Ranger la sonnette d’alarme! Les craintes à propos de l’endettement des Canadiens sont nettement exagérées, croit un économiste de l’Institut Fraser, qui s’inscrit en porte-à-faux aux nombreux experts qui s’inquiètent de voir l’endettement des ménages à un niveau record.
«Presque tous les jours, nous entendons des mises en garde selon lesquelles l’endettement des ménages touche un record, commente Philip Cross, auteur d’une étude sur le sujet et ancien économiste chez Statistique Canada. En même temps que le niveau d’endettement progresse, ces mises en garde doivent être tempérées par le fait que l’actif des ménages s’apprécie à un rythme beaucoup plus rapide.»
Le spectre d’une crise de l’endettement est inspiré par la débâcle qu’ont connue les Américains durant la grande récession de 2008. L’endettement record des ménages aux États-Unis a contribué à cette crise. «Cette analyse ne tient pas compte du fait que le véritable problème n’était pas le niveau d’endettement, mais la répartition de celui-ci, précise l’économiste. Trop de dettes ont été accordées à des ménages qui étaient évidemment à risque de faire défaut.»
Selon M. Cross, il n’y a pas lieu de penser que les institutions financières du pays ont été aussi laxistes lorsqu’elles ont accordé leur crédit. «Le Canada n’a pas ce problème, peut-on lire dans le document. Nos banques ont des critères plus serrés et les Canadiens gèrent leur passif d’une manière responsable.»
De plus, si nous sommes maintenant plus endettés que nos voisins du sud, les ratios sont plus élevés dans bien des pays aux reins solides. En Norvège, le niveau d’endettement des ménages s’établit à 210%. En Suisse et en Suède, le ratio avoisine les 200%. Au Danemark et aux Pays-Bas, on touche même les 300%. «Tous ces pays ont des systèmes financiers solides», assure M. Cross.
Les commentaires de M. Cross viennent tempérer de nombreuses mises en garde sur l’endettement des ménages canadiens. Si le coût de la dette demeure à un creux grâce aux faibles taux d’intérêt, un passif plus lourd rend les Canadiens plus vulnérables aux chocs économiques, souligent de nombreux experts. L’appréciation de l'actif des ménages est grandement attribuable à la variation des prix de l’immobilier. Or, rien ne dit que ceux-ci ne diminueront pas, prévient David Madani, de Capital Economics.
D’autres sons de cloche indiquent également que les Canadiens ne sont pas si sereins par rapport à leurs dettes. Un sondage de l’Association canadienne de la paie publié en septembre a démontré que près de la moitié des salariés vivent d’une paie à l’autre. Environ la même proportion n’épargne pas plus de 5% de leurs revenus. La règle du pouce veut que l’on doive mettre de côté 10% de ses revenus, mais plusieurs conseillers affirment que ce montant pourrait être insuffisant selon la situation des particuliers.