La clientèle masculine n'a jamais été la force d'Ogilvy. Ni de Holt Renfrew d'ailleurs, qui estime qu'à peine 20 % de ses ventes proviennent actuellement des hommes.
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Mark Derbyshire souhaite changer les choses et accroître de «façon significative» les ventes et l'achalandage des consommateurs masculins dans ses magasins. Comment ? En faisant en sorte qu'ils se sentent comme chez eux, répond tout bonnement le pdg.
En octobre dernier, la chaîne de magasins a ouvert à Toronto Holt Renfrew Men, son premier magasin pensé et conçu exclusivement à l'intention de la gent masculine. «On a tout réinventé et revu nos façons de faire, en examinant chaque aspect du point de vue de l'homme.»
Au-delà de la gamme des produits eux-mêmes, la décoration du magasin, l'ambiance, les services (voiturier, cireur de chaussures, cordonnier, portier, etc.), tout a été revu. «On a même envoyé nos vendeurs suivre des formations en Italie», illustre le pdg, pas peu fier.
La stratégie risque de porter, affirme Daniel Baer, responsable du commerce de détail chez Ernst & Young. «Comme les femmes, dit-il, les hommes aiment acheter dans un environnement qui leur ressemble, dit-il. Leurs ventes risquent très bien d'augmenter.»
Choc frontal
Le magasin de 16 500 pi2, sur deux étages, dessiné par les architectes de la new-yorkaise Janson Goldstein, a été érigé sur Bloor Street West, aux limites du chic Yorkville et, surtout, juste devant le vaisseau amiral de Harry Rosen, son concurrent juré dans la mode masculine. Plus que de la provocation, le geste a été perçu comme une véritable déclaration de guerre par les spécialistes de l'industrie.
Sur ce plan, Larry Rosen, président et chef de la direction de la chaîne de luxe, fondée par son père, ne feint pas l'indifférence. «Nous ne savions pas à quoi nous en tenir au départ. Nous étions un peu nerveux. Mais finalement, et à notre grande surprise, dit-il, les ventes de notre magasin (54 000 pi2 sur cinq étages) ont grimpé de 10 % depuis son ouverture.»
Tant et si bien que, malgré les visées de Holt Renfrew dans la mode masculine, Harry Rosen continue d'occuper, avec ses 17 magasins au pays, plus de 40 % du marché canadien du vêtement haut de gamme pour hommes.
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N'empêche, le coup de Holt Renfrew a porté. Un mois avant l'ouverture du nouveau magasin concurrent, Harry Rosen annonçait en grande pompe un plan d'expansion de 100 millions de dollars à l'échelle du pays, dont 15 M$ pour le quasi-doublement de la superficie (19 000 à 33 000 pi2) de son magasin de Montréal.
Situé aux Cours Mont-Royal, ce magasin passera de 19 000 à 33 000 pi2, en occupant notamment tout l'espace laissé vacant cet hiver par le départ du Club Monaco, déménagé rue Sainte-Catherine. L'agrandissement devrait être terminé pour l'automne.
Des victimes à Montréal ?
Les investissements de Harry Rosen à Montréal ne seront pas perdus, puisque Holt Renfrew pense profiter de l'ouverture de son nouveau magasin, angle de la Montagne et Sainte-Catherine Ouest, pour se mettre, comme à Toronto, à courtiser la même clientèle masculine.
Une stratégie qui, selon Terry Henderson, président pour le Québec de J.C. Williams Group, un consultant en commerce de détail, risque - à Montréal du moins - de faire mal à Harry Rosen.
«Pensez-y, dit-il. Quel magasin les hockeyeurs, avocats ou amateurs de Formule 1 (des gens prêts à dépenser 75 000 $ en une seule visite) se font-ils conseiller à Montréal ? Aujourd'hui, c'est Harry Rosen. Mais à partir de 2017, Holt Renfrew Men pourrait aussi s'ajouter aux recommandations. Inévitablement, la nouveauté de Holt saura séduire quelques-uns de ses clients.»
Actuellement, la section pour hommes d'Ogilvy se trouve loin de l'entrée principale, au quatrième étage du magasin que Holt Renfrew s'apprête à aménager. Il s'agit de l'avant-dernier étage, à mille lieues du luxe offert dans sa boutique pour hommes à Toronto.
Est-ce que Holt Renfrew entend garder sa section pour hommes telle quelle à Montréal, ou compte-t-elle bâtir un magasin pour hommes à part entière, à l'image de celui de la Ville reine ? Le président Derbyshire évite délibérément de répondre, visiblement soucieux de garder toutes ses options ouvertes. «À mesure que les travaux de construction avanceront, je peux vous assurer que vous constaterez une attention grandissante et délibérée à l'égard de l'homme montréalais.»
En raison de la grande superficie du magasin de Montréal, Mark Derbyshire estime qu'il peut se faire de grandes choses. «Nous tirons beaucoup d'enseignements de notre magasin pour hommes de Toronto. Mais ce n'est qu'une inspiration ; le magasin de Montréal sera différent.» Il dit viser tant le féru de vêtements d'avant-garde que l'habitué d'Ogilvy, amateur de mode plus classique.
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