La pharmaceutique Duchesnay voit grand sur le marché américain. La PME de Blainville spécialisée dans la santé des femmes enceintes mettra les bouchées doubles pour tenter d'y tripler ses parts de marché d'ici 2021.
«Nous espérons porter nos parts à 40 % au cours des cinq prochaines années», dit Éric Gervais, vice-président exécutif de l'entreprise familiale, qui fête ses 60 ans cette année et qui est contrôlée par le Groupe pharmaceutique Boivin.
Duchesnay, dont les revenus atteignent 215 millions de dollars, oeuvre dans un marché très spécialisé. Selon Éric Gervais, c'est l'une des rares pharmaceutiques dans le monde à offrir des médicaments taillés sur mesure pour la femme enceinte et son enfant à naître.
Cette spécialisation fait en sorte que Duchesnay détient actuellement 15 % de ce marché aux États-Unis grâce à son médicament Diclegis contre les nausées et les vomissements liés à la grossesse. La Food and Drug Administration l'a approuvé en 2013, après un processus long de 18 ans. Au Canada, ce médicament est vendu sous l'appellation Diclectin, et Duchesnay contrôle 80 % du marché.
Fin de l'exclusivité
Pour l'instant, l'entreprise de Blainville a un brevet exclusif pour le Diclegis aux États-Unis. C'est ce qui explique en grande partie la raison pour laquelle elle a pu conquérir 15 % du marché américain en trois ans seulement, marché où ses revenus atteignent 175 M$.
Le hic, c'est que cette protection légale prendra fin en 2021, ce qui ouvrira la porte aux concurrents pour vendre des produits génériques du Diclegis. C'est pourquoi Duchesnay veut accroître rapidement ses parts de marché aux États-Unis d'ici cinq ans, en misant sur un marketing très ciblé.
La pharmaceutique concentrera ses efforts sur les «influenceurs», c'est-à-dire les médecins qui peuvent prescrire le Diclegis aux Américaines. Pour ce faire, Duchesnay a embauché 150 nouveaux représentants aux États-Unis - elle en compte 12 au Canada. L'entreprise emploie maintenant 100 personnes au Canada et 170 aux États-Unis.
Les nouveaux représentants ne seront toutefois pas actifs dans tous les États, précise Éric Gervais. «Il n'y en aura aucun en Alaska, à Hawaï ou au Dakota du Nord. Les représentants concentreront leurs efforts sur la côte est, le Midwest et la côte ouest, ce qui nous permettra de couvrir 80 % des prescriptions potentielles que peuvent faire des médecins aux États-Unis.»
L'embauche de 150 représentants est un investissement de taille pour Duchesnay, car chacune de ces personnes gagne un salaire annuel de 200 000 $ US. À cela s'ajoute un investissement de 5 M$ pour doubler la production de son unique usine de Blainville afin de répondre à la demande croissante de Diclegis aux États-Unis. Les travaux ont débuté en novembre 2015 et devraient être terminés en septembre prochain.
Cet investissement créera 15 nouveaux emplois spécialisés à Blainville.
Un marché en mutation
Duchesnay oeuvre dans une industrie pharmaceutique en mutation aux États-Unis, où les fusions et acquisitions se sont multipliées depuis 20 ans. Au cours des dernières années, les pharmaceutiques ont réduit le rythme auquel elles lancent de nouveaux médicaments, souligne la firme d'analyse Berstein.
Il y a aussi une hausse marquée du prix de certains médicaments aux États-Unis. Un phénomène qui a provoqué de vives réactions de la part de consommateurs et de politiciens américains, y compris la candidate à l'investiture démocrate Hillary Clinton.
Cette situation pourrait d'ailleurs inciter les autorités à légiférer pour limiter les hausses du prix des médicaments lorsque celles-ci ne tiennent qu'à une réduction de l'offre à la suite des fusions et acquisitions, selon Jean-René Ouellet, gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins. «Il y a un risque réglementaire et politique», dit-il.
Malgré tout, le marché américain regorge d'occasions d'affaires pour Duchesnay. Par exemple, le 8 mars, la pharmaceutique a lancé des vitamines prénatales aux États-Unis sous le nom de Mteryti et Mteryti Folic 5.
Outre les États-Unis, Duchesnay vise les marchés de l'Europe, de l'Asie (en particulier le Japon) ainsi que de l'Amérique du Sud dans sa stratégie de croissance à l'international. L'entreprise détient 10 brevets pour ses médicaments, enregistrés dans 40 pays.
Mais contrairement au marché américain où elle distribue elle-même ses médicaments, l'entreprise passera par une tierce partie pour ces marchés. «Par exemple, en Europe, nous sommes en discussion avec une pharmaceutique», dit Éric Gervais, sans donner de précision. Si tout se passe bien, Duchesnay pourrait commencer à vendre son médicament contre les nausées et les vomissements liés à la grossesse en Europe à compter de 2017.