Si vous êtes passé par le bureau des ventes d'une des tours d'habitation en construction (ou sur le point de l'être) à Montréal, vous avez sans doute été initié au logiciel de réalité virtuelle d'Aeon Virtual. Depuis quatre ans, cette entreprise montréalaise a complètement transformé l'expérience de l'achat immobilier.
Fini, l'ère de l'achat qui reposait essentiellement sur la maquette 3D, les traditionnels plans d'appartements et les vidéos qui aidaient les acheteurs à mieux imaginer leur futur logement. Désormais, en quelques clics, le logiciel permet de visualiser instantanément sur six écrans la vue extérieure à partir du balcon des futurs appartements, les choix de couleurs des murs et des planchers, les choix de matériaux du comptoir et des armoires de cuisine, sans oublier la luminosité selon l'étage et la position du logement dans l'immeuble.
«La qualité de notre technologie donne une impression si réelle que l'acheteur peut même visualiser la luminosité naturelle de son appartement selon l'heure de la journée, et ce, en toute saison», signale Stephen Roy, cofondateur d'Aeon Virtual. Une technologie très appréciée par la clientèle asiatique adepte de feng-shui, dit-il.
Qui est Aeon Virtual ? Tout a commencé en 2010, lorsque deux amis, Stephen Roy, diplômé en génie mécanique, et Martijn Steinruckein, diplômé en sciences informatiques, ont décidé de fonder une entreprise de logiciels facilitant le marketing des produits. «Notre tout premier client a été Canderel Real Estate. Le président Jonathan Wener nous a demandé de concevoir virtuellement l'intérieur du penthouse de 3 350 m2 aménagé au 78e étage de la tour Aura, à Toronto, l'appartement qui occupe le sommet de l'immeuble résidentiel le plus haut du pays. Le prix de vente de ce penthouse, qui comprend cinq chambres et six salles de bains, est de 18,3 M $», rapporte M. Roy.
Fasciné par le résultat, Jonathan Wener a proposé aux deux entrepreneurs de concevoir un logiciel de réalité virtuelle pour ses autres projets, notamment la Tour des Canadiens, à l'angle de la rue de la Montagne et de l'avenue des Canadiens-de-Montréal, à Montréal. Ces contrats ont fait boule de neige. Aujourd'hui, la technologie d'Aeon Virtual est utilisée par la plupart des promoteurs immobiliers importants de Toronto et de Montréal.
«Nous n'avons jamais fait appel à des institutions bancaires ou au capital de risque pour développer notre entreprise. Chaque contrat nous a permis peu à peu de peaufiner davantage notre produit», rapporte fièrement Stephen Roy, qui vend ses logiciels et l'équipement visuel sur mesure entre 10 000 $ et plus de 200 000 $, selon les besoins du client.
Gagner du temps dans le processus de vente
Ce logiciel est désormais un outil standard dans l'industrie, soutient Kim Bruneau, représentante commerciale pour le projet YUL. Auparavant, dit-elle, le client avait besoin de cinq à six visites au bureau des ventes avant d'accepter de signer un contrat d'achat de copropriété. «Aujourd'hui, grâce à cet outil virtuel, la vente s'effectue en deux, parfois même une seule visite», signale Mme Bruneau. Non seulement le représentant des ventes gagne du temps, mais le client, lui, se sent beaucoup plus en confiance et a une bien meilleure idée du produit qu'il achète, précise-t-elle.
La technologie d'Aeon Virtual est également présente au Moyen-Orient. L'entreprise a remporté un concours à Dubaï auprès du groupe immobilier Tanmyat pour la conception virtuelle d'un mégacomplexe de 4 000 logements répartis sur 8 km2 en Mauritanie. «On ne fait pas que des projets en hauteur. Notre technologie s'applique à des projets de développement résidentiel de toutes sortes», tient à mentionner M. Roy.
Depuis un an, Aeon Virtual courtise le marché new-yorkais. Déjà, cinq promoteurs ont signé avec l'entreprise, et plusieurs autres sont sur le point de le faire. «Nos clients de New York nous ont même demandé d'élaborer une version 100 % météo afin de visualiser la luminosité dans l'appartement dans toutes les conditions météorologiques», dit Stephen Roy.
Remarquez, le produit d'Aeon Virtual commence à intéresser d'autres secteurs, notamment celui du transport ferroviaire et aérien. Une vice-présidente d'une société de transport, de passage au bureau des ventes de l'Icône, rue de la Montagne, à l'angle du boulevard René- Lévesque, à Montréal, a pu constater le potentiel du logiciel. «Elle nous a aussitôt contactés pour que l'on travaille sur un de leurs projets», mentionne M. Roy.
Discret quant au chiffre d'affaires de l'entreprise, Stephen Roy indique tout de même qu'il a franchi le cap du million et que les revenus ne cessent de doubler chaque année depuis la fondation de l'entreprise, il y a quatre ans. Un tiers du chiffre d'affaires provient du marché montréalais. Cette proportion tend toutefois à diminuer en raison de la popularité du produit ailleurs au Canada et en Amérique du Nord.
Puisque des concurrents commencent à apparaître, Aeon Virtual doit innover pour continuellement rester le leader de son marché. Prochaine étape, l'adaptation du logiciel aux lunettes Google Glass, pour que le client puisse se visualiser lui-même dans son futur logement.
Enfin, l'entreprise montréalaise compte une douzaine d'employés diplômés en architecture, en ingénierie, en informatique... et même en littérature. C'est justement la formation de la nouvelle représentante qu'Aeon Virtual a recrutée à New York, Fiona Rigby.