Après avoir remporté un Phénix de l'environnement en 2009 et atteint le niveau Performance du programme Ici on recycle, de Recyc-Québec, grâce à une politique de développement durable volontariste, la PME montréalaise Insertech s'est lancé un nouveau défi : mettre en place une comptabilité environnementale afin de chiffrer précisément les économies réalisées.
«Pour l'instant, notre idée consiste à comptabiliser les impacts positifs [sociaux, environnementaux et économiques] de nos gestes et décisions, ainsi que les bénéfices que l'entreprise peut en retirer, en ajoutant les coûts qui s'y rattachent [investissements en argent, main-d'oeuvre, etc.]», précise M. Bélair.
Un exemple ? Au moyen de la comptabilité environnementale, Insertech est en mesure de déterminer les bénéfices de l'utilisation du papier Enviro 100 de Cascades, et ce, sur l'ensemble de la chaîne. «Cette décision a augmenté les coûts en approvisionnement de papier de 31 %, mais grâce au programme de réduction de l'utilisation du papier, nous avons pu diminuer notre consommation de papier de 20 % en trois ans, ce qui a réduit au final de 1 % notre facture totale.»
La comptabilité environnementale représente une nouvelle étape pour l'entreprise créée en 1998, dans la foulée du projet de développement du Technopôle Angus. «Alors que notre mission est de récupérer du matériel informatique auprès des entreprises et du public, nous voulions montrer ce côté vert en plus de notre côté social», explique Luc Bélair, coordonnateur production et environnement de cette PME d'insertion sociale qui compte 22 salariés permanents et une cinquantaine de travailleurs en insertion.
Réduire les coûts
Une démarche qui a également permis à la compagnie de prendre une longueur d'avance sur sa concurrence, en réduisant et optimisant ses coûts. «Le plan de développement durable nous a aidés à améliorer notre rentabilité et notre efficacité, mais il est parfois difficile de faire les comptes, étant donné que certains impacts sont sociétaux ou environnementaux», résume Luc Bélair.
Lorsque Insertech a par exemple décidé d'utiliser du papier Enviro 100, celui-ci était plus coûteux mais présentait un bénéfice environnemental non négligeable. En effet, il contient 100 % de bres postconsommation, utilise des procédés sans chlore et FSC® et est certifié ÉcoLogo. Il est de plus fabriqué à partir d'énergies renouvelables, tel le biogaz. Le comité vert a donc proposé de compenser les hausses de coût de 10 % de ce papier par un programme de réduction de l'utilisation du papier, lequel a permis d'économiser 20 % de papier en 3 ans.
«Souvent, le coût de l'acquisition est plus élevé, mais se rentabilise au bout de quelques années ; c'est ce qui s'est passé lorsque nous avons décidé d'opter pour des piles rechargeables. Il a fallu acheter des piles et des chargeurs, mais l'achat a été rentabilisé au bout de trois ans», ajoute M. Bélair. Selon lui, l'implantation de la démarche de développement durable aura nécessité un investissement de 50 000 à 100 000 $ au total.
Réduction des risques
«C'est une décision coûteuse à un certain moment, mais qui a produit des résultats. Nous avons reçu plusieurs certifications et prix, ce qui nous a donné une image positive vis-à-vis de nos partenaires et de nos clients, ainsi que de nos employés», résume le coordonnateur.
Insertech a également pu diminuer ses risques, en lançant de nouvelles procédures de contrôle ainsi que des suivis plus réguliers, avec un dispositif d'amélioration continue. «Avec la réglementation sur les produits électroniques qui s'en venait, nous voulions être prêts et nous faire certifier ISO 14001», ajoute Luc Bélair.
C'est pourquoi Insertech, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 2,7 millions de dollars en 2012-2013, a commencé dès 2009 à réfléchir à la manière de bâtir sa propre stratégie de développement durable. «Nous avons commencé par de petits gestes, car nous n'avions pas de ressources spécialisées pour nous aiguiller. Puis, nous avons embauché en 2010 un conseiller en environnement qui nous a aidés durant un an à monter tout notre système de gestion environnementale.»
L'un des principaux défis a été de susciter l'adhésion des salariés, en les amenant à s'engager. «Globalement, les employés avaient déjà l'habitude de recycler, mais tous ne le faisaient pas forcément bien... Nous avons donc décidé de leur faire suivre une formation afin de leur expliquer précisément les objectifs et la manière dont ils pouvaient contribuer à nous faire garder une longueur d'avance.»
Afin d'obtenir la participation directe des travailleurs, on a mis sur pied un comité vert, comprenant plusieurs gestionnaires (dont le coordonnateur du marketing et le coordonnateur du programme d'insertion) et des salariés de l'entreprise, comité qui se réunit désormais tous les trimestres. Sa mission ? Appuyer la démarche à tous les niveaux. «Comme ce sont les salariés qui réalisent les tâches tous les jours, il était naturel de les impliquer et d'avoir leur vision sur les améliorations proposées», ajoute M. Bélair.
Ce comité a rendu possible l'intégration de petits gestes au coeur de la politique de l'entreprise, comme de remplacer les couverts jetables par de la vaisselle en verre, de récupérer le papier imprimé pour l'utiliser comme brouillon ou de réduire l'utilisation du papier à la source en favorisant les échanges courriel.
Pour se conformer aux exigences de la certification ISO 14001, la PME a aussi dû faire évoluer ses procédés en mettant en place un système d'affichage lui servant à informer ses employés sur les nouvelles procédures, comme le recyclage et la gestion des matières résiduelles.
Convaincre les fournisseurs
L'une des étapes a été de faire connaître cette démarche à ses clients et fournisseurs. «Nous sommes parvenus à les convaincre de nous proposer des produits ayant moins d'impact environnemental, comme du papier 100 % recyclé, des crayons fabriqués à base de plastique recyclé ou encore du vrac pour utiliser moins d'emballages», résume M. Bélair. Même chose en ce qui concerne les boîtes de transport d'occasion et nettoyées qu'Insertech achète désormais à une entreprise d'économie sociale.
En développant un département spécialisé dans la réparation des écrans à cristaux liquides et des tablettes, Insertech a surpris. «Ça a aussi été toute une pédagogie à développer, car certains clients ne comprenaient pas pourquoi on leur proposait de réparer leur ancien appareil, alors que les grandes surfaces ne souhaitaient leur vendre que les appareils dernier cri.»