Europe fragilisée, un Japon rapetissé et une Amérique déstabilisée, la Chine était modestement triomphaliste.
Que souhaitez-vous pour Davos 2011 ?
Qu'on fasse une place plus grande aux entreprises de propriété autre que le modèle classique de la société cotée en Bourse. Qu'on y accueille les coopératives, les sociétés d'État, les sociétés de partenaires, les entreprises à capital fermé de grande taille, les entreprises à contrôle familial, etc. Les enjeux de gouvernance de ces types de société ainsi que leur immense contribution au développement économique de plusieurs pays méritent qu'on leur fasse une place à Davos.