Si vous êtes entrepreneur ou à la tête d'une PME, vous avez probablement déjà joué dans ce film. Au moment de conclure un contrat qui sera déterminant dans votre carrière ou quant à l'avenir de votre entreprise, vous vous en remettez à vos instincts, aux contraintes de temps et à l'enthousiasme du moment : vous signez cette entente sur-le-champ. Quelques années plus tard pourtant, vous le regrettez, car une clause de ce contrat (ou le plus souvent une clause que vous avez omis d'insérer dans le contrat) vient vous hanter. Et si votre film était un film d'horreur, s'en est ensuivi un dédale de procédures judiciaires aussi coûteuses qu'interminables.
Signer un contrat trop vite est une erreur fréquente qui peut parfois détruire littéralement une entreprise. Les cas de figure sont innombrables : par exemple, une convention entre actionnaires, dont la clause «shotgun» est inéquitable ou dont les paramètres de confidentialité vous empêchent de vendre votre entreprise ; un bail qui ne prévoit pas de flexibilité suffisante pour s'adapter à la croissance de votre entreprise ; un prêt à l'entreprise qui ne vous donne pas de filet de sécurité ; ou une clause de résiliation molle dans une coentreprise (joint venture), des plus importantes pour votre entreprise, qui permet à votre partenaire d'affaires de tout laisser tomber sans crier gare et sans qu'il y ait d'indemnités compensatoires, alors que vous venez d'investir toutes vos ressources humaines et financières dans ce projet au cours des derniers mois. Ces cas de figure réduisent parfois à néant des années de sacrifices de gens d'affaires vaillants et travaillants. Pourtant, le plus fascinant est de constater à quel point les gens qui commettent de telles erreurs irréversibles sont en fait des gens fondamentalement intelligents.
C'est que ces crampes au cerveau sont en fait directement liées à certaines caractéristiques psychologiques de l'entrepreneur de même qu'au contexte hostile dans lequel il est placé. Prenons par exemple le profil psychologique de l'entrepreneur superman, celui qui ne recule jamais devant aucun obstacle et qui a survécu en se débrouillant seul, dès le premier jour de son entreprise, dans tous les domaines d'expertises possibles et imaginables. Cette débrouillardise peut parfois se transformer en arrogance, celle de penser détenir toutes les expertises. Il y a également le profil psychologique du chef d'entreprise affamé qui se voit offrir un contrat qu'il ne peut refuser et dont les termes sont, a priori, non négociables. L'appât du gain et la perception qu'il est de toute manière impossible de négocier l'entente amène parfois cette personne à tomber dans une relation contractuelle insoutenable, voir fatale. Un autre profil susceptible de se retrouver dans l'eau chaude est celui de l'entrepreneur qui, constatant les ressources limitées dont il dispose, est déterminé à faire des économies à tout prix. Or, la valeur des services juridiques requis avant de signer un contrat d'importance est à coup sûr très minime par rapport à la valeur des ennuis découlant d'un contrat mal négocié.
Une prise de conscience s'impose
Les solutions pour éviter ces pièges sont nombreuses et passent notamment par une meilleure organisation de la planification et l'établissement de relations de confiance avec les professionnels qualifiés avant que le grand jour n'arrive. Mais ces solutions débutent tout d'abord par la prise de conscience que, chaque année, des centaines de contrats à haut risque sont signés trop vite au sein d'organisations très prospères, par des personnes pourtant compétentes et intelligentes.
À surveiller...
Chaque chronique, je vous fais découvrir une entreprise à surveiller issue de la génération Y et qui réinvente son secteur d'activité. Cette semaine j'ai choisi Idénergie.
Pourquoi : Idénergie commercialise une hydrolienne de rivière, une nouvelle venue parmi les énergies renouvelables de petite puissance. Celle-ci procure de l'électricité en continu et représente une solution de rechange avantageuse aux sources d'énergies fossiles traditionnelles.
Principal défi : Surmonter les exigences administratives et législatives dans le contexte nord-américain afin de permettre l'usage de l'hydrolienne en toute légalité.
Paul St-Pierre Plamondon est vice-président de Delegatus services juridiques, une firme de 25 avocats issus des grands cabinets, dont la mission est de servir le Québec inc. En 2007, il a cofondé l'organisme Génération d'idées, qui se donne pour mission d'intéresser les 20 à 35 ans au débat public.