À lire aussi:
Comment acheter une entreprise
9 conseils aux acheteurs
> Accumuler du capital
> Déterminer le secteur d'activité de l'entreprise qu'on souhaite acheter et la région
> Définir ses motivations
> Prévoir du temps pour chercher (on peut analyser 10 dossiers avant de trouver ce qu'on veut)
> Consulter plusieurs professionnels de transfert d'entreprise pour accélérer les recherches
> Se servir de son réseau pour faire connaître son intention d'acheter
> Prévoir un budget pour évaluer les occasions et les coûts transactionnels
> Se faire conseiller par des professionnels
> Bâtir un plan d'affaires pour l'entreprise ciblée avant de chercher du financement
6 conseils aux vendeurs
> Consulter des professionnels en transfert d'entreprise deux à trois ans avant de vendre
> Définir son idéal de transaction
> Préparer une relève et partager ses connaissances
> Sécuriser les contrats de travail des employés clés
> Entamer des pourparlers avec deux ou trois intéressés avant de vendre
> Prévoir une période de transition après la vente
Cas 1: Rachat par les gestionnaires
En 2010, Emmanuel Duchesne est entré dans le bureau du président de Camoplast, Pierre Marcouiller, pour lui demander s’il était disposé à lui vendre la division thermoplastique, dont il dirigeait la destinée. Camoplast venait de faire une acquisition qui doublait son chiffre d’affaires à 1 milliard de dollars, et la division thermoplastique était moins associée aux chenilles et roues de caoutchouc qui devenaient la spécialité de la multinationale de Sherbrooke.
« Vendre à l’équipe de gestion québécoise permettait une sortie élégante, car c’était bien mieux que de vendre à l’étranger, avec le risque que les emplois soient exportés », a analysé le gestionnaire, aujourd’hui âgé de 39 ans.
Instigateur du rachat, qui a coûté quelques dizaines de millions de dollars, il s’est entouré des sept autres gestionnaires pour mener son projet à bien et fonder Exo-S. « La motivation était de pouvoir faire croître la division. On aurait difficilement pu le faire au sein de Camoplast, parce que nous n’étions pas la priorité », précise l’entrepreneur.
Exo-S est passée de 450 employés en 2012 à 700 aujourd’hui, elle a agrandi une usine aux États-Unis et en acheté une autre au Mexique.
Camoplast a facilité la cession en mettant à disposition ses experts en acquisitions, qui ont conseillé les acheteurs, et c’est Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD) qui a financé la transaction.
« On n’avait pas de fortune personnelle, on a tous emprunté pour racheter. D’autres partenaires auraient été plus généreux en argent, mais on a décidé de privilégier un partenaire financier qui partageait nos valeurs et notre vision, c’est-à-dire garder les emplois au Québec et augmenter le rendement par la croissance », souligne M. Duchesne.
À lire aussi:
Comment acheter une entreprise
Cas 2: Reprendre une entreprise en difficulté
Quand Veau Charlevoix s'est placée sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité l'automne dernier, Écolait, le plus grand producteur et transformateur de veau de lait et de grain de la province, a saisi une belle occasion pour faire un achat stratégique.
« Ça nous permet d'aller plus vite et plus loin dans notre développement », explique André Michaud, responsable du développement des affaires chez Écolait, qui a lui-même approché Veau Charlevoix pour l'acquisition.
Écolait, qui vend du veau de manière générique aux distributeurs, cherchait à se positionner avec une marque. En fait, elle avait récemment lancé la marque Vivo pour son veau de lait et cherchait encore une solution pour son veau de grain. La marque Veau Charlevoix était bien établie et avait bonne réputation. Écolait, consciente des efforts nécessaires pour imposer une marque, a donc décidé de l'acheter, de même que le cahier des charges qui donne à la viande sa saveur distinctive - le veau est nourri d'un mélange de grain et de lait. Une bonne partie des producteurs liés à Écolait se convertiront à la méthode charlevoisienne.
Veau Charlevoix abattait 1 000 bêtes par année, tandis qu'Écolait en abat 2 000 par semaine dans ses installations de Terrebonne (elle a aussi des usines en Ontario et aux États-Unis).
Au lieu de tout perdre, le fondateur de Veau Charlevoix, Jean-Robert Audet, continuera de développer la marque en collaboration avec l'équipe d'Écolait, prévoit la transaction signée le 9 janvier.
À lire aussi:
Comment acheter une entreprise
Cas 3: Les repreneurs externes
Christian Châteauvert, 39 ans, a toujours caressé le rêve d'avoir sa propre entreprise ; rêve qu'il a réalisé avec son frère cadet Jean-Simon, en 2012, en rachetant Bolduc et frères, devenue Bolduc Solution. L'entreprise de Sainte-Clotilde-de-Beauce, qui fabrique des produits en acier inoxydable pour l'industrie de la vente au détail, appartenait à trois frères qui voulaient prendre leur retraite, mais qui n'avaient pas de relève à l'interne.
L'entrepreneur cherchait sur Acquisition.biz et chez des courtiers, mais c'est finalement grâce à Raymond Chabot Grant Thornton, son ancien employeur, que l'occasion a été trouvée.
« On a fait une offre qui prévoyait une transition d'une année. C'était aussi la volonté des vendeurs, qui ont eu quelques offres et nous ont choisis. On a aussi intéressé huit employés pour les rendre actionnaires et s'assurer de les garder », raconte Christian Châteauvert, content d'avoir su bien s'entourer de professionnels pour réaliser la transaction avec succès.
Gagner la confiance des employés n'a pas pour autant été facile. Bolduc, avec sa trentaine d'employés, était une entreprise rentable, mais en stagnation depuis trois ans. Les frères Châteauvert voulaient la faire croître, mais se sont heurtés à de la résistance à l'interne.
« On a gagné la confiance quand les employés ont vu qu'on ajoutait du personnel pour suivre la progression. Par exemple, on a embauché un dessinateur et un chargé de projet. Alors, quand ils ont vu qu'on voulait grandir sans leur en demander toujours plus, les choses se sont placées », remarque Christian Châteauvert, ajoutant que son leadership a pu mieux s'installer après le départ des anciens propriétaires.
« C'était un avantage qu'ils restent pour transférer leurs connaissances et préparer la clientèle, mais les employés ont eu plus de mal à nous suivre. Ils sont restés longtemps loyaux envers les anciens patrons, comme pris entre l'arbre et l'écorce », dit-il.
En janvier 2013, les jeunes entrepreneurs à la tête de Bolduc ont fait une acquisition quand une occasion s'est présentée tout près : une usine de fabrication qui allait permettre d'augmenter la capacité de production. Début 2015, ils négociaient un autre rachat pour diversifier leurs activités.
À lire aussi:
Comment acheter une entreprise
Cas 4: Les employés prennent les commandes
Quand Denis Lebrun a décidé de vendre ses parts dans la Librairie Pantoute à Québec (deux succursales), il a communiqué ses intentions à ses employés et à des gens dans le domaine du livre, histoire de maximiser ses chances d'obtenir une offre satisfaisante.
« Mais dans mon coeur, je savais que j'allais d'abord considérer les employés car j'étais conscient d'avoir une sacrée bonne équipe. Et l'idée de vendre l'entreprise à quelqu'un qui voudrait peut-être les remplacer, ça aurait été un départ déchirant pour moi », raconte l'homme de 66 ans, parti à la retraite au printemps 2014.
C'est ainsi que les employés de Pantoute ont racheté les 53 % d'actions détenues par M. Lebrun et sa conjointe. Pour y arriver, une coopérative de travailleurs actionnaires et une société à but lucratif, propriété de deux employées, ont été formées, avec l'aide d'un avocat spécialisé.
« On n'y serait pas arrivés avec seulement la coopérative. Comme on rembourse l'emprunt à même nos salaires, la coupe aurait été trop grande. Les gens n'ont pas des salaires mirobolants dans ce milieu », explique Victoria Lévesque, 35 ans, directrice des ventes et du développement et coactionnaire de la société.
Elle et la nouvelle directrice générale, Marie-Ève Pichette, 36 ans, ont acheté au final la moitié des actions de M. Lebrun et de son épouse (moins de 500 000 $). Et elles ont convaincu les actionnaires minoritaires de Pantoute (ils sont huit et détiennent 47 % des parts) de rester à bord quelque temps encore pour soutenir le transfert. Cela a rassuré les prêteurs, dans une situation où les acheteurs n'avaient pas de comptant à offrir.
« Si on avait voulu racheter seules, on n'y serait pas arrivées. C'est Filaction qui nous financent et ils espèrent développer cette formule ailleurs », soutient Marie-Ève Pichette.
Il a fallu un an de négociations entre les avocats du vendeur et des acheteurs pour trouver un terrain d'entente. Après, le principal enjeu a été de remplacer M. Lebrun dans les fonctions de direction. « Les employés nous connaissent, mais on doit gagner leur confiance dans un autre rôle », précise Victoria Lévesque, qui travaille chez Pantoute depuis sept ans.
« C'est difficile de passer de collègue à patronne, avec des gens avec qui tu es devenue amie ou qui ont plus d'expérience », renchérit Marie-Ève Pichette, soulignant la fidélité des employés, dont certains sont en poste depuis 20 ans ; une rareté dans ce domaine.
Tous les employés sont restés depuis la transaction. Les deux nouvelles patronnes se félicitent d'avoir eu recours à un consultant externe qui a établi un diagnostic d'entreprise après l'achat. Ce dernier les a aidées à cerner les points à améliorer dans la gestion de l'entreprise et a facilité la distribution des postes selon les aptitudes.
À lire aussi:
Comment acheter une entreprise
Cas 5 Relève interne planifiée
Yvon Lavigne, 61 ans, avait parfaitement conscience qu'il faudrait du temps pour céder Construction Lavigne et Baril et préparer sa relève. Il y a deux ans, l'entrepreneur de Bécancour a ciblé ses dauphins : ses deux plus jeunes employés, François Saint-Pierre et Pascal Daneault, 36 et 32 ans.
Un de ses jeunes repreneurs lui a parlé de l'École d'entrepreneurship de Beauce (EEB), et c'est ainsi que toute l'équipe a jugé bon de s'y inscrire ; le cédant au programme Triomphe et les repreneurs au programme Émergence. « Je me suis rendu compte que j'avais des devoirs à faire, dit M. Lavigne. Déléguer des tâches est une chose, laisser les autres prendre des décisions en est une autre ! »
« Le plus grand défi est de faire la transition en équipe, de trouver la manière de travailler ensemble, de reconnaître les forces de chacun. M. Lavigne a un bagage à transmettre, et il faut qu'il sente qu'on a de l'intérêt pour apprendre », affirme François Saint-Pierre, estimateur et chargé de projets, qui s'est joint à la PME il y a neuf ans.
M. Lavigne a le souci d'éviter aux jeunes loups des erreurs coûteuses. Il a vu des entreprises de son secteur acculées à la faillite, et il veut transmettre le sens de la rentabilité. Il faut, dit-il, choisir les contrats en fonction de la rentabilité et non faire du volume à tout prix. « Même s'ils avaient eu de l'argent pour tout acheter d'un coup, j'aurais refusé. Je ne vais pas leur donner une corde pour se pendre. C'est un apprentissage à long terme, et tant que je ne les sens pas prêts, je reste avec eux », précise- t-il, ajoutant que la période de transition ne doit pas s'étirer non plus, au risque de démotiver les repreneurs.
Le transfert de l'actionnariat se fait graduellement. En juin, les jeunes auront acquis 40 % des parts (montant confidentiel). La prochaine étape, dont le moment reste à déterminer, sera l'acquisition des 60 % restants.
« On s'est dit qu'on ne changerait pas notre manière d'interagir avec l'équipe, même si on doit aujourd'hui voir devant comme futurs chefs d'entreprise. Ça ne fait pas de vagues en ce moment, et les choses se passent tranquillement. Mais prendre notre place fait quand même partie des défis », considère François Saint-Pierre.
« On sait qu'il faut maintenir ce qui est en place et aller plus loin. Et on sait qu'on a moins le droit à l'erreur face à ce qui est bâti. L'EEB nous apprend à la vitesse grand V ce que nous devons savoir, et ça limite les risques. »
À lire aussi:
Comment acheter une entreprise