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RHÉVEIL-MATIN. Si la pandémie a mis en lumière la détresse des cadres de premier niveau, elle n’en est pas l’élément déclencheur, et les entreprises doivent remédier à la situation, conclut la doctorante en administration spécialisée en comportement organisationnel à l’ESG UQAM, Sabrina Pellerin dans le cadre de ses recherches.
Cette dernière s’intéresse à cette épineuse question depuis quatre ans déjà. «Autant la littérature que les échos que l’on recevait du terrain [lors de sa maîtrise] nous indiquaient que les gestionnaires vivaient des irritants qui passaient un peu sous le radar, et qu’on ne les mesurait pas comme des prédicteurs de la détresse psychologique», raconte-t-elle en entrevue avec Les Affaires.
Menée en deux temps, sa thèse de doctorat, réalisée sous la direction de Julie Cloutier, professeure à l'ESG UQAM, repose sur plusieurs centaines de témoignages de cadres québécois de différents secteurs d’activité. Sabrina Pellerin tente de repérer les principaux facteurs de risque, parmi la cinquantaine qu’elle avait préalablement identifiée, qui accentuent leur malheur au boulot.
«L’iniquité descendante», soit l’impression d’offrir aux membres de son équipe des conditions de travail plus avantageuses et une reconnaissance plus grande que celles auxquelles il ou elle aurait droit, est le facteur de risque qui a le plus souvent été mentionné, selon les résultats préliminaires de sa recherche.
Inévitablement, cette impression pernicieuse affecte le niveau de mobilisation et la détresse psychologique de ces individus, ce qui étonne tout particulièrement la chercheuse. «On insiste sur l’importance d’avoir de bonnes conditions pour les employés, mais on dirait que l’expérience gestionnaire passe complètement dans le beurre. [… Certes] ce sont des représentants des employeurs. Néanmoins, ils ont les mêmes besoins que des employés qui ne sont pas des cadres».
Plus de 50% des supérieurs sondés ont aussi l’impression d’être pris entre l’arbre et l’écorce, coincés entre les attentes non compatibles des deux parties, a pu observer Sabrina Pellerin. Ayant à faire respecter les politiques de la direction, sur lesquelles ils ont souvent peu de pouvoir, les 2/3 des répondants dénoncent que c’est eux qui reçoivent les «reproches injustifiés» des travailleurs.
Certains se demandent même si le jeu en vaut la chandelle, déchantant devant la charge de travail et les heures supplémentaires inévitables — les cadres bossent en moyenne 50 heures par semaine — comparées à leur taux horaire réel. Ils sont d’ailleurs 70% à avoir l’impression de devoir être joignables en tout temps. «Beaucoup nous ont dit que si c’était à refaire, ils ne sont pas sûrs qu’ils accepteraient».
Quelques remèdes
Loin d’être une fatalité, il existe quelques remèdes au blues du cadre de première ligne. Si «un simple merci ne coûte pas cher», Sabrina Pellerin prévient que certaines organisations devront peut-être repenser la culture de l’entreprise.
Selon les résultats de sa recherche, les gestionnaires souhaitent que leur apport, leurs compétences et leur expertise soient davantage reconnus. Ils aspirent aussi à des conditions de travail similaire à celles offertes aux employés qui ne sont pas cadres, soient un droit à la déconnexion et un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle. «Pour que vraiment leur expérience réponde à leurs besoins, ça passe autant par la gestion du travail et leur niveau d’autonomie que par leurs avantages sociaux et leur salaire», explique la chargée de cours à l’ESG UQAM.
Afin d’être mieux outillés pour accomplir leur besogne, ils aimeraient un meilleur appui de la part de l’équipe des ressources humaines. Si la formation peut aussi être une solution, il faudra toutefois alléger la charge de travail le temps qu’ils s’y attellent, ajoute Sabrina Pellerin.
«La santé psychologique est importante. Sentir que l’organisation est derrière nous, c’est précieux pour les employés et les gestionnaires», soutient-elle.
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