On pourrait croire que le milieu de l'automobile est un monde marqué du sceau de la masculinité. S'il est vrai que parmi les détaillants, notamment chez les garagistes, le personnel est majoritairement composé d'hommes, la tendance semble vouloir s'inverser dans le monde de la gestion.
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Ainsi, les femmes comptent pour moins de 3 % de la main-d'oeuvre dans les ateliers de mécanique du Québec, mais pour plus de 50 % des employés dans les secteurs de gestion de l'industrie, selon une étude publiée en 2013 par le Comité consultatif Femmes en développement de la main-d'oeuvre.
Ce que l'étude ne montre pas toutefois, c'est le type de postes occupés par des femmes dans ce milieu. Un coup de sonde a permis de constater que, depuis une dizaine d'années, les femmes sont de plus en plus nombreuses à assurer des postes de gestionnaires de haut niveau dans l'industrie automobile, alors qu'avant 2005 elles occupaient essentiellement des postes administratifs.
Ainsi, chez Ford Canada, selon les données disponibles, plus de 34 % des postes de cadre ont été confiés à des femmes, une augmentation de plus 15 % en 10 ans.
Au Canada, cependant, une seule femme, Diane Craig, chez Ford, occupe un poste de présidente. Originaire de Buffalo, diplômée en mathématiques, Diane Craig a passé toute sa carrière chez Ford. Elle a fait ses débuts à un poste en relation avec les concessionnaires et la gestion des incitatifs. Elle a gravi les échelons d'abord comme directrice régionale dans la région de Pittsburgh, ensuite à la gestion du marketing chez Ford à Detroit, puis à la présidence de Ford Canada. Avant elle, aucune autre femme n'avait atteint un tel niveau hiérarchique au Canada.
Aux États-Unis, les statistiques ne sont guère meilleures : seule Mary Barra, nommée présidente de General Motors en 2013, est alors devenue la première femme à occuper d'aussi hautes fonctions. Une situation que Mary Barra a voulu faire évoluer, notamment en mettant en place des programmes nationaux et locaux d'intégration des femmes, en particulier chez les concessionnaires. Sa vision : «C'est la force du travail qui garantira l'avenir des travailleurs, pas leur sexe. Il faut apprendre à se tenir debout et à s'affirmer. Si quelqu'un n'aime pas ça, eh bien, c'est son choix», a-t-elle expliqué dans une entrevue sur le sujet accordée au magazine américain Refinery 29.
«C’est la force du travail qui garantira l’avenir des travailleurs, pas leur sexe.» - Mary Barra, présidente de General Motors.
La grande difficulté pour les femmes est d'abord et avant tout le fait d'intégrer le monde de l'automobile. Même si des entreprises comme General Motors ou Ford ont mis sur pied des programmes incitatifs d'embauche pour les femmes, en collaboration avec les grandes universités américaines dans les secteurs de haute technologie et du multimédia, entre autres, la tâche reste ardue dans les services.
Ainsi, selon le Comité sectoriel de main-d'oeuvre (CSMO) des services automobiles, seulement 17 % des postes offerts chez les concessionnaires ou dans le secteur de l'après-marché sont confiés à des femmes, une situation qui n'a pas évolué depuis 2006. À titre comparatif, les femmes occupent en général 48 % des postes dans tous les autres secteurs industriels québécois.
C'est dans cette optique que le Comité sectoriel a reçu l'année dernière une aide financière de Condition féminine Canada pour mettre en place un projet-pilote de mentorat dans trois régions du Québec - Montréal, Québec et Mauricie. Il vise surtout les fonctions de mécanicienne, de carrossière, de commis aux pièces et de conseillère technique afin d'augmenter la participation féminine dans ces secteurs d'activité.
Difficile donc de tracer un portrait détaillé de l'apport féminin dans le monde de la gestion automobile, même si tous s'entendent pour dire que la présence des femmes est en forte progression.
Voici le portrait de cinq femmes évoluant depuis des années dans ce monde et ayant atteint les plus hauts niveaux de leur profession.
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Récompenser le talent des jeunes
C'est un peu par hasard si Louise Villeneuve, vice-présidente du groupe Albi le Géant, s'est retrouvée dans le monde de l'automobile, elle qui sortait directement de la gestion de la distribution pour une grande entreprise de presse. Louise Villeneuve assiste le président de l'entreprise, Denis Leclerc, depuis le début. «En 1989, je voulais de nouveaux défis, et Denis lançait sa petite entreprise de vente de voitures d'occasion. Je suis venue lui prêter main-forte, et j'y suis depuis ce jour», explique-t-elle.
Le groupe Albi le Géant est l'un des plus importants du genre au pays. L'entreprise, qui regroupe 22 concessions, écoule chaque année plus de 25 000 voitures, ce qui, s'il s'agissait d'un constructeur, la placerait au 15e rang canadien, devant des marques aussi connues qu'Audi et BMW.
De trois employés qu'ils étaient au départ - Louise Villeneuve assumait la réception, le secrétariat et une multitude d'autres tâches -, Albi le Géant compte aujourd'hui pas moins de 1 000 employés. C'est à Louise Villeneuve que revient le mandat de gérer, entre autres, les ressources humaines.
«Chez nous, près de 50 % des employés sont des femmes, et nous n'acceptons pas la discrimination. Nous voulons que nos employés soient heureux, et nous prenons les moyens pour y parvenir. Cela inclut la direction», lance-t-elle en riant.
Car, pour Louise Villeneuve, le fait d'être une femme n'a jamais été un handicap. «Je suis là depuis le commencement, cela explique peut-être pourquoi. Mais même sur le plancher, hommes et femmes sont égaux», insiste-t-elle.
Bien qu'elle soit encore jeune, Louise Villeneuve prépare la relève. Le groupe Albi a progressé à pas de géant et n'a pas fini de croître. «Nous avons mis sur pied une base solide chez Albi Mazda, qu'on a recopiée dans toutes nos autres concessions. Je vois des jeunes, hommes et femmes, qui sont avec nous depuis 20 ans ou plus, qui ont commencé comme commis et qui sont aujourd'hui vice-présidents en raison de leur talent. Ça, c'est le style de gestion que l'on veut conserver», conclut Louise Villeneuve.
Une femme dotée d'une perspective différente
Rachel Nguyen ne s'en cache pas : c'est l'attrait de l'argent qui l'a d'abord amenée au monde automobile. Pas parce qu'elle visait un gros salaire, mais tout simplement parce qu'un ami, collègue étudiant, lui avait parlé d'un emploi offert chez Toyota, et que, endettement aidant, elle a choisi de postuler. Elle n'y restera que peu de temps avant de retourner à ses études en psychologie appliquée, mais suffisamment pour découvrir le milieu et s'y plaire. Aujourd'hui, elle dirige le laboratoire de produits futurs de Nissan.
Que ce soit chez Toyota ou chez Nissan, elle dit n'avoir jamais ressenti la différence de statut entre elle et ses collègues masculins. «Au contraire, je pense que d'être une femme me procure un avantage, puisque cela me donne une perspective différente.»
Elle tente même par tous les moyens d'intégrer encore plus de femmes dans son groupe. «Chez nous, ce qui compte, c'est la diversité, culturelle autant que de genres. Nous devons prévoir ce que les consommateurs aimeront à l'avenir, et ce, quel que soit leur horizon», poursuit-elle.
Rachel Nguyen admet envisager aujourd'hui sa carrière différemment. «Je sais que le prochain niveau de responsabilité exigera de ma part plus de temps et, donc, d'être davantage absente de la maison. Je ne suis pas prête à franchir ce genre d'étapes pour le moment. Je laisse plutôt la chance à mon mari de le faire.»
Pour elle, l'avenir passe d'abord par le développement de ses projets actuels : la voiture autonome, et au préalable une plus grande personnalisation de chacune des voitures.
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Mettre en avant sa capacité à tisser des liens
Maria Soklis, vice-présidente de Cox Automotive Canada, est une star dans son domaine. La jeune femme a trouvé sa place depuis plusieurs années au sommet des entreprises automobiles les plus importantes du pays. Après ses études, elle a oeuvré chez GM Suisse avant d'être mutée au Canada. À la suite d'une pause pour fonder sa famille, elle s'est jointe à Kia Canada, à titre de vice-présidente et chef de l'exploitation, où elle est restée neuf ans. Au début de 2015, elle a fait le saut chez Cox Automotive, une importante entreprise nord-américaine de services automobiles et d'encans, dont elle assure le développement au Canada.
Au cours de sa carrière, Maria Soklis a mis en avant sa condition féminine et sa capacité à tisser des liens. Chez Kia, elle a implanté une gestion participative. «Chez Cox, je ne ressens pas la différence des genres. Il y a plus de femmes à des postes d'autorité ici que dans n'importe quelle autre entreprise que j'ai connue.»
Le défi reste cependant de gérer sa carrière. Les plus hautes fonctions du milieu automobile obligent souvent des déplacements ou des mutations dans d'autres pays. Maria Soklis a réussi à les éviter lorsqu'elle travaillait pour des constructeurs, et elle n'envisage pas non plus de voyager dans ses nouvelles fonctions. «Si cela survenait, je devrais prendre ma famille en considération», souligne-t-elle.
Chez Cox, ses responsabilités sont axées sur le développement d'outils et la mise en place d'un nouveau réseau d'encans pancanadiens. «Quand je discute avec nos clients et nos fournisseurs, je n'ai pas besoin de m'imposer. Chaque individu est évalué selon son potentiel, pas selon son apparence.»
Élevée au biberon de General Motors
Carolyne Watts, directrice d'usine chez GM, est une dame de fer. Depuis plus de 33 ans, elle travaille pour la section manufacturière de General Motors (GM). Déterminée, elle dirige l'usine de moteur de St. Catharines, en Ontario. Au début de la décennie, Automotive News l'a nommée parmi les 100 femmes les plus influentes de l'automobile.
A priori, rien n'attirait cette native de Shawinigan dans le monde de l'automobile, à part le fait d'être née dans une famille d'amateurs de voitures GM. C'est en passant par l'institut GM de Flint, au Michigan, qu'elle a amorcé ses études en production manufacturière. Le programme coop associait une formation et des stages rémunérés en entreprise.
C'est ainsi qu'elle a été assignée à l'usine de Sainte-Thérèse où, dès le début de la vingtaine, elle dirigeait une équipe d'hommes plus expérimentés et plus âgés qu'elle. «À ce moment, ma condition de femme, jeune de surcroît, compliquait les choses.»
Elle a ensuite progressé et a dû gérer, comme directrice d'usine, la fermeture de GM à Sainte-Thérèse. Puis elle a occupé des fonctions chez NUMMI (l'usine conjointe de GM et de Toyota en Californie) avant de revenir au pays. Au total, elle a dirigé six usines, dont celle de St. Catharines. «Ici, j'ai une grande autonomie. Je gère mes budgets sans intervention extérieure, je prends mes décisions. Parce que j'ai de l'expérience, parce que je communique avec mon équipe, personne ne fait attention au fait que je suis une femme.»
La prochaine étape de sa carrière serait de prendre la direction de plusieurs usines regroupées, un poste qu'elle ne convoite pas encore. «Il reste encore de beaux défis, et j'espère que d'autres femmes se joindront à cette industrie.»
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Prendre sa place et s'imposer
Katie Allanson, ingénieure en ergonomie chez Ford Canada, a tout au plus une douzaine d'années d'expérience. Elle a passé la majeure partie de sa jeune carrière dans le monde automobile et dirige aujourd'hui une équipe chargée de développer les nouveaux composants multimédias, notamment le Sync3, chez Ford au Michigan.
Pour Katie Allanson, être une femme dans le monde de l'automobile n'est pas un facteur déterminant. «Il faut dire que Ford m'offre un excellent soutien si je dois modifier mes horaires pour des motifs familiaux, par exemple. C'est le seul moment où je vois une différence», explique-t-elle.
La jeune femme a gravi les échelons à grande vitesse. Pour cette résidente de Windsor, en Ontario, l'industrie automobile est dans son arrière-cour. Elle entre d'abord chez Chrysler pour y travailler sur l'ergonomie des usines. Ensuite, elle complète une maîtrise en ingénierie avant de revenir chez Chrysler comme ingénieure en ergonomie. Puis, elle travaille pendant quelques mois chez Research in Motion, se joint après à General Motors et enfin à Ford, pour y diriger le groupe d'ergonomie multimédia.
«Dans mon monde, la seule différence entre les hommes et les femmes est souvent physique. Les femmes sont en général plus petites - c'est mon cas -, et nous devons faire en sorte que les commandes dans la voiture soient adaptées à toutes les tailles. Il est clair que mon équipe doit refléter cette diversité.»
Mais la diversité ne touche pas que les sexes, elle concerne aussi les générations. «Je n'hésite pas à faire appel à mon père de 69 ans pour lui faire tester nos projets. Si lui ne comprend pas, nombreux sont ceux qui ne comprendront rien.»
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