EXPERTE INVITÉE. Un article récent publié sur Morningstar.ca remettait en question quelques règles empiriques fréquemment utilisées en matière de planification financière et d'investissement (1). L'article a piqué ma curiosité et j'ai rouvert Maximisez votre capital retraite, mon premier livre, rédigé en 2002, où je proposais aussi des règles empiriques. Force est de constater que certaines d'entre elles doivent être dépoussiérées !
Votre fonds d'urgence doit couvrir de trois à six mois de dépenses. Vraiment ?
Le hic, c'est que peu de gens font un budget. Comment savoir combien mettre de côté pour se protéger adéquatement des imprévus ? Aussi, le travailleur autonome ou la personne endettée est susceptible de souffrir davantage lors d'un coup dur (maladie, travaux d'urgence sur la propriété...) que celui qui a la sécurité d'emploi et des assurances. On a déjà obtenu des taux d'intérêt de 5 % ou de 6 % par an pour y déposer notre cagnotte à court terme, mais cela fait belle lurette. Aujourd'hui, les comptes à intérêt élevé offrent de 1 % à 2 % avant impôt. Pour toutes ces raisons, plusieurs préfèrent se fier à leur marge de crédit, au besoin. Bien que la priorité doive être accordée au remboursement des dettes à taux élevé, il n'en demeure pas moins qu'un bas de laine est toujours confortable (surtout en mérinos !).
La règle des 20/4/10 pour financer votre nouvelle voiture
L'odeur du cuir d'une nouvelle auto vous obsède-t-elle au printemps ? Si oui et que vous devez emprunter, la planificatrice torontoise Rona Birenbaum vous suggère la règle du 20/4/10 : payez 20 % comptant, remboursez l'emprunt sur quatre ans et assurez-vous que vos mensualités de l'année n'excèdent pas 10 % de votre salaire (1).
Épargnez 20 fois votre salaire et partez à la retraite... mais pas trop vite !
En 1999, une règle empirique de l'économiste Sherry Cooper suggérait qu'un capital de 15 fois son salaire (moins les prestations de rentes annuelles dès 65 ans) suffisait à financer une retraite pendant 25 ans à condition d'être prêt à mourir sans le sou, mais toujours proprio. À 22 fois le salaire, le patrimoine était protégé.
Une règle semblable recommande aujourd'hui 20 fois le salaire.
Des règles simples, voire simplistes, cachent parfois des hypothèses qui ne tiennent plus la route. Par exemple, le taux de rendement réel de 5 % par an (8 % du rendement du portefeuille moins 3 % d'inflation) projeté en 1999. Actuellement, il est recommandé aux planificateurs financiers de projeter le rendement réel d'un portefeuille équilibré à environ la moitié de ce taux...
Sachez qu'à la retraite, votre sécurité financière dépend davantage de la hauteur de vos dépenses que de celle de votre portefeuille. Le retraité qui néglige d'adapter rapidement son niveau de vie à sa nouvelle réalité risque d'être confronté à un choc financier, souvent plus tôt que tard.
100 moins votre âge = votre allocation en actions
Selon cette règle, vous devriez avoir 70 % de votre portefeuille investi en actions à 30 ans, ou encore, en détenir seulement 20 % à 80 ans. Cela fait fi non seulement des faibles taux sur les titres à revenu fixe, mais aussi de la réalité et des objectifs des investisseurs. Les jeunes adultes qui cotisent au REER en vue d'un RAP dans quelques années devraient y aller plus mollo avec les actions. À l'inverse, j'ai des clients de plus de 80 ans qui ont toujours eu une forte proportion d'actions et dont le portefeuille est structuré en vue d'être légué aux générations suivantes. Plutôt que d'établir une allocation d'actifs en fonction de l'âge de l'investisseur, mieux vaut considérer son degré de tolérance au risque, ainsi que ses besoins à court et à long terme.
Êtes-vous riche ?
En 1996, les auteurs de The Millionaire Next Door proposaient leur règle empirique à qui voulait savoir s'il était riche. Allez-y et sortez votre calculatrice ! Multipliez votre âge par votre revenu annuel avant impôt (excluez les revenus d'un héritage) et divisez par 10. Le résultat, moins les héritages reçus, représente ce que devrait être votre actif. Je reprends ici l'exemple que j'ai utilisé dans mon livre en 2002 : Pierre a 55 ans et gagne 75 000 $ brut par année : 55 X 75 000 $ = 4 125 000 $/10 = 412 500 $. Ceux qui avaient le double faisaient partie de l'élite parmi les accumulateurs d'actifs. Avec un taux d'inflation moyen de 1,82 % de 1996 à 2018, c'est plutôt un capital de 613 500 $ qui est requis aujourd'hui pour avoir un pouvoir d'achat équivalent. Cette règle, bien qu'incomplète (aucune mention quant au traitement de la valeur d'un régime de pension...), demeure amusante. Alors, êtes-vous riche ?
(1) Source : Ruth Saldanha, « Pourquoi les règles de base du placement ne fonctionnent pas toujours », Morningstar.ca, 16 novembre 2018
EXPERTE INVITÉE
Hélène Gagné, F.Adm.A., est gestionnaire de portefeuille chez Gestion privée Gagné Johnston (Valeurs mobilières PEAK), ainsi que planificatrice financière et conseillère en sécurité financière chez Gagné, Morin & Associés MTL inc.