Pour stimuler l'innovation, les entreprises auraient tout intérêt à soustraire des ressources plutôt que d'en ajouter.
C'est du moins l'opinion de Matthew E. May, consultant et auteur du livre The Laws of Substraction : 6 Simple Rules for Winning in the Age of Excess Everything (Les lois de la soustraction), que nous avons interviewé à l'occasion de son passage à Montréal pour le Salon des meilleures pratiques d'affaires, dont il était conférencier.
«Mon expérience chez le constructeur automobile Toyota a changé ma vie. Après quatre années passées au sein de l'entreprise, je n'arrivais plus à accomplir ce pour quoi j'étais payé : trouver des idées à implanter pour rendre la société plus efficace, plus productive. J'étais à court d'idées», explique-t-il.
Le dos au mur, le Californien a alors voulu trouver une autre manière d'aborder son problème. À ce moment-là, quelqu'un lui a laissé un petit bout de papier, où l'on pouvait lire une citation du philosophe Lao Tseu : To attain knowledge, add things every day. To attain wisdom, substract things every day (Pour atteindre le savoir, ajoute des choses chaque jour. Pour atteindre la sagesse, soustrais des choses chaque jour).
«J'ai donc commencé à m'attaquer au problème en cherchant à éliminer ou à ignorer certaines tâches ou ressources. L'expérience a été concluante, à tel point que j'ai passé quatre ans de plus chez le constructeur», dit-il, précisant qu'il a également travaillé pour des entreprises comme Amgen, ADP et Intuit.
Il ajoute : «Vous êtes journaliste ? Il est 11 h 30 en ce moment à Montréal ? Pourtant, vous avez probablement déjà été interrompu dans votre travail environ 200 fois depuis votre arrivée au bureau. Des courriels, des appels téléphoniques, des discussions avec des collègues... Comment faites-vous pour rester pertinent dans un environnement aussi perturbateur ?» demande-t-il.
L'auteur soutient qu'en ajoutant à tout ce «bruit», le problème ne ferait que s'amplifier. Les individus doivent donc chercher à réduire ce «bruit» pour améliorer leur «signal». «Voilà l'essence de mon message», dit-il.
Utilisant la formule de la soustraction pour son propre livre, il a mis au point six «lois de la soustraction», alors que la maquette originale en comptait sept.
1- Ce qu'on ne voit pas est parfois aussi important que ce qu'on voit.
2- Les règles les plus simples créent les expériences les plus efficientes.
3- Limiter l'information fait travailler l'imagination.
4- La créativité est stimulée par des contraintes intelligentes.
5- Pour percer, il est important de briser les conventions.
6- L'action ne vaut pas toujours mieux que l'inaction.
«Les lois sont complémentaires, mais ramènent toutes à l'idée de la soustraction. Le défi, c'est de trouver les choses à soustraire et de le faire correctement», dit-il.
Le travail de consultant de M. May le mène à travailler avec des équipes chargées de la conception, du développement et de l'implantation d'idées, que ces dernières aboutissent à la création d'un produit ou à la mise en place d'un service, d'un processus ou d'une stratégie. Chaque fois, la formule est la même. Il souhaite obtenir un maximum de résultats avec un minimum de moyens.
La quatrième loi est à son avis la plus importante, car elle peut s'appliquer à toutes les entreprises. «Nous faisons tous face à des contraintes budgétaires. Mais nous devons malgré tout faire progresser l'entreprise. Il ne faut donc pas hésiter à viser des objectifs qui peuvent sembler irréalisables au départ, ce qui forcera les employés à innover pour trouver des manières différentes de travailler», affirme-t-il.
Par exemple, le consultant soutient que le dirigeant qui cible une hausse des revenus de 5 % n'arrivera probablement pas à stimuler l'innovation chez ses employés. «Ces derniers vont travailler plus tard le soir, et peut-être même durant les fins de semaine, mais cela n'ira pas plus loin. Par contre, si le patron vise une hausse de 25 %, les employés n'auront pas le choix, ils devront faire preuve de créativité et modifier leur façon de travailler pour parvenir à leurs fins», dit-il.
Il confesse toutefois que le défi des dirigeants est de savoir doser, car si les objectifs sont trop ambitieux, ils auront un effet de découragement qui tuera toute créativité au sein du personnel.