Purolator livre un million de colis par jour. Patrick Nangle en a pris la direction en 2013. Il amorce un plan de cinq ans qui amènera Purolator à s'intégrer davantage aux activités de ses clients pour devenir un prolongement de leur entreprise. Purolator appartient à Postes Canada. Selon Patrick Nangle, c'est encore un atout. Il ne donne pas la poste pour morte.
Diane Bérard - Comment bâtir une marque et se différencier dans un secteur aux attributs aussi simples que celui de la livraison ?
Patrick Nangle - Purolator n'est pas une marque de consommateurs. Plus de 80 % de nos clients sont des entreprises qui traitent avec d'autres entreprises. Nous livrons des produits industriels, pharmaceutiques, etc. Nos clients ne se soucient pas de l'effet de mode ou de tendance. Ils veulent que nous les aidions à gérer leur chaîne d'approvisionnement. Ils se préoccupent de leurs stocks. Que leurs produits se trouvent au bon endroit au bon moment pour ne rater aucune vente.
D.B. - Purolator construit désormais ses propres entrepôts. Pourquoi ?
P.N. - Nous nous intégrons davantage aux activités de nos clients. Une entreprise de Montréal qui étendait son territoire du côté des Prairies avait deux choix. Elle pouvait utiliser nos services pour livrer ses produits à partir de son siège social. Ou bâtir un entrepôt dans l'Ouest, pour y conserver certains articles plus populaires. Toute entreprise cherche l'équilibre entre les coûts de transport associés à des livraisons fréquentes et ceux liés à la construction d'un entrepôt près de ses marchés. Nous offrons désormais un troisième choix : entreposer les produits dans un entrepôt Purolator, partagé avec d'autres entreprises. Cela réduit les coûts et les risques associés à un entrepôt dont le client est l'unique propriétaire.
D.B. - Purolator s'investit dans la chaîne de distribution de ses clients. Comment ?
P.N. - En plus d'inviter nos clients à entreposer leurs articles dans nos entrepôts, nous leur offrons aussi le service de prise de commande et de retour des produits. Nous devenons un prolongement de leur entreprise pour le marché limitrophe à nos entrepôts. Les employés de nos entrepôts s'ajoutent, en quelque sorte, au personnel de nos clients.
D.B. - En quoi Purolator influence-t-elle l'expérience client de sa clientèle ?
P.N. - La plupart de nos clients mesurent leur net promoter score [taux de prescription]. Lors des sondages sur la satisfaction de la clientèle, ils colligent leurs promoteurs et leurs détracteurs. Puis, ils soustraient les seconds des premiers. Ils en tirent leur score net. Cette mesure établit la qualité de l'expérience client. Purolator fait partie du dernier maillon de l'expérience client en fournissant le service de livraison.
D.B. - Le secteur de la livraison ne rime pas nécessairement avec innovation...
P.N. - Le commerce en ligne bouleverse les activités de nos clients. Cela nous force à innover. Notre réseau physique est très performant. Nos camions déplacent un million de colis par jour. Il nous faut un réseau informatique aussi efficace. Il est question de technologie, mais aussi de procédés.
D.B. - Quelles mesures concrètes vous permettent d'innover ?
P.N. - Depuis l'été 2013, nous initions nos employés aux techniques de résolution de problèmes. La formation se donne par groupes de 20 personnes. Nous avons déterminé les «agents de changement» de notre organisation. Ils assistent aux sessions et feront ensuite percoler ce qu'ils ont appris. Ils rendront la résolution de problèmes «virale».
D.B. - Que voulez-vous éviter en matière d'innovation ?
P.N. - Pas question d'ouvrir une énorme boîte de suggestions virtuelle et de recueillir 12 000 idées ! Cette approche génère trop d'information, que l'entreprise n'a ni le temps ni les ressources de traiter.
D.B - Comment le commerce en ligne modifie votre façon de travailler ?
P.N. - Chaque fois qu'un consommateur achète en ligne, le détaillant doit décider comment lui faire parvenir son achat. À partir du fabricant ? De l'entrepôt du détaillant ? Du magasin local ? Tous les scénarios cohabitent. Nous devons nous adapter.
D.B. - L'accroissement du commerce en ligne augmente-t-il vos revenus ?
P.N. - Non, le résultat est neutre. Les consommateurs n'achètent pas plus à cause de la vente en ligne, ils achètent simplement au moyen de canaux différents. C'est la circulation des biens qui change, pas le volume. Ces articles, Purolator les livrait déjà. Mais au lieu de les livrer chez le consommateur, nous les livrions dans un entrepôt ou au magasin. Plutôt que d'effectuer quelques livraisons importantes, nous multiplions désormais la livraison de petits colis dans des lieux différents. Cela nous force à revoir constamment notre structure de coûts.
D.B. - Tous ces colis achetés en ligne que les clients retournent, c'est bon ou pas pour vos affaires ?
P.N. - Le retour des colis pose deux défis. Que ce soit facile pour le client. Que cela ne coûte pas trop cher au détaillant. Où le colis sera-t-il retourné ? Qu'en fera-t-on ? Si l'article est défectueux, sera-t-il réparé ou jeté ? Où ? Comment ? Le détaillant et son service de livraison doivent connaître la raison du retour pour entamer un suivi adéquat. Si le client le désire, nous ouvrons les colis retournés et nous suivons le processus qu'il a choisi et que nous avons souvent contribué à établir.
D.B. - Où s'en va le commerce en ligne ?
P.N. - C'est au tour des entreprises d'acheter leurs biens en ligne. Elles s'attendent donc à ce que leurs fournisseurs aient les outils et les infrastructures pour les servir. Cette demande a des répercussions pour nous. Nous aidons nos clients à construire le module livraison de leur plateforme de commerce en ligne.
D.B. - En novembre 2013, vous avez développé votre plan pour les cinq prochaines années. Quel est-il ?
P.N. - Il comprend la mise à niveau de l'infrastructure technologique et l'étude des besoins spécifiques de nos marchés verticaux : le commerce de détail, la santé, le secteur manufacturier, etc. Pour les clients de la santé, par exemple, les conditions de livraison, telles la température et la luminosité, priment. Les techniciens du secteur des TI, eux, comptent sur les pièces de rechange tôt le matin, alors qu'ils sont en route vers le client. La gestion des stocks et la rapidité de la livraison sont essentielles. Des applications mobiles qui permettent de retracer les pièces et leur itinéraire sont un atout. Nous y travaillons.
D.B. - Purolator appartient à 91 % à Postes Canada. Votre propriétaire a un avenir moins prometteur que vous...
P.N. - La poste est encore plus rentable que les services de livraison dans le marché des consommateurs. Elle livre tous les jours chez les particuliers. Ajouter des colis dans le camion est naturel. Et pour le marché des détaillants, par exemple, c'est encore un atout de proposer une solution holistique comprenant Postes Canada et Purolator.
D.B. - La circulation en ville, c'est l'enfer. Avez-vous un budget pour les contraventions de vos chauffeurs ?
P.N. - Oui, et il varie d'une ville à l'autre. Nous gérons le risque. Nous savons que certaines municipalités appliquent la loi plus sévèrement que d'autres.