(Photo: Ingo Stiller pour Unsplash)
Malgré la popularité en forte croissance des fonds négociés en Bourse (FNB) ces dernières années, les fonds communs de placement continuent de tirer leur épingle du jeu et d’occuper une position dominante comme outil d’investissement au Canada. Des gestionnaires de portefeuille nous parlent de leur valeur ajoutée et de comment ils s’intègrent à leur stratégie d’investissement, tout en proposant quelques fonds à détenir à long terme.
Les fonds communs de placement n’ont pas dit leur dernier mot, malgré une légère baisse de popularité depuis 10 ans au profit des FNB. Le rapport sur les fonds d’investissement pour 2020 de l’Institut des fonds d’investissement du Canada montre que les actifs des fonds d’investissement canadiens totalisaient 2040 milliards de dollars (G$) à la fin de l’année. De ce montant, 1784 G$ ont été investis dans des fonds communs de placement, comparativement à 257 G$ pour les FNB.
Selon ce même rapport, entre 2011 et 2020, la croissance de l’actif net des fonds communs a été de 132 %, comparativement à près de 500 % pour les FNB.
Si leur croissance plus rapide est indéniable, les FNB sont encore loin derrière les fonds communs.
Comment expliquer l’intérêt soutenu pour les fonds communs de placement ? Marie-Josée Turcotte, gestionnaire de portefeuille à BMO Nesbitt Burns, voit dans la valeur ajoutée d’une équipe de gestionnaires un élément de réponse. « La gestion active permet d’apporter un aspect stratégique et tactique que ne permet pas une gestion indicielle, par exemple. Il y a aussi une expertise qui vient de la connaissance des marchés et de l’économie à laquelle se mêlent des visions différentes (macroéconomique/microéconomique) dans une même équipe. »
Marie-Josée Turcotte, qui gère les portefeuilles de plus de 150 ménages, combine dans sa stratégie d’investissement environ 45 titres individuels d’entreprises, des fonds communs de placement et des FNB. « Les fonds communs sont des outils financiers complémentaires que j’utilise principalement pour avoir des allocations tactiques qui ciblent par exemple un secteur géographique ou une industrie en particulier. » Comme elle privilégie dans ses portefeuilles le secteur nord-américain, pour lequel les titres individuels sont plus faciles à négocier, des fonds internationaux lui permettent d’accroître sa diversification.
À ce chapitre, elle aime le fonds d’actions mondiales Catégorie croissance mondiale Power Dynamique, géré depuis 20 ans par Noah Blackstein, qui a généré un rendement annuel moyen de 11 % depuis sa création. Le gestionnaire de portefeuille gère un fonds composé à 51 % d’actions étrangères (Pays-Bas, Singapour, Brésil, Suède, etc.), et dont l’actif net s’élève à 3,7 G$. Seulement 24 titres individuels constituent l’ensemble du fonds, où le secteur des technologies de l’information est fortement représenté. Les trois plus importantes entreprises du fonds sont Sea Limited (SE, 355,50 $ US) à 7,1 %, suivie de StoneCo (STNE, 37,33 $ US) à 5,4 % et de Xero Limited (XRO.XA, 144,35 dollars australiens) à 4,5 %. « Ça reste un fonds de croissance assez volatil. Ce n’est donc pas un fonds pour tous les profils d’investissement, concentré dans très peu de titres », reconnaît Mme Turcotte. Le ratio de frais de gestion du fonds (série A) est de 4,89 %, ce qui est plus élevé que d’ordinaire. Elle explique qu’il existe une prime au rendement d’environ 2 % quand le gestionnaire performe mieux que son indice de référence. Le fonds a obtenu un rendement de 90 % en 2020.
Toujours axé sur la scène internationale, l’autre fonds qu’affectionne la gestionnaire de portefeuille est le Fonds Global Alpha CC&L de la société indépendante de gestion de placements Connor, Clark & Lunn. Ce fonds d’actions mondiales de petites capitalisations, dont l’actif net avoisine 2 G$, est géré par une équipe de quatre gestionnaires de portefeuille. « C’est un autre fonds qui m’offre un positionnement complémentaire. Il me permet de toucher à un secteur très dynamique, celui des petites capitalisations, où il y a beaucoup de fusions et acquisitions. »
Créé en 2014, le fonds (série A) a obtenu un rendement annualisé moyen de 11,09 % depuis ses débuts. Outre l’Amérique du Nord (48 %), les principaux secteurs géographiques couverts sont l’Europe et le Moyen-Orient (28 %) et l’Asie (22 %). Les titres industriels, de la santé et de la consommation discrétionnaire forment plus du tiers de la valeur du fonds. On y retrouve des entreprises comme Rothschild & Co (ROTH, 38,30 euros), Groupe L’Occitane (0973, 25,70 $ HK) et Raffles Medical Group (BSL, 1,55 $ SG). Le ratio de frais de gestion du fonds (série A) est de 2,37 % et de 1,32 % pour la série F.
Éléments de diversification additionnel
Luc Girard, gestionnaire de portefeuille chez Noël Girard Lehoux, Valeurs mobilières Desjardins, utilise à la fois des fonds communs de placement, des FNB et des titres individuels pour la gestion de ses portefeuilles. Les fonds communs de placement lui apportent un élément de diversification additionnel, notamment en ce qui a trait aux actions étrangères. « Ce n’est pas facile de détenir des actions individuelles dans le monde; de pouvoir les suivre assidûment. » Il y voit aussi un volet diversification quant au style de gestion. « J’ai accès à des gestionnaires de portefeuille aguerris avec des approches différentes qui consacrent leur temps et leurs recherches à trouver des titres de petites, moyennes ou grandes capitalisations à fort potentiel. » Pour lui, les fonds communs de placement ont toujours la cote en raison de la présence de nombreux gestionnaires de portefeuille émérites qui continuent de surpasser leurs indices de référence.
M. Girard croit que l’accessibilité des fonds les rend attractifs pour le petit investisseur. « Même avec de petits montants, l’investisseur particulier peut accumuler des parts du fonds et profiter des succès du ou des gestionnaires. » Le gestionnaire de portefeuille utilise entre autres les services de Morningstar pour évaluer la qualité des fonds.
Il aime tout particulièrement le fonds Mawer Manuvie actions mondiales. Le fonds est géré par des gestionnaires d’expérience, Paul Moroz, Jim Hall et Christian Deckart, depuis 2009. « Ils font de la sélection de titres (« stock picking ») à l’état pur, mais sans tenir compte des titres à la mode. C’est pourquoi ils qualifient leur style d’ennuyant. » En cela, leur approche est fidèle à la devise de Mawer: «Manquez d’originalité. Faites de l’argent.»
Géographiquement, le fonds est divisé ni plus ni moins en deux : l’Amérique du Nord (environ 43 % États-Unis et 6 % Canada) et une bonne partie de la balance à l’étranger, notamment au Royaume-Uni, en Suisse, au Pays-Bas et en Irlande. Le fonds est composé de 67 titres, où les secteurs des technologies, des finances et des produits industriels comptent pour plus de la moitié des actifs sous gestion. On y retrouve quelques géants bien connus, dont Alphabet (GOOGL, 2826,12 $ US), avec une pondération de 4,38 %, suivie de Microsoft (MSFT, 303,56 $ US) à 4,01 %. La société québécoise Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 47,71 $) est la dixième entreprise en importance dans le portefeuille, à 2,87 %. Le ratio de frais de gestion du fonds série Conseil est de 2,42 %. M. Girard souligne que la série A est celle qui est la plus commune pour les petits investisseurs. « La série F est réservée aux comptes à honoraires où les clients paient directement pour les services rendus. » Les frais de gestion de la série F sont de 1,20 %.
M. Girard aime aussi le Fonds canadien de croissance Mackenzie. Il souligne d’abord la qualité des portefeuillistes responsables du fonds, des membres de l’équipe Bluewater. « Notre recherche de fonds communs de placement commence souvent d’ailleurs avec cette préoccupation : la qualité des gestionnaires de portefeuille. »
Même si la moitié du fonds mise sur le Canada, des entreprises provenant des États-Unis, de l’Irlande, de la France et de la Suisse composent les 31 titres en portefeuille. On y retrouve notamment des titres avec des bilans solides, comme la Banque Royale du Canada (RY, 130,49 %) et la Banque Toronto-Dominion (TD, 87,02 $). « Ils recherchent des entreprises qui apportent une certaine pérennité sur le plan des flux de trésorerie et qui déploient leur capital avec prudence. » On y retrouve des titres du secteur financier (24 %), mais aussi d’autres secteurs, comme les technologies, où l’on retrouve l’entreprise Keysight (KEYS, 168,85 $ US), entre autres, qui représente 4,6 % du fonds. Le secteur industriel est aussi bien représenté avec, notamment, le transporteur ferroviaire Canadien Pacifique (CP, 90,18$). Les frais de gestion de la série A sont de 2,47 % et ceux de la série F sont de 1 %.
«C'est notre travail»
Ian Riach, vice-président principal et gestionnaire de portefeuille à Franklin Templeton, n’est pas surpris de la popularité continue des fonds communs de placement. « Il y a un an et demi, quand le marché boursier s’est replié en raison de la pandémie, plusieurs investisseurs ont alors réalisé qu’une telle chose pouvait survenir de façon précipitée. » Par la suite, son équipe torontoise et lui ont constaté une arrivée importante de fonds. « Je crois que plusieurs investisseurs autonomes se sont rendu compte que, pour gérer leur argent, ils n’avaient peut-être pas les compétences et le sang-froid des gestionnaires de fonds professionnels. C’est normal, car c’est notre travail. »
Selon lui, les fonds communs continuent d’être populaires, car ils offrent des solutions de gestion gérées par des professionnels du placement aux investisseurs individuels. « Les gestionnaires de fonds communs de placement procurent de bons rendements qui sont adaptés au risque. » Pour lui, la gestion du risque est aussi importante que le rendement. M. Riach note que ce qui s’est passé lors de la pandémie a apporté son lot d’apprentissages en matière de gestion du risque. « Malheureusement, certains investisseurs ont la mauvaise habitude de vendre quand le marché connaît des soubresauts, alors qu’ils devraient probablement acheter si cela est conforme à leur profil et à leurs objectifs. Nous offrons cette stabilité et cette gestion du risque et c’est pourquoi nous étions bien placés pour redéployer du capital au bon moment. »
Le gestionnaire de portefeuille chez Franklin Templeton prêche pour sa paroisse et recommande deux fonds communs dont il assume la gestion. Ce sont en fait des fonds communs composés d’autres fonds communs de placement et de FNB. « Des solutions de placements de fonds de fonds », précise-t-il. Il s’agit d’abord du Portefeuille de croissance Franklin Quotentiel.
Ce portefeuille a une répartition stratégique de l’actif à 80 % en actions et à 20 % en titres à revenu fixe. « Il est destiné aux investisseurs au profil un peu plus dynamique avec une tolérance au risque plus élevée. » Les trois plus importantes positions sont le FNB américain Franklin FTSE U.S. Index à 10 %, le FNB canadien Franklin FTSE Canada All Cap Index à 9,83 %, et le Fonds d’actions essentielles américaines Franklin, série O, à 9,44 %.
Très présent aux États-Unis et au Canada, le portefeuille a aussi une présence au Japon, en Chine et en France, entre autres. Le portefeuille (série A) a obtenu un rendement annuel moyen de 5,08 % depuis sa création en 2002. Le ratio de frais de gestion pour la série A est de 2,46 % et de 1,38 % pour la série F.
M. Riach est aussi cogestionnaire du Portefeuille équilibré de croissance Franklin Quotentiel. « Ça fait plus de vingt ans qu’on entend sur diverses tribunes que le portefeuille 60-40 (60 % actions et 40 % titres à revenu fixe) est chose du passé. Mais si on regarde les rendements des fonds avec de telles allocations, on réalise qu’ils ont résisté à l’épreuve du temps. » Le portefeuille équilibré (série A) qu’il gère a obtenu un rendement annualisé de 6,31 % depuis sa création en 2002. À l’heure actuelle, le fonds est composé d’environ 65 % d’actions. Sa portion en obligations est d’environ 32 %. Plus des deux tiers du fonds couvrent l’Amérique du Nord (États-Unis 37 %, Canada 40 %) avec quelques positions stratégiques à l’étranger, dont au Japon, en Chine et au Royaume-Uni. Le portefeuille détient un total de 27 titres. Le ratio de frais de gestion pour la série A est de 2,35 % et de 1,25 % pour la série F.
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Des ratios de frais de gestion en baisse
Les données colligées par Investor Economics, une division de ISS Market Intelligence, basée à Toronto, dénotent une tendance à la baisse du ratio de frais de gestion des fonds communs de placement depuis plusieurs années. « La taille du marché, l’évolution d’un marché plus concurrentiel avec la venue des FNB à bas frais de gestion et un changement dans les pratiques des conseillers qui a favorisé une rémunération basée sur des frais annuels sont quelques-uns des facteurs qui ont contribué à cette diminution », explique Carlos Cardone, directeur général à Investor Economics.
Les ratios de frais de gestion de fonds commun de placement de série A sont passés en moyenne de 2,13 % en 2011 à 2,02 % en 2021 (en incluant les frais d’acquisition ou les commissions de suivi). Pour les fonds communs de placement de série F, ils sont passés de 1,12 % à 0,93 % (en excluant les frais d’acquisition pour les comptes avec des frais annuels).
Le ratio des frais de gestion pondéré en fonction de l’actif de tous les FNB au Canada était de 0,53% en 2011 et de 0,27% en 2021.
«Précisons que les actifs sous gestion des FNB en 2011 étaient beaucoup moins élevés qu’aujourd’hui. Le nombre de fonds disponibles a égalemetn augmenté considérablement», précise Carlos Cardone.
Source : Investor Economics
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Quelques données sur les fonds communs de placement
- S’ils continuent de dominer le marché des fonds d’investissement, les fonds communs ont néanmoins perdu une part de marché au profit des FNB, selon le rapport 2020 sur les fonds d’investissement de l’Institut des fonds d’investissement du Canada.
- Il y a neuf ans, avec un actif sous gestion de 770 G$, les fonds communs représentaient plus de 95 % de l’actif total combiné des fonds d’investissement, qui s’élevait à 813 G$. Les FNB représentaient à l’époque seulement 5 % de cet actif. Neuf ans plus tard, ils ont plus que doublé ce pourcentage (12,6 %). Fait à noter, il y a aujourd’hui trois fois plus de sociétés de fonds d’investissement qui offrent des FNB qu’il y a cinq ans.
- À la fin de 2020, 112 sociétés offraient des fonds communs de placement. Cela représentait une légère hausse de 7 depuis 2011 et une baisse de 5 depuis l’an dernier. Le rapport soutient que cela est dû en « grande partie à la consolidation, ce qui illustre la forte concurrence au sein d’un secteur parvenu à maturité ».
- L’offre de fonds communs de placement au Canada a continué sa croissance depuis 2011, passant de 2862 à 3459 fonds en neuf ans.
- La majorité des actifs des fonds communs de placement se retrouve dans la catégorie des fonds équilibrés. Ceux-ci représentent 49 % des actifs totaux.