L'investisseur Marc Andreessen a dit en 2011 que les logiciels étaient en train de manger le monde. Il avançait alors que les entreprises qui sortiraient gagnantes de ce bouleversement seraient celles qui investissent le plus dans les logiciels. Pourtant, le logiciel se contente encore de grignoter les miettes de l'industrie fragmentée de l'immobilier, laquelle représente 192,5 milliards de dollars par année dans le pays, selon Industrie Canada. C'est toutefois en train de changer. Grâce à une nouvelle vague de start-ups s'attaquant à cette industrie traditionnelle, les propriétaires devraient bientôt gérer leurs immeubles à partir de leur ordinateur.«Les gros propriétaires ont des logiciels de gestion vieillissants, mais parmi les petits, il y en a encore beaucoup qui gèrent avec une boîte à chaussures», illustre Marwan Bitar, qui a cofondé Buildingo en 2012 afin de propulser les propriétaires au 21e siècle. Le service en ligne de la jeune pousse montréalaise rend ainsi possible l'automatisation de plusieurs aspects de la gestion d'un immeuble, de la publication d'annonces au paiement des loyers.
Buildingo, dont le service est offert en version bêta, permet en effet à ses clients d'accepter les cartes de crédit ou les transferts bancaires. «Ça permet au proprio de voir en un instant qui a payé son loyer et qui ne l'a pas fait, et d'automatiser les envois d'avis de retard», explique Marwan Bitar. Le logiciel en ligne, qui est encore en version bêta, agit aussi comme une plateforme de communication entre locataires, propriétaires et même fournisseurs de services. Le logiciel est pour l'instant gratuit, mais ses utilisateurs doivent payer des frais de transaction de 1 $ pour chaque transaction réalisée par son intermédiaire.
Buildingo n'est pas la seule société à proposer un tel logiciel. Les américaines Propertyware, Buildium et Cozy offrent elles aussi, à quelques variations près, des logiciels en ligne similaires. Forte de 6,5 millions de dollars de financement en capital de risque, Cozy va jusqu'à proposer un service de filtrage des locataires, qui tire ses informations des médias sociaux et d'une agence d'évaluation du crédit.
L'immobilier social
Pour sa part, le cofondateur de Potloc, Antoine Delacressonnière, trouvait inconcevable que personne ne l'ait consulté avant d'ouvrir une boutique en bas de chez lui, sur le Plateau-Mont-Royal. Après tout, raisonnait-il, l'ouverture d'un commerce de détail coûte plusieurs centaines de milliers de dollars et, la plupart du temps, ce sont les résidents du quartier qui décideront de son sort.
Issue de ce constat, Potloc permet aujourd'hui aux Montréalais de voter sur la vocation qu'ils voudraient que prennent les locaux de détail qui sont à louer dans leur ville. «L'investissement moyen dans un nouveau commerce de détail, c'est 394 000 $, explique Rodolphe Barrere, pdg de Potloc. On veut donc convaincre les entrepreneurs de l'importance stratégique de nos statistiques. Elles ont aussi de la valeur pour les courtiers et les propriétaires, pour qui elles constituent un outil de vente.»
Déjà, plus de 8 000 votes ont été recueillis par Potloc, et trois locaux ont reçu la vocation souhaitée par les résidents. Le service, qui vise à regrouper toutes les annonces de locaux de détail à louer à Montréal, est pour l'instant gratuit. Son pdg, Rodolphe Barrere, vise toutefois à vendre des rapports statistiques plus détaillés sur les résultats des votes tenus sur son site aux entrepreneurs et aux locateurs.
Alors que Potloc vise les communautés des quartiers, Evercondo, une autre start-up montréalaise, a pour ambition de faciliter les interactions au sein des immeubles en copropriété. «Le produit a été conçu afin de faciliter les communications entre les copropriétaires et les gestionnaires d'immeubles de condos, explique Grant Yim, pdg d'Evercondo. Passer du papier à une interface Web, ça permet aussi à une communauté de se créer autour de l'immeuble.»
Le logiciel en ligne d'Evercondo pourra ainsi être utilisé pour signaler un problème au gestionnaire immobilier, pour réserver une salle commune ou encore pour annoncer une fête. Pour Grant Yim, la dimension sociale de l'immobilier n'est pas à négliger. «Nextdoor [qui a obtenu 100 M$ en capital de risque] offre aux États-Unis des réseaux sociaux de quartier, note Grant Yim. Il y a une tendance à créer des communautés en ligne autour de lieux physiques ; cela dit, seul l'avenir nous dira si c'est véritablement ce que les gens veulent.»
Choisir un quartier plutôt qu’une maison
Mauro Repacci, pdg de Navut, fait le pari que ceux qui changent de ville voudront choisir un quartier avant de choisir une propriété. Le site Web de la start-up montréalaise fournit ainsi une grande variété de données sur chaque quartier, allant de la qualité de ses écoles aux revenus moyens de ses résidents. Navut, qui
affiche aussi des propriétés à vendre, empoche une commission sur les clients recommandés. «Ce que nous offrons aux agents immobiliers et aux autres fournisseurs, c’est la chance de développer une relation avec des clients avant même qu’ils ne déménagent dans leur ville», explique Mauro Repacci.