Quatre-vingt-douze milliards de dollars. C'est la somme astronomique qui sera injectée dans les infrastructures publiques québécoises au cours des dix prochaines années. Le PMI-Montréal, l'association professionnelle des gestionnaires de projet au Québec, estime qu'il est temps de donner un coup de barre dans notre façon de gérer les projets publics afin de les rendre plus efficaces. La solution ? Confier à des gestionnaires dûment certifiés les rênes des grands chantiers publics.
«Nous ne pouvons plus continuer à gérer comme nous le faisons actuellement. Nous avons de moins en moins de ressources humaines et de moins en moins d'argent. Il faut trouver des manières de faire plus efficaces pour mener à terme nos projets, d'autant plus que les citoyens demandent de plus en plus de comptes», lance Benoît Lalonde, président du PMI-Montréal.
Il préside également GPBL, une firme de consultation et de formation en gestion de projet.
Avec ses quelque 3 700 membres, le PMI-Montréal, fondé en 1977, est l'une des 5 plus importantes des 286 sections régionales du Project Management Institute (PMI), une organisation qui forme et certifie les gestionnaires de projet provenant aussi bien de l'ingénierie, de l'aéronautique, de la construction, que de l'informatique, la pharmaceutique et les télécommunications.
«Depuis près de 40 ans, des ingénieurs ou des informaticiens sont parachutés gestionnaires de projet, et cela, sans formation en gestion. Il y a beaucoup d'improvisation et ils doivent apprendre sur le tas», dit Benoît Lalonde. C'est cette improvisation qui mènerait aux échecs coûteux et aux fréquents dépassements de coût.
Les Kent Nagano de la gestion
La gestion de projet «n'est pas simplement de calculer les coûts du béton», dit Benoît Lalonde. Plus ou moins 80 % du travail des gestionnaires de projet - qu'ils soient certifiés ou non - est d'assurer la coordination entre plusieurs partenaires, ce qui est nécessairement facilité lorsque ceux-ci sont formés à cet effet, selon lui. «Prenez le projet des travaux de l'échangeur Turcot ; les gestionnaires de projet qui travaillent sur ce chantier doivent assurer et prendre en considération plusieurs parties prenantes : la Société des transports de Montréal, l'Agence métropolitaine de transport, la Ville de Montréal, les citoyens, le ministère des Transports du Québec...
«Avant tout, un gestionnaire de projet est un bon planificateur ; 85 % des erreurs dans un projet surviennent en phase de démarrage parce qu'on n'arrive pas à avoir une vue d'ensemble du projet. Il doit aussi coordonner des équipes multidisciplinaires ; ce n'est pas lui qui va dire au géologue, à l'ingénieur ou à l'architecte comment faire son boulot», dit-il.
«Il est une sorte de chef d'orchestre. Comme Kent Nagano, il ne sait pas jouer de tous les instruments, mais il a une vue d'ensemble», indique-t-il.
La commission Charbonneau
Les dépassements de coût faramineux de plusieurs projets publics - CHUM, échangeur Turcot, salle de l'OSM, Hôtel-Dieu de Québec, etc. - et les révélations quotidiennes de corruption et de collusion à la commission Charbonneau pourraient faciliter la reconnaissance des gestionnaires de projet certifiés, selon Benoît Lalonde. PMI-Montréal entend profiter de l'occasion pour se faire entendre.
Cet automne, l'organisation compte déposer un mémoire à l'occasion de la dernière partie de la commission Charbonneau qui portera sur les solutions. En attendant les critères d'admission - qui devraient être communiqués à la fin du mois de février -, PMI-Montréal jette les bases d'une réflexion.
Son but : démontrer que des gestionnaires spécialisés en gestion de projet permettraient d'accroître l'efficacité de la gestion de projets publics au Québec, et ce, dans l'intérêt des finances publiques et des contribuables.
«Parce qu'au-delà du débat médiatique autour de la commission Charbonneau, les réflexions qui vont suivre permettront de mettre en place et de reconnaître les pratiques et l'éthique en gestion de projet», espère-t-il.
Montréal, terre de gestion
Tout est déjà en place pour que Montréal devienne un chef de file mondial en gestion de projet, selon Benoît Lalonde. Il cite l'exemple de la Chaire de gestion de projet de l'ESG UQAM, créée en 2007, «où travaillent une vingtaine de chercheurs».
Chaque année, environ 700 personnes suivent les formations qu'offre le PMI-Montréal afin d'obtenir la certification PMP (Project Management Professional) qui reconnaît les qualifications de gestionnaires de projet.
Plus que jamais, l'intérêt est là pour la formation de gestionnaires de projet qualifiés, constate Benoît Lalonde. À l'échelle mondiale, au cours des 10 dernières années, le nombre de personnes ayant obtenu la certification PMA est passé de 50 000 à plus de 600 000. «Ça doit vouloir dire que les gens trouvent que d'embaucher des professionnels certifiés permet une meilleure gestion. Il faut maintenant le faire connaître encore plus», conclut-il.