Fondée en 1995, K2 Geospatial connaissait déjà un franc succès au Québec et ailleurs dans le monde, notamment en France. Bien alimenté en contrats, le développeur de logiciels montréalais aurait pu se passer du marché péruvien. Mais le hasard en a décidé autrement.
Le logiciel JMap, le produit phare de l'entreprise, permet d'intégrer toute l'information relative à des infrastructures, comme un immeuble, et de la présenter sur une plateforme cartographique numérique. Les systèmes complexes sont alors simplifiés, ce qui facilite leur exploitation et leur analyse. Un peu à l'image du jeu SimCity, dans le monde réel.
En 2010, le pdg de K2 Geospatial, Jacques Charron, rencontre Manuel Delfín, un ancien consultant international pour le gouvernement du Québec. À la tête de l'entreprise péruvienne Smart Group, ce dernier le convainc du potentiel de son pays d'origine pour ses produits.
Jacques Charron se rend dans ce pays d'Amérique latine en 2011. «Nous ne sommes pas une grande entreprise. Mais on fait de grandes choses, dit-il de Paris, où il est en voyage d'affaires. L'essentiel, c'est de trouver le bon partenaire, et Manuel Delfín est excellent. J'espère qu'il y en d'autres comme lui.»
Ainsi, K2 Geospatial peut compter sur un partenaire de confiance dans ce marché étranger, alors que Smart Group devient son partenaire exclusif dans la région.
À l'automne de la même année, le créateur de JMap décroche son premier contrat auprès de Senamhi, le service national de météorologie et d'hydrologie du Pérou. «On s'est assuré de réaliser un travail impeccable, raconte le président, conscient qu'il joue la réputation de son entreprise dans la région. On a beaucoup travaillé en 2012 pour réaliser l'implantation.»
Au même moment, K2 Geospatial et Smart Group participent au partenariat entre Sencico, une école technique péruvienne qui offre un programme de géomatique, et le Cégep Limoilou. «On a offert de la formation et des logiciels, explique M. Charron, pour environ 100 000 $ de matériel. Ça nous fera un "banc de ressources"», ajoute-t-il. L'entreprise s'assure aussi de former une main-d'oeuvre compétente, sur laquelle elle pourra compter.
La stratégie porte ses fruits. Au début de 2013, l'entreprise obtient un contrat de la part du ministerio de Vivienda (le ministère du Logement). «Nous avons livré notre produit, et 10 jours plus tard, tout était approuvé. Trois semaines plus tard, tout était payé. En arrivant au Pérou, je pensais que rien ne pressait là-bas, confie l'entrepreneur. Mais au contraire, c'est très bien organisé, très efficace. Franchement, j'ai été surpris.»
Puis, il y a quelques semaines, c'était au tour de la mine Antamina de s'ajouter à la longue liste de leurs clients. «Il s'agit de faire un success-story avec cette mine de cuivre là, affirme Jacques Charron. C'est l'une des plus grandes mines du monde. Si tout se passe bien, ça nous assure une bonne réputation. Bref, ça devient une mine d'or.» À l'heure actuelle, K2 Geospatial emploie 26 personnes et réalise un chiffre d'affaires d'environ 10 millions de dollars, dont 5 % provient du Pérou.
Les Affaires s'est penché sur le récit de huit Québécois qui ont choisi de s'exiler pour démarrer une entreprise. Si leurs pays d'adoption respectifs - et leurs parcours - sont parfois aux antipodes, ils partagent tous une audace et une détermination singulière.
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Quelques chiffres
Population : 29 849 000
Monnaie : Nouveau Sol péruvien ; 1 $ CA = 2,5 PEN
Croissance du PIB : 6,3 % (2012)
PIB par habitant : 6 568 $ US (2012)
Sources : CIA, Banque mondiale
L'avis de l'expert: Gilles Gervais, vice-président chez BFL Canada, une firme de courtage d'assurances internationales et de gestion des risques
«Il se passe quelque chose au Pérou depuis une dizaine d'années. La croissance du produit intérieur brut est soutenue, et le niveau de vie de la population a augmenté. Bien sûr, ça reste un pays relativement pauvre, mais les gens dépensent plus, consomment plus qu'auparavant.
«Dans mon milieu, celui des assurances, la législation s'avère plus simple qu'ailleurs. C'est moins compliqué d'entrer sur ce marché qu'au Brésil, par exemple. Toutefois, les Péruviens peuvent se montrer assez méfiants. C'est que leur ouverture au reste du monde est plutôt récente.
«Il faut accepter de vivre à leur rythme. Nous sommes habitués à vivre sous pression, à "125 milles à l'heure". Ce n'est pas leur cas. Les délais peuvent être plus importants.
«Parler anglais n'est pas suffisant. Les documents sont souvent en espagnol. Maîtriser cette langue est très avantageux.
«En outre, puisque la pauvreté est plus présente en Amérique du Sud en général, le taux de criminalité est plus élevé. Il faut donc choisir ses partenaires avec soin et se montrer attentif aux risques de corruption.
«Au-delà des précautions d'usage, le Pérou recèle plusieurs occasions d'affaires pour les Québécois, notamment en ce qui a trait à l'industrie minière.»
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