Les entrepreneurs trouvent les programmes d'aide à l'entrepreneuriat trop rigides. Ils rêvent de formules d'accompagnement plus souples, ouvertes à toutes les clientèles et personnalisées en fonction de leurs besoins.
«J'ai participé à plusieurs programmes d'accompagnement ou de formation et je déplore le règne du one size fits all, explique Christine Renaud, PDG et fondatrice d'E-180, une plateforme d'apprentissage collaboratif. Dès que l'on sort du cadre, ça ne va plus. J'ai besoin de services plus personnalisés.»
Ses propos ne pourraient mieux résumer le regard que de nombreux entrepreneurs portent sur les programmes actuels d'accompagnement. Ce n'est pas tant que les ressources manquent, mais elles sont souvent offertes dans des programmes très normés et passablement rigides. L'entrepreneur doit d'abord dénicher un programme dont les critères d'accès correspondent à sa situation, plutôt que d'aller voir un intervenant, lui présenter sa situation puis ses besoins et ainsi obtenir une aide personnalisée.
Une position que défend également Sylvie Labelle, commissaire au développement économique et à l'innovation à la Ville de Montréal : «Les programmes publics devraient demander à l'entrepreneur "Quel est ton besoin et comment puis-je t'aider ?", plutôt que d'exiger qu'il se conforme aux critères du programme.» Elle cite en exemple le Parcours Innovation PME Montréal. «Notre travail est de trouver des solutions pour aider les entrepreneurs à résoudre leurs problèmes ; ce n'est pas eux qui sont obligés de s'adapter à nos critères.»
Une telle démarche aiderait aussi à s'assurer que l'accompagnement et les formations répondent à des besoins précis. «L'accompagnement actuel est trop généraliste et devrait être plus spécialisé, car les entrepreneurs n'ont pas tous les mêmes degrés de connaissance et les mêmes besoins dans tous les aspects de l'entrepreneuriat», soutient Philippe Garant, DG du Réseau d'investissement social du Québec, qui soutient l'émergence, la croissance et la consolidation des entreprises d'économie sociale.
Pour commencer, déterminer le bon organisme peut se révéler un parcours du combattant. «Les gens ne savent pas à quelle porte aller frapper et ne connaissent pas tout ce qui existe, explique Jean-François Archambault, DG et fondateur de La Tablée des Chefs. Les organismes sont là, ils existent, le problème est plutôt la complexité de trouver la bonne personne, la bonne ressource, en fonction de ses besoins.»
Une solution ? «Avoir un service de conciergerie serait très utile pour être guidé et cibler le bon programme», indique Frédérik Marcil, président-fondateur de Kube Innovation, une firme spécialisée en innovation dans le domaine dentaire.
Présentement, plusieurs intervenants ont déjà le réflexe de rediriger un entrepreneur à une autre ressource si sa situation ne lui permet pas de se qualifier dans un programme. Toutefois, cela revient souvent à se fier aux connaissances et à la bonne volonté d'un intervenant précis. Quant aux portails qui existent déjà, comme Ressourcesenteprises.org ou infoentrepreneurs.org, ils sont utiles, mais souvent pas assez connus et s'y retrouver exige du temps. Un service de conciergerie dont la mission serait précisément d'orienter rapidement l'entrepreneur vers les bons programmes ou les bonnes ressources serait donc plus efficace.
Un manque en région
«Problème de riches», répondraient peut-être les entrepreneurs en région. Pour eux, le défi n'est pas tant de s'y retrouver dans l'offre de programmes ou de ressources, mais la minceur de celle-ci. «À l'extérieur de Montréal, la quantité de ressources diminue drastiquement, déplore Philippe Garant. À Sorel-Tracy, il faut ramer énormément pour lancer une entreprise ! Beaucoup de programmes sont limités géographiquement et comme il y a une grande concentration à Montréal, l'entrepreneur doit souvent migrer vers ce grand centre.»
Plusieurs entrepreneurs ressentent un désarroi similaire par rapport à la rareté des programmes d'aide pour certaines clientèles ou dans certains secteurs. «Il y a clairement des modes et, en ce moment, la mode est à la techno, alors si vous voulez lancer un nouvelle entreprise techno, il y a beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme des intervenants, mais si vous souhaitez ouvrir une nouvelle boutique... bonne chance !», souligne François Thériault, cofondateur des boutiques Surmesur, où les clients peuvent participer à la création sur mesure de leurs vêtements.
Le critère de l'âge a aussi soulevé la grogne des entrepreneurs. «C'est difficile pour les plus de 35 ans, souligne Catherine Légaré, présidente et fondatrice d'Academos, une plateforme de cybermentorat. Plusieurs programmes ou incubateurs, surtout relevant du gouvernement ou de la Ville, s'adressent seulement aux moins de 35 ans.»