Enjeux de gouvernance - Série 5/6: Les administrateurs ont un rôle stratégique à jouer à des moments charnières de la vie de l'entreprise. Cette série décortique des enjeux auxquels ils font face.
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La course aux procurations menée avec succès en 2012 par le fonds d'investissement activiste Pershing Square a marqué les esprits. Cet événement, qui visait à imposer des changements au conseil d'administration et à la direction du Canadien Pacifique, a aussi été un symbole fort pour les sociétés publiques du pays qui se sont rendu compte qu'elles pouvaient être la cible d'activisme.
Il y a eu 101 courses aux procurations au Canada de 2008 à 2012, soit une hausse de 84 % par rapport aux cinq années précédentes, selon une étude de Fasken Martineau. L'année 2012 a connu un sommet avec 27 courses. Toutefois, la tendance s'est essoufflée en 2013 avec 16 courses.
Cette diminution ne serait cependant pas le signe d'un repli généralisé du recours à cette procédure, mais plutôt le reflet décalé des rendements boursiers, indique le cabinet d'avocats dans une mise à jour. Le secteur minier ayant généré de piètres rendements en 2012, il a été l'objet de 60 % des courses aux procurations de 2013, alors que les autres secteurs ayant procuré des rendements plus intéressants ont connu un répit.
«La montée de l'activisme au cours de la dernière décennie s'explique par une performance boursière décevante, confirme Sébastien Roy, associé au marché des capitaux chez Davies Ward Phillips & Vineberg.
«C'est une façon de créer de la valeur pour les actionnaires. D'ailleurs, quand un fonds activiste achète des parts d'une société, le cours de l'action grimpe les jours suivants, ajoute-t-il. Les fonds de couverture activistes sont devenus des catégories d'actif à part entière, poursuit l'avocat. Même les investisseurs institutionnels, comme les fonds de retraite, y investissent.»
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Effet à long terme douteux
L'activisme crée-t-il vraiment de la valeur ? À court terme, oui, répond Stéphane Rousseau, titulaire de la Chaire en gouvernance et droit des affaires de l'Université de Montréal. «Le principal objectif des fonds activistes est d'empocher un gain rapide. Plusieurs se retirent dès qu'ils peuvent toucher leur profit. Mais à long terme, l'amélioration de la performance financière n'est pas toujours au rendez-vous.»
Sur ce point, les études se contredisent et deux conceptions s'opposent. Certains soutiennent qu'en secouant les administrateurs et en exigeant des changements de stratégies, les activistes jouent le rôle de chien de garde des actionnaires. D'autres défendent l'obligation fiduciaire des CA d'agir dans l'intérêt à long terme des entreprises et de toutes les parties prenantes. Le débat fait rage.
«L'activisme de type fonds de couverture impose des vues à court terme aux entreprises, déplore M. Rousseau. Et cela crée un sentiment d'urgence chez celles qui se croient susceptibles d'en être la cible. Elles peuvent alors réviser leur plan stratégique pour maximiser le rendement à court terme pour leurs actionnaires. Mais est-ce vraiment les bonnes décisions dans une perspective à long terme ? C'est là le grand défi.»
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CA à l'écoute
Hubert Manseau, qui a été pdg d'Innovatech dans les années 2000 et qui possède une grande expérience d'administrateur, convient que cette nouvelle réalité pose un défi aux CA. Il souligne toutefois l'importance d'avoir une oreille attentive. «Il faut écouter le message de ces actionnaires et en évaluer la pertinence. Est-ce que ça permet de faire plus, de faire mieux ? Le CA devrait toujours tendre vers cela.»
Que les changements réclamés soient justifiés ou non, les administrateurs ont intérêt à être ouverts au dialogue. «Cela permet d'éviter bien des courses aux procurations», soutient Sébastien Roy.
Ainsi, de plus en plus d'entreprises vont jusqu'à faire une place aux investisseurs activistes au sein de leur CA.
Par exemple, la chaîne américaine de pharmacies Walgreen a cédé deux postes d'administrateur au fonds de couverture Jana Partners le mois dernier. Les deux parties ont alors signifié leur intention de travailler ensemble pour améliorer le rendement financier. «Il vaut mieux avoir les actionnaires critiques avec soi que contre soi», résume Stéphane Rousseau.
Il n'y a pas que les activistes purs et durs qui veulent se faire entendre. Des actionnaires traditionnellement plus passifs en appellent aussi au dialogue.
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Pour Olivier Gamache, président du Groupe Investissement responsable, une agence de conseil en vote, il s'agit d'une bonne pratique. «Ce sont des actionnaires non pas activistes, mais actifs. Leur souhait, c'est que l'entreprise progresse dans l'intérêt de tous», dit-il.
Influencés par les réussites des activistes, ces actionnaires ont cessé d'appuyer les yeux fermés toutes les recommandations des CA. Sébastien Roy cite l'exemple des investisseurs institutionnels de la minière Barrick Gold qui ont fait front commun en 2013 contre la pharaonique prime d'engagement de 11,9 millions de dollars versée au nouveau coprésident du conseil. Devant la fronde, le CA a modifié le programme de rémunération de l'ensemble des dirigeants.
Le vote consultatif sur la rémunération des dirigeants (say on pay) ainsi que la politique de vote majoritaire, prévoyant que les candidats aux postes d'administrateurs qui obtiennent plus d'abstentions que de voix en leur faveur doivent présenter leur démission, constituent d'autres exemples de ce phénomène.
«Les actionnaires prennent plus de place dans la gouvernance, constate M. Rousseau. Ils exercent leurs droits de vote, demandent des comptes, posent des questions, exigent des changements.
«Les CA doivent composer avec cette nouvelle réalité en consacrant plus d'efforts à la communication du plan d'affaires aux actionnaires au moyen de rencontres, de lettres, de courriels», dit-il.
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