Les entreprises de transformation alimentaire rivalisent de créativité pour innover afin de conserver leur place sur les tablettes des épiceries. Petit tour dans les coulisses de la conception d'un nouveau produit : la gamme Quisine, d'Olymel.
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L'automne dernier, un nouvel emballage de Flamingo, marque spécialisée dans les produits de poulet surgelé, a fait son apparition dans les congélateurs des supermarchés. Son nom : Quisine. Derrière cette nouvelle gamme, il y a 18 mois de travail. Olymel en a fait «une priorité corporative», assure Laura Pené, directrice stratégie et développement de l'entreprise. Bien qu'elle se garde de dévoiler les sommes consacrées à cette innovation, elle affirme que «c'était le lancement de produit qui a nécessité le plus d'investissements» pour l'entreprise. Environ trois fois plus d'argent que dans le développement habituel d'un nouveau produit. La raison : l'entreprise voulait rejoindre des consommateurs attirés par des produits plus sains, notamment avec moins de sel, qui ne s'intéressaient pas à l'offre existante Flamingo.
Sa conception a exigé de «huit à dix fois plus d'heures» que ce qui est consacré d'habitude à la création de nouveaux produits, affirme Guylaine Lacroix, directrice recherche et développement volaille chez Olymel. L'entreprise lance une vingtaine de nouveaux produits par année. Dans les derniers mois, elle a entre autres dévoilé une gamme de volaille et de jambon sans gluten et sans agents de conservation ajoutés, du porc effiloché cuit lentement à la sauce BBQ et des saucisses de style européen.
«On n'a pas engagé plus de gens, mais on avait une équipe de quatre personnes dédiées à la conception de la nouvelle gamme Quisine pour être certains d'arriver dans les temps», précise Laura Pené. Pour le développement et le lancement de la gamme dans son ensemble, l'équipe s'élargissait à huit personnes de différents services. En fonction des divers besoins du projet, un groupe multidisciplinaire, composé d'employés de la production, des achats, de la logistique, des ventes, du marketing, de la R-D et de l'assurance qualité, se rencontrait toutes les trois ou quatre semaines pour assurer une bonne coordination. L'essentiel des activités de R-D s'est déroulée au centre de distribution, ventes et marketing d'Olymel à Boucherville.
La cible : les femmes âgées de 25 à 54 ans
Au départ, une recherche a été lancée pour bien connaître les goûts et les habitudes des consommateurs de repas rapides lors des soupers de semaine en famille. La clientèle cible : les femmes âgées de 25 à 54 ans qui travaillent et qui ont de jeunes enfants à la maison. Des sondages et des groupes de discussions ont permis de connaître les failles dans l'offre de la volaille surgelée sur le marché.
Leurs témoignages indiquaient que, bien que le repas soit une source de stress, les consommateurs voulaient sentir qu'ils participaient à son élaboration et ne se contentaient pas d'un plat mis à la va-vite dans le four à micro-ondes. C'est ainsi qu'Olymel s'est accroché à l'idée d'une viande crue dont la cuisson laisserait le temps de préparer ses propres accompagnements en parallèle.
Le fabricant a ensuite analysé les tendances émergentes dans le domaine. En Europe, par exemple, il a noté un appétit pour les saveurs exotiques qui se répercutait dans l'offre en supermarché. Ce constat a poussé l'entreprise à se tourner vers les saveurs indiennes, mexicaines et thaïes. Une véritable course contre la montre s'est dès lors engagée, pour ne pas être devancée par une autre entreprise qui aurait aussi vu une occasion d'affaires dans le même créneau.
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Des tests dans des restaurants
Une deuxième recherche auprès des consommateurs a été organisée pour valider les saveurs, le nom (Quisine) et le prix auprès des clients potentiels. L'équipe a innové dans sa façon de travailler en définissant un produit cible, ou un benchmark dans le jargon de l'industrie. Elle a visité des restaurants indiens pour bien cerner le goût de ce produit authentique et en discerner les ingrédients. Le chef cuisinier chez Olymel a reproduit en laboratoire la saveur, la texture et l'apparence observées pour concocter un plat qui a servi de modèle par la suite.
«C'était une nouvelle façon de fonctionner pour nous», reconnaît Mme Lacroix. Au début, on a perdu un peu de temps à cibler ce dont on avait besoin.» En revanche, Mme Pené considère que cette nouvelle méthode leur a ensuite permis d'avancer plus vite et de travailler plus efficacement. Mais les défis n'ont pas manqué : il fallait atteindre un résultat similaire à l'aide d'ingrédients et de procédés industriels, pour s'assurer que le consommateur vivrait la même expérience, tout compte fait.
Certaines technologies inédites ont été envisagées pour le contenant à cuisson, mais le choix s'est porté sur un plat en aluminium déjà sur le marché, en raison de son côté pratique. Sinon, «il aurait fallu faire plus d'éducation auprès du consommateur. On ne voulait pas nécessairement en faire, parce que le produit était nouveau en soi», explique Mme Lacroix.
On a dû préparer de cinq à huit prototypes différents pour chaque saveur avant d'arriver à la recette finale. On a mené des tests de goût à l'aveugle auprès de consommateurs cibles à Montréal et à Toronto afin de recueillir leurs commentaires. Cette étape est déterminante pour valider le produit. On a épaissi certaines sauces après que plusieurs personnes les eurent jugées trop liquides. De plus, la perception de la sauce mexicaine variait : dans l'une des métropoles, on la désirait plus épicée, tandis que dans l'autre, on la préférait moins piquante. La recette a été ajustée afin de plaire dans les deux endroits.
Achat d'un nouvel équipement
En parallèle, Olymel a dû acheter un nouvel équipement pour la production industrielle. Afin d'éviter que de la glace ne se forme au moment de surgeler, l'option d'une conservation scellée sous vide avait été retenue. On a effectué des essais pour savoir s'il était possible de réaliser la tâche avec la machinerie déjà en place, mais sans succès. La barquette en aluminium a aussi influencé le design de l'emballage en carton, élaboré par les équipes de R-D et du marketing d'Olymel. La division de marketing s'est ensuite chargée de concevoir la présentation imprimée sur la boîte.
La gamme Quisine était désormais prête à être commercialisée et à se retrouver sur les étalages. Pour le lancement, la priorité a été de bâtir une notoriété autour de la marque. L'agence Saint-Jacques Vallée Young & Rubicam avait développé le concept de la publicité télévisée, d'abord testée sur le public cible avant d'être diffusée. Olymel approchait pour sa part les grandes enseignes de distribution, telles IGA, Loblaws ou Metro.
«On a fait beaucoup de promotion avec les programmes qui leur sont spécifiques, comme les points Air Miles ou metro&moi, par exemple», explique Mme Pené. Mais certains aspects échappaient à leur contrôle. Si l'emballage des produits avait été réfléchi pour répondre aux autres produits Flamingo dans les présentoirs, certains détaillants ne les ont pas placés côte à côte. «Ça change un peu la stratégie», admet-elle. Mais les efforts de commercialisation n'en sont qu'à leur début. «Quand on lance un nouveau produit, le soutien marketing est assez significatif pendant un an, souvent deux. Et ce sera probablement ainsi dans le cas de Quisine.» Pour l'instant, Mme Pené assure que les objectifs de lancement ont été atteints. Elle affirme qu'Olymel entend réutiliser la méthode articulée autour d'un benchmark pour développer de futurs produits.
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