Au 31 décembre 2014, 7 %* des sociétés inscrites à la cote des Bourses de valeurs du Groupe TMX provenaient du Québec. C’est peu, si on considère que la province « pèse » 20 % dans l’économie canadienne.
« Une économie en bonne santé produit régulièrement de nouvelles inscriptions en Bourse », soulignait en octobre dernier l’Ordre des CPA du Québec. Or, le nombre de nouvelles inscriptions de sociétés québécoises décroît année après année.
C’est à ce point inquiétant que l’Ordre a mis sur pied un groupe de travail pour tenter de cerner les raisons de ce déficit d’inscriptions, et pour avancer des pistes de solutions.
Nos entreprises trouvent-elles l’aventure boursière trop complexe, trop coûteuse, trop risquée ? Peut-être.
Pourtant, c’est encore par ce moyen que, chaque année, nombre de petites entreprises prometteuses accèdent enfin à la cour des grands...
Comment réussir son premier appel public à l’épargne?
Un long processus
Plusieurs raisons peuvent pousser une entreprise à entrer en Bourse. Le besoin de capitaux pour financer l’acquisition d’un concurrent, pour attaquer le marché américain, ou encore pour éponger une dette.
Or, peu importe le projet, « ça ne se fait pas du jour au lendemain, prévient Maria Patsios, Associée, leader des Services aux sociétés ouvertes de MNP à Montréal. C’est un processus qui dure généralement entre 18 et 24 mois, mais qui peut parfois s’étirer sur trois ans. »
« C’est pourquoi je suggère aux entreprises de commencer tôt et de se comporter comme une société ouverte avant de l’être, poursuit-elle. Cela permettra de s’habituer à ce type de gouvernance, aux processus réglementaires. »
Une bonne idée, car une équipe des finances qui n’a pas d’expérience en matière de sociétés ouvertes pourrait trouver la marche haute…
Le volume de documents, d’audits et de rapports à produire pour satisfaire les organismes de réglementation en valeurs mobilières exige une somme considérable de travail. Et le risque de commettre des erreurs est réel. « Les régulateurs révisent les états financiers, dit Maria Patsios. S’ils y trouvent des irrégularités, ils peuvent écrire de longues lettres de commentaires et demander des révisions… »
D’où l’importance de bien se familiariser avec l’univers des sociétés ouvertes avant le jour J.
Savoir bien s’entourer
Il est critique de bien planifier son entrée en Bourse, car les dérapages lors des premières semaines de vie « publique » pourraient ternir l’image de l’entreprise de façon durable.
Parlez-en à Facebook. En 2012, son introduction hypermédiatisée à la Bourse NASDAQ a viré au fiasco dès le lendemain de sa cotation. La valeur de l’action a été surévaluée, et le monde a pu assister à la déconfiture du titre. La honte pour la vedette des réseaux sociaux.
Il aura fallu un peu plus d’un an pour que le titre de Facebook atteigne à nouveau son prix d’entrée de 38 $ US. La confiance des investisseurs aura, quant à elle, été ébranlée.
Cette célèbre introduction ratée en Bourse devrait convaincre toute entreprise de l’importance de s’entourer d’experts compétents pour éviter que son premier appel public à l’épargne ne dérape.
Parmi ces experts, l’avocat en valeurs mobilières aide l’entreprise à rédiger son prospectus, veille à ce que la démarche d’introduction en Bourse soit conforme aux meilleures pratiques, et, après l’introduction, s’assure de la conformité de l’information diffusée au public. Bref, il est partout. « C’est pourquoi il doit y avoir une bonne chimie entre la direction et lui…, car ils pourraient avoir à passer ensemble des nuits blanches ! » dit Maria Patsios.
Les preneurs fermes (underwriters) sont aussi essentiels à une introduction réussie. L'opération peut être structurée de plusieurs façons. Par exemple, en prenant un « engagement ferme », le preneur ferme achète les parts à un certain prix et les revend au prix d’offre publique aux investisseurs institutionnels et individuels. Il garantit à la société qu'elle recevra un montant donné, car il achète tous les titres offerts et les revend ensuite au public. Par contre, dans le cadre d'un accord de « placement pour compte », le placeur vend les titres pour la société, mais ne donne aucune garantie quant au montant qui sera réuni. Le placement se fait alors selon la règle du meilleur effort possible (« best effort basis »). « Ces gens doivent avoir une solide réputation sur le marché des valeurs mobilières », ajoute Maria Patsios.
La société devra en outre retenir les services d’un auditeur externe, qui devra s’assurer que les états financiers de l’entreprise reflètent la réalité. « On conseille d’en trouver un qui travaille auprès d’un cabinet comptable ayant de l’expérience dans l’entrée en Bourse de sociétés ! » dit Maria Patsios. Au Canada, la firme retenue doit être enregistrée auprès du Conseil canadien sur la reddition de comptes (CCRC).
Enfin, on ne peut pas passer à côté du conseil d’administration. Recruter des administrateurs jouissant d’une forte notoriété dans leur industrie – et qui ont de l’expérience dans la gouvernance de sociétés ouvertes – ajoute beaucoup de crédibilité au processus. « Et trouver des gens de calibre pour son c.a., dit Maria Patsios, ne se fait pas à la dernière minute… »
Raconter son histoire
Sauf qu’au-delà des aspects plus techniques d’un premier appel public à l’épargne, il demeure que les investisseurs potentiels sont… des êtres humains. Et chez les êtres humains, les émotions entrent en jeu lorsque vient le moment de prendre une décision. « Il est important pour une entreprise de travailler l’histoire qu’elle présentera aux investisseurs, explique Maria Patsios. Vous pouvez être la meilleure entreprise du monde, si vous n’êtes pas en mesure de convaincre les gens, le processus d’inscription en Bourse n’aura pas de succès… »
* Source : Service de l’information de marché du Groupe TMX, 2014