Enjeux de gouvernance - Série 1/6
Les administrateurs ont un rôle stratégique à jouer à des moments charnières de la vie de l'entreprise. Cette série décortique des enjeux auxquels ils font face.
À lire aussi:
Des conseils qui valent de l'or
L'offre hostile, un facteur de risques à considérer
Votes d'actionnaires: vers des lignes directrices pour les agences de conseil
Des actionnaires actifs pour faire progresser l'entreprise
Voir loin, écouter, rassembler
Déversement de produits toxiques, catastrophe naturelle, fraude, panne informatique, grève, accident de travail... Aucune entreprise n'est à l'abri d'une crise qui la place sous les projecteurs.
SNC-Lavalin en sait quelque chose, elle dont la réputation a été salie en 2012 par une affaire de corruption impliquant de hauts dirigeants, dont son ancien pdg. Depuis, le nouveau patron, Robert G. Card, et le conseil d'administration ont serré la vis en implantant une série de mesures pour prévenir d'autres événements semblables. Mais le CA aurait-il pu prévenir la crise ?
Difficile à dire dans ce cas précis. «Après coup, le CA a fait son travail en demandant que les processus soient revus, dit Michel Nadeau, directeur de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP). Mais on sait qu'en 2011, par exemple, le conseil a assisté à plusieurs présentations sur les projets internationaux. Il y a certainement des questions qui n'ont pas été posées...»
Une des responsabilités premières d'un CA, en effet, est de veiller à ce que l'entreprise exerce une surveillance efficace des risques. «Cela permet d'identifier les problèmes potentiels et d'éviter bien des crises», souligne Sébastien Théberge, formateur en gestion de crise au Collège des administrateurs de sociétés et vice-président, affaires publiques et relations avec les médias chez Ivanhoé Cambridge. Le CA doit ainsi s'assurer que l'entreprise analyse les risques et qu'elle dispose de plans de gestion de crise et de poursuite des activités. «Les administrateurs doivent aussi être à l'affût et poser les bonnes questions, sans complaisance», ajoute-t-il.
À lire aussi:
Des conseils qui valent de l'or
L'offre hostile, un facteur de risques à considérer
Votes d'actionnaires: vers des lignes directrices pour les agences de conseil
Des actionnaires actifs pour faire progresser l'entreprise
Voir loin, écouter, rassembler
Dans 20 questions que les administrateurs devraient poser sur la gestion de crises, une publication des Comptables professionnels agréés du Canada, on énumère les signaux d'alarme pouvant conduire à une crise. Cela va de l'annulation de commandes au taux de roulement élevé, à l'absentéisme, aux comportements contraires à l'éthique, au sous-rendement des actions, à l'arrivée de concurrents, en passant par la comptabilité créative, les structures de financement complexes et l'activisme social.
Une crise sur Twitter
Cette surveillance des risques doit tenir compte de ceux générés par les médias sociaux, selon Sylvain Lafrance, professeur associé à HEC Montréal et administrateur de sociétés certifié. «Quand l'entreprise n'a pas de politique d'utilisation des médias sociaux et ne surveille pas ce qu'on y dit d'elle, c'est un signal d'alarme, affirme-t-il. Si une crise survient, elle ne sera pas prête à la gérer.»
Avec les médias sociaux, les crises s'amplifient à la vitesse de l'éclair. Sylvain Lafrance donne l'exemple de celle qu'a vécu Industries Lassonde en 2012. Après avoir perdu une poursuite contre Olivia's Oasis, une petite entreprise de produits de soins corporels, Lassonde a interjeté appel sur la question du recours abusif. La Cour lui a donné raison, privant ainsi la petite entreprise du remboursement de ses frais judiciaires. Peu après, ce combat de David contre Goliath devenait le sujet de l'heure sur les médias sociaux, Lassonde étant attaquée de toute part. «Lassonde a toujours défendu sa marque de commerce, mais cela est devenu inacceptable du jour au lendemain à cause du pouvoir des médias sociaux», résume Sylvain Lafrance. C'est pourquoi le CA doit s'assurer que l'entreprise a les outils pour comprendre les médias sociaux et pour intervenir sur ces mêmes médias sociaux.»
À lire aussi:
Des conseils qui valent de l'or
L'offre hostile, un facteur de risques à considérer
Votes d'actionnaires: vers des lignes directrices pour les agences de conseil
Des actionnaires actifs pour faire progresser l'entreprise
Voir loin, écouter, rassembler
Guider au lieu de gérer
Quand une crise éclate, qui prend les commandes ? «Lorsqu'il y a un feu, les pompiers, c'est une bonne solution, illustre Sylvain Lafrance. Le comité exécutif de la ville n'a pas à manier le boyau d'arrosage.» C'est donc l'équipe de direction qui gère la crise, tout en faisant régulièrement le point avec le CA. Celui-ci a toutefois la responsabilité de veiller à ce que la direction maîtrise la situation et d'offrir de l'aide au besoin. «Le CA peut cependant agir comme conseiller, car les administrateurs ont souvent une vaste expérience et des contacts», souligne Sébastien Théberge. L'un d'eux, par exemple, pourrait encadrer le chef de la direction ou faire partie de la cellule de crise. D'autres pourraient communiquer avec les parties prenantes - gouvernements, fournisseurs, clients, actionnaires - pour les informer et les rassurer. Pour éviter l'improvisation et une perte de cohésion, chacun doit avoir reçu des instructions à cet effet. Idéalement, le plan de gestion de crise prévoit les tâches que le CA doit accomplir.
Si le CA doit se garder d'être à l'avant-scène, certaines crises l'exigent. C'est souvent le cas lorsqu'une crise est grave et menace la mission, la réputation voire la survie de l'entreprise. Il se peut que le CA doive alors former un comité spécial. «S'il y a lieu, c'est le président du CA qui intervient publiquement, insiste Michel Nadeau. Les autres sont tenus à la plus grande discrétion.»
Une crise permet de juger de la performance d'un chef de la direction dans l'adversité, comme l'a démontré en 2010 la marée noire dans le golfe du Mexique causée par l'explosion d'une plateforme de BP. Trois mois plus tard, juste après le colmatage du puits, le CA a démis de ses fonctions le pdg Tony Hayward, critiqué pour sa piètre gestion de la crise. «Il avait commis une erreur fréquente, celle du syndrome de l'assiégé qui consiste à démontrer combien la situation est difficile pour lui et pour l'entreprise, dit M. Théberge. Il avait notamment déclaré qu'il voudrait retrouver sa vie d'avant et qu'il avait de la difficulté à dormir.» En plus d'autres perles, comme «cette fuite était minuscule par rapport à l'immensité de l'océan.
À lire aussi:
Des conseils qui valent de l'or
L'offre hostile, un facteur de risques à considérer
Votes d'actionnaires: vers des lignes directrices pour les agences de conseil
Des actionnaires actifs pour faire progresser l'entreprise
Voir loin, écouter, rassembler