Très populaires, les algues marines sont exploitées dans les cosmétiques, les bioplastiques, les polymères, les pigments, la santé et l’alimentation. « Les macro-algues, notamment, sont très en demande », indique Louis-Charles Rainville, chercheur industr
L'avenir du secteur des biotechnologies marines repose sur sa capacité d'innovation. Au Québec comme ailleurs, de plus en plus de chercheurs planchent sur la valorisation de la biomasse marine et l'utilisation des nombreuses molécules qu'elle recèle.
«J'ai développé une technologie de production de microalgues fortement enrichies en isotopes stables, lesquels ont une très grande traçabilité, explique Bertrand Genard, cofondateur d'Iso-BioKem. Notre technologie permet d'atteindre un niveau d'enrichissement d'environ 99 %.»
Fondée en 2009, Iso-BioKem extrait de ces microalgues enrichies des biomolécules comme des lipides, des glucides, des protéines ou des pigments très utiles dans les domaines biomédical, pharmaceutique ou environnemental. Un client français d'Iso-BioKem utilise une de ces biomolécules pour marquer ses vaccins pour poissons et suivre l'assimilation de ceux-ci par les poissons. Iso-BioKem offre aussi des services d'analyse et d'aide techniques liés à l'utilisation des biomolécules.
Présentement, Cambridge Isotope Laboratories et Isotech Laboratories se partagent la moitié du marché mondial de ces produits. Bertrand Genard souhaite s'octroyer une part du gâteau en élargissant les applications possibles, notamment dans les cosmétiques ou l'alimentation animale. Il croit aussi que sa méthode de production, permettant une utilisation optimale de la matière, une réduction des pertes et une baisse des coûts de production, lui offre un avantage concurrentiel.
Du jamais vu
En plus d'entreprises innovantes comme Iso-BioKem, le Québec compte une quinzaine de centres de recherche touchant aux biotechnologies marines, dont un tiers qui s'y spécialisent, comme l'Institut des sciences de la mer de Rimouski, Merinov et le Centre de recherche sur les biotechnologies marines (CRBM).
«L'engouement pour l'économie biomarine vient d'éléments de crise planétaire liés aux changements climatiques, au vieillissement des populations, aux fortes migrations ou à la croissance de la population mondiale, explique Guy Viel, directeur général du CRBM. Tout cela alimente la recherche d'une nouvelle économie durable pour soutenir le développement planétaire, et donc, les innovations.»
Dans la foulée de la Stratégie maritime, le Québec s'est joint à la danse. Depuis avril 2016, le CRBM a reçu un soutien de six millions de dollars. «On n'avait jamais vu ça», souligne Guy Viel.
Le chercheur distingue quatre champs de recherche principaux. Le plus ancien au Québec est celui de la valorisation des sous-produits de la transformation des produits de la mer. Les résidus, comme les têtes ou la peau de poisson et les carapaces de crevette ou de crabe, sont loin d'être sans valeur. On peut notamment en faire de la farine de poisson ou de crevette, du collagène ou même des pansements ou des vêtements dans le cas de la peau de poisson.
L'exploitation de ressources microscopiques, comme les microorganismes marins ou aquatiques, les microalgues et le zooplancton, est une autre voie prometteuse. Ces ressources trouvent des utilités tant du côté de l'industrie des biocarburants que de celles du traitement des eaux usées, du contrôle de la pollution, de l'aquaculture ou de l'alimentation.
Les services d'analyse et de certification sont aussi en expansion. Toutes ces innovations doivent être testées afin de démontrer qu'elles répondent aux normes et aux règlements et d'obtenir les certifications nécessaires à leur commercialisation.
Rien à jeter
Très populaire, l'exploitation des algues marines sert dans les cosmétiques, les bioplastiques, les polymères, les pigments, la santé et l'alimentation. «Les macro-algues, notamment, sont très en demande», indique Louis-Charles Rainville, chercheur industriel à Merinov.
Ce centre collégial de transfert de technologie des pêches a pour mission à la fois de développer la recherche appliquée et d'établir des ponts entre l'enseignement, la recherche et les industries de la pêche, de l'aquaculture et de la valorisation de la biomasse marine.
Du côté des biotechnologies marines, Merinov travaille à valoriser la quatrième transformation de la biomasse marine. «Il n'y a rien qui ne soit valorisable dans cette biomasse, explique le chercheur. C'est pour cela que nous parlons de coproduits plutôt que de résidus. Nous tentons d'extraire de ces coproduits des huiles ou encore des molécules actives, comme des antioxydants ou des peptides. Récupérer la matière première exige souvent de modifier les méthodes de production des usines de transformation de la biomasse, ce qu'il faut savoir faire sans nuire à ces entreprises.»
L'innovation québécoise en biotechnologies marines ne se développe pas en vase clos. Les collaborations augmentent, notamment avec la France. En octobre 2016, l'Institut France-Québec pour la coopération scientifique en appui au secteur maritime voyait le jour avec un objectif ambitieux : faire du Québec et de la France des leaders mondiaux en développement maritime durable.
«Il s'agit de doubler notre force de frappe, notamment sur le plan financier», explique son codirecteur Guillaume St-Onge. Pour les chercheurs québécois, cela ouvre la voie à des projets financés non seulement par la France et le Québec, mais aussi par la Commission européenne, laquelle a les moyens de soutenir des projets de très grande envergure.
«J'ai rarement vu un tel alignement des planètes en recherche, dit M. St-Onge. La Stratégie maritime et des projets comme Odyssée Saint-Laurent apportent beaucoup de financement. Il y a un momentum en recherche et en innovation dans ce domaine.»