Soucieuse de lutter contre le gaspillage alimentaire, la chaîne d'épiceries française Intermarché a lancé au cours des derniers mois la campagne des fruits et légumes moches, vendus 30 % moins chers que les belles pommes ou encore les oranges parfaites. Une initiative intéressante qui a toutefois peu de chances de voir le jour dans les épiceries québécoises.
Après un premier test dans un Intermarché d'une petite localité de Seine-et-Marne en mars et une autre expérience dans la région parisienne en juin, le détaillant s'apprête à mener une opération nationale où il vendra des fruits et des légumes moches en octobre. «En mars, nous avons écoulé en trois jours 1 200 kilogrammes de carottes, de pommes et d'oranges non calibrés. Cela a été un succès», explique Vanessa Robineau, responsable des relations publiques chez Intermarché.
Cette opération a été accompagnée d'une campagne virale très efficace. Plusieurs vidéos ont été produites pour l'occasion et ont dépassé les 100 000 visionnements sur YouTube. D'ailleurs, l'agence publicitaire française Marcel a gagné un Grand Prix Stratégies de la Publicité pour cette campagne.
Pour sa première journée nationale des fruits et légumes moches, Intermarché vise le 16 octobre, journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire. «Les fruits et les légumes moches existaient déjà de manière informelle. Toutefois, ce créneau représente un important défi d'approvisionnement, c'est-à-dire que les producteurs agricoles ne font pas exprès de faire pousser ces fruits et ces légumes. Ça n'arrive pas sur commande», explique Mme Robineau.
Un approvisionnement local
De plus, il n'est pas question qu'Intermarché importe des fruits et des légumes moches pour les revendre à ses clients. Mme Robineau affirme que le détaillant tient à établir des partenariats avec des producteurs locaux. Par exemple, cela signifiera que l'offre de fruits et de légumes variera en fonction du territoire et de la saison.
Même si la campagne d'Intermarché a touché la cible d'un point de vue marketing, Alain Dumas, directeur principal aux affaires publiques chez Sobeys Québec, qui exploite l'enseigne IGA, croit que cette initiative a peu de chances de traverser l'Atlantique.
«Le marché québécois est différent de celui de l'Europe, en ce sens que les fruits et légumes moches sont détournés à la source et envoyés directement chez les transformateurs alimentaires. On évite ainsi un tri directement chez les marchands», dit-il.
Toutefois, nuance-t-il, légumes moches ne signifie pas forcément qualité moindre : «Lors de la sélection initiale, la qualité du produit importe beaucoup plus que son aspect».
Les légumes moches ne sont pas automatiquement destinés à la transformation alimentaire, confirme le vice-président du Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation, Dimitri Fraeys. «Les produits transformés sont de qualité, entre autres parce que les entreprises ont des cahiers des charges à respecter. Par exemple, les pois fraîchement récoltés sont mis en conserve moins de trois heures après leur cueillette.»
La porte-parole de Metro, Geneviève Grégoire, croit elle aussi que les légumes moches ont peu d'avenir sur nos étalages. «Aussi intéressante soit-elle, l'initiative d'Intermarché cadre difficilement dans un contexte hyper concurrentiel où les consommateurs souhaitent avoir une grande qualité de produits.»
Comme Sobeys, Metro propose trois avenues afin de réduire le gaspillage alimentaire. Tout d'abord, tous les magasins sont dotés d'une cuisine pour faire du prêt-à-manger. Ensuite, il y a les partenariats avec des banques alimentaires.
179 - En Europe, le gaspillage alimentaire annuel est évalué à 179 kilogrammes par personne. Au Canada, on estimait en 2009 cette donnée à 183 kilogrammes.
Source : Statistique Canada