Analystes en intelligence d’affaires, développeurs de logiciels, designers d’interfaces graphiques… La pandémie a accéléré l’embauche dans le secteur des technologies de l’information (TI) à Montréal, selon une étude de l’Institut du Québec (IDQ), de Montréal International et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Toutefois, la métropole québécoise accuse toujours de graves retards comparativement à nombre de grandes villes nord-américaines, dont Toronto et Vancouver, notamment en matière de rémunération. Ce qui risque de nuire à son attractivité auprès des personnes talentueuses d’aujourd’hui et de demain.
Montréal compte aujourd’hui quelque 164 000 employés en TI, ce qui représente 6,6% de l’ensemble des emplois de la métropole, révèle l’étude. La progression annuelle du nombre d’emplois en TI a été d’en moyenne +3,5% entre 2016 et 2019. Elle a connu un bond exceptionnel depuis le début de la pandémie, avec près de +16%, en partie parce que la vogue du télétravail a nécessité l’embauche massive d’experts en technologie pour nombre d’entreprises. À noter que ce bond est le plus élevé des 14 métropoles nord-américaines analysées par l’étude qui sont de grandes villes jugées similaires au niveau de la population et du nombre de travailleurs en TI (Boston, Phoenix, Denver).
«Avec l’accélération brutale du virage numérique, l’ensemble des industries québécoises ne peuvent faire autrement que de miser davantage sur les professionnels en TI. Il y va du maintien et du développement des systèmes informatiques indispensables à leur croissance», dit Emna Braham, la directrice adjointe de l'IDQ, en soulignant que «dans ce contexte, la rareté de personnes talentueuses est un danger préoccupant pour toutes les organisations».
De fait, le nombre de postes vacants dans les TI était très précisément de 4 958 à Montréal en 2020, soit un taux de postes vacants de 2,7%, indique l’étude. Ce taux est plus élevé qu’à Vancouver (2,1%) et Toronto (2%).
Et le nombre de postes vacants va en augmentant à Montréal. Il a cru annuellement en moyenne de 32% entre 2016 et 2019. Et depuis le début de la pandémie, il est passé de 4 900 postes vacants au premier trimestre de 2020 à 5 380 au deuxième trimestre de 2021, avec un sommet à 6 165 au premier trimestre de 2021.
L’étude estime que ce phénomène découle en grande partie d’une particularité montréalaise: les salaires dans les TI y sont plus bas qu’ailleurs. La rémunération horaire est en moyenne de 32 $ à Montréal alors qu’elle est de 36 $ (+12%) à Toronto et de 38 $ (+17%) à Vancouver. En conséquence, les personnes talentueuses peuvent être tentées d’aller vivre ailleurs qu’à Montréal pour gagner de meilleurs salaires. «Et avec le déploiement massif du télétravail, ces experts peuvent tout aussi bien faire le choix de rester vivre à Montréal et de travailler à distance pour un employeur implanté hors du Québec, qui offre une meilleure rémunération», avance Emna Braham, de l'IDQ.
Comment remédier à ce problème susceptible de nuire à l’avenir des TI à Montréal? «Il est impératif que la croissance du secteur des TI soit soutenue par des choix politiques ambitieux», lance Michel Leblanc, le président et chef de la direction de la CCMM.
L’étude préconise d’explorer différentes voies en ce sens, dont les principales sont les suivantes:
– Les femmes. En 2020, seulement 19% des professionnelles en TI étaient des femmes, est-il noté dans l’étude. En guise de comparaison, le même pourcentage était de 22% à Toronto comme à Vancouver. D’où l’intérêt d’«attirer, intégrer et retenir le groupe sous-représenté que sont les femmes».
— Les immigrants. Il conviendrait de résorber «au plus vite» les délais dans le traitement des dossiers d’immigration, «faute de quoi le Québec pourrait perdre de son attractivité auprès des personnes talentueuses étrangères».
«Nous avons tout intérêt à redoubler d’efforts pour stimuler le recrutement à l’international et ainsi bonifier le bassin de talents local», résume Christian Bernard, vice-président, Talents internationaux, Intelligence d’affaires et Communications, de Montréal International, une agence de promotion économique de la métropole.
— La métropole elle-même. Montréal a plusieurs épines fichées dans le pied, qui peuvent faire hésiter des entreprises technologiques étrangères à investir dans la métropole. Parmi celles-ci figurent «un capital humain moins bien formé que dans les autres villes nord-américaines» et «un taux de productivité qui reste au neutre». Selon l’étude, il faudrait s’attaquer à ces épines d’une main ferme et résolue et ainsi «rendre Montréal plus attirante» aux yeux des investisseurs et autres entrepreneurs.
Pour Emna Braham, de l'Institut du Québec, il y a urgence d’agir avec vigueur. À tous les niveaux (formation, rémunération, immigration) et à toutes les échelles (gouvernements, entreprises). «Un important changement de paradigme doit être amorcé», affirme-t-elle, sans quoi le retard de Montréal par rapport aux autres métropoles nord-américaines «risque fort de s’accentuer».