Place du marché Jamaa el Fna, Marrakech, au Maroc [Photo: 123RF]
Le Québec voit de plus en plus le Maroc dans sa soupe. C'est pourquoi le gouvernement Couillard ouvrira un bureau de représentation à Rabat, afin de profiter du dynamisme de ce pays francophone, où le gouvernement local et les multinationales investissent massivement.
Le Maroc est de prime abord un marché intéressant, avec ses 35 millions d'habitants. Il l'est aussi en raison de ses liens avec le reste de l'Afrique, car les entreprises marocaines ont souvent des chaînes logistiques continentales. «La porte d'entrée du continent africain pour nos entreprises, ce n'est ni le Sénégal ni la Côte d'Ivoire : c'est le Maroc», confirme Karl Miville de Chene, expert en développement du commerce international et associé chez Contacts Monde, en faisant référence aux représentations que le Québec a déjà dans ces deux pays.
Le Québec a toutefois de la difficulté à profiter du dynamisme du Maroc, comme en témoigne le déclin de ses exportations depuis cinq ans. En 2013, les expéditions des entreprises québécoises vers ce pays ont totalisé 72,3 millions de dollars. Or, en 2017, elles avaient fondu à 35 M$, selon l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Les forces du Maroc
Après un ralentissement à l'été 2016, la croissance économique du pays reprend du poil de la bête. Cette année, le PIB devrait progresser de 3,8 %, et maintenir ensuite sa progression à 3,7 % et à 3,6 % en 2018 et 2019 respectivement, selon la Banque mondiale. Le Maroc performe moins bien que l'ensemble des économies émergentes, comme la Chine ou l'Inde. En revanche, sa performance est supérieure à la moyenne des pays de l'Afrique subsaharienne, qui abrite notamment l'Afrique du Sud.
Quel est son secret ? «L'économie du Maroc doit son succès à sa diversification», affirmait récemment Zahra Maafiri, directrice générale de l'agence Maroc Export, lors du Forum Afrique Expansion 2017 qui s'est tenu à Montréal. Le royaume a des forces dans l'agroalimentaire, le tourisme, les énergies vertes, l'industrie numérique ainsi que le secteur manufacturier.
L'aéronautique connaît un boom exceptionnel. «Ce secteur affiche une croissance moyenne de 17 % par année depuis 7 ans», souligne Mme Maafiri. Le pays est en train de développer une plateforme de plus en plus importante dans ce secteur. On y compte 120 entreprises, qui affichent des ventes de 1 milliard de dollars par année et qui emploient 12 000 personnes. On y retrouve de grands noms tels que la Française Thalès, l'Américaine UTC Aerospace Systems et, depuis peu, Bombardier Aéronautique. La société québécoise a des installations spécialisées dans les aérostructures et les services d'ingénierie à Casablanca, la métropole économique du pays. Bombardier n'a pas répondu à notre demande d'entrevue afin d'en savoir plus.
Belgacem Rahmani, maître d'enseignement à HEC Montréal, estime que le potentiel de croissance de l'industrie aéronautique est encore très important au Maroc. «Avec l'arrivée de Boeing, indique-t-il, le gouvernement a répertorié 120 fournisseurs additionnels qui pourraient être intéressés à s'installer au Maroc et doubler ainsi l'activité .»
Pourquoi s'implanter ?
Les entreprises étrangères s'installent au Maroc pour plusieurs raisons, selon la société d'État Invest in Morocco : les coûts de production sont concurrentiels, les principaux indicateurs économiques sont forts et stables (comme son PIB) et le gouvernement y déploie des stratégies sectorielles ambitieuses, notamment dans les énergies vertes.
Le pays dispose aussi d'infrastructures qui répondent aux standards internationaux que recherchent les entreprises et les investisseurs.
Le Maroc se classe au troisième rang en Afrique pour ce qui est de la facilité d'y faire des affaires, selon un classement du magazine Jeune Afrique. Dans une analyse sur le Maroc, Exportation et développement Canada (EDC) affirme que ce pays est un «marché de choix» pour les exportateurs canadiens. «L'environnement commercial compte parmi les plus sophistiqués et développés du continent africain, tandis que l'environnement politique reste stable», écrivent les analystes d'EDC. Selon l'agence fédérale, il existe de nombreuses occasions d'affaires dans les secteurs privés et publics. EDC cible cinq secteurs clés pour les entreprises canadiennes : l'agriculture, la construction et les infrastructures, les mines et les métaux, les services de transport, de même que les télécommunications.
En revanche, le pays a aussi des faiblesses, selon Coface, une société privée française d'assurance pour les exportateurs. L'économie est dépendante du secteur agricole. Il y a d'importantes disparités sociales et régionales, même si le taux de pauvreté (qui demeure élevé) diminue graduellement. Le pays affiche aussi un faible taux de productivité. Enfin, bien que le Maroc soit une monarchie constitutionnelle, la presse n'y est pas libre, selon l'ONG américaine Freedom House. Ce qui signifie que l'entreprise et les investisseurs n'ont pas toujours l'heure juste à propos de la situation politique et socioéconomique.
Cela dit, si l'on tient compte de la région où se trouve le Maroc (le Magrheb), le pays demeure un modèle de stabilité politique cinq ans après le printemps arabe, selon l'institut AON, un des gestionnaires de risques et des courtiers en assurances les plus importants au monde.
Le royaume a été épargné par les révolutions arabes pour trois raisons fondamentales, souligne pour sa part dans une analyse Florence Gabay, vice-présidente de l'Institut Robert Schuman pour l'Europe : le roi Mohammed VI a su anticiper les demandes socioéconomiques des Marocains ; plusieurs politiques publiques ont favorisé une relance économique ; le pays a fait des efforts pour accroître les exportations de ses entreprises.