LES CLÉS DE LA CRYPTO. Quand un institutionnel qui possède plus de 4000 milliards d'actifs sous gestion parle placement, la moindre des choses, c'est d'écouter ce qu'il a à dire. Surtout que, en l’occurrence, son analyse d'investissement porte sur la cryptomonnaie longtemps promise «tueuse de bitcoin» et marque un franchissement d’étape susceptible de changer la perception des petites gens.
Il ne s’agit pas d’un livre des révélations, où tout serait à prendre dévotement pour Évangile, mais le dernier rapport de recherche de la branche Actifs numériques du géant financier Fidelity pourrait bien susciter quelques vocations. En moins de vingt pages, le document est sobrement intitulé «Thèse d’investissement dans Ethereum». Naturellement, tout ceci reste à titre informatif, prennent soin de rappeler les clauses de responsabilité ponctuant le rapport, le propos n'ayant aucune portée commerciale ni d'intention de recommandation financière.
Précautions d’usage prises, l’équipe de Fidelity n'en explore pas moins le potentiel d'Ethereum à la fois en tant monnaie (légale), réserve de valeur et investissement porteur de (bons) rendement(s). Et les appréciations des rapporteurs se montrent sans équivoque: «Il ne fait pratiquement aucun doute qu'Ethereum est une chaîne de blocs de premier plan et une plateforme technologique qui permet aux développeurs de créer des applications décentralisées, dont beaucoup sont capables de réaliser des choses qui ne pourraient pas être menées sur le réseau Bitcoin en raison de la programmabilité supérieure d'Ethereum», note-t-on chez l’imposant gestionnaire d’actifs.
Cet état technique a alimenté le plus grand nombre d'applications, mais aussi les plus actives dans l'écosystème des actifs numériques. Le token natif d'Ethereum, l'ether (ETH) occupe ainsi depuis plusieurs années le deuxième rang mondial des cryptomonnaies en termes de capitalisation de marché, derrière le bitcoin (BTC).
«Supérieure à Bitcoin»
Se pose logiquement dès lors cette interrogation dans les diverses communautés d’investisseurs, institutionnels comme particuliers, à savoir toute cette dynamique technologique, le fourmillement des développeurs et les millions d'utilisateurs d’applications décentralisées, se traduit-elle en valeur (financière) pour la crypto d'Ethereum ?
Oui, démontrent les rapporteurs de Fidelity, tant en théorie que sur base des données actuelles, un investisseur qui achète ou conserve de l'ETH n'obtient ni ne détient pas qu'un simple jeton numérique pour interagir dans les limites du réseau Ethereum. Il s'agit bien d'un moyen de paiement et, par-là, d'une «forme émergente d'argent, similaire au bitcoin».
Et si «il semble peu probable qu'un autre actif digital puisse faire mieux que le bitcoin en tant que bien monétaire, car le bitcoin est considéré comme la monnaie numérique la plus sûre, décentralisée et saine à ce jour et toute amélioration nécessiterait des sacrifices», il convient de prendre en compte les différents marchés, cas d'utilisation et même les innombrables communautés dans lesquels Ethereum offre des fonctions alternatives par rapport à Bitcoin.
«Alors que l'ether est communément envoyé entre adresses pour transférer de la valeur de la même manière qu’avec bitcoin, l’ether a un rôle supplémentaire en tant que monnaie par lequel les utilisateurs exécutent des contrats automatisés. C’est son véritable facteur de différenciation», insiste-t-on chez Fidelity.
Avec modération
Pas question pour autant de faire tapis sur Ethereum. Car si son token se montre apte à remplir aisément les fonctions premières d'une monnaie, les dimensions de réserve de valeur ou d'investissement rémunérateur de l’ETH s'accompagnent de plus de retenue.
Aussi fascinante que puisse paraître la chaîne de blocs Ethereum, elle reste en chantier. D’importantes mises à jour ont eu lieu, mais d’autres sont encore attendues. «Ce qui introduit des risques techniques récurrents et des inconnues qui dégradent ses perspectives en tant qu'actif de réserve de valeur», font remarquer les analystes.
Et de poursuivre que, bien que l'ether soit utilisé pour divers paiements, la volatilité des frais liés à ses usages reste un obstacle à son adoption à grande échelle. Or, constate Fidelity, ne s’établit pas de relation positive entre la croissance du nombre d'adresses Ethereum (mesure de l'adoption) et le cours boursier du token.
Sur le plan d’investissement enfin, le passage d'Ethereum à la preuve d'enjeu (proof-of-stake) permet désormais aux détenteurs de tokens de recevoir un rendement. L'ether est devenu un actif fondamentalement différent depuis cette mise à jour (The Merge). Non seulement le réseau consomme beaucoup moins d'énergie moins d'énergie, il fournit également des revenus passifs pour ceux qui sont prêts à bloquer leur ETH sur la blockchain.
Valoriser le token et estimer l’évolution du prix s'avère techniquement moins difficile à modéliser depuis ce changement logiciel, car les transactions, dépôts bloqués et autres frais en ressortent plus mesurables. Néanmoins, «les différents catalyseurs [du prix] sont complexes et nuancés, ont changé au fil du temps avec les diverses mises à jour des protocoles et peuvent encore changer à l'avenir», de façon significative. Autrement formulé, digne d’investissement, Ethereum doit encore faire ses preuves prochainement et assumer davantage de durabilité pour mériter une allocation plus imposante dans les portefeuilles.