Dans sa biographie et en entrevue, l'aspirante chef du Parti québécois Martine Ouellet insiste sur ses compétences en développement économique. Se sent-elle obligée de le faire parce qu'elle est une femme ou parce qu'elle est associée à la défense de l'environnement ? Ou les deux ?
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«Dans les médias, ce n'est pas retenu, mon background économique. Et pourtant, je suis la candidate qui connaît le mieux l'économie !» s'exclame la députée de Vachon à l'Assemblée nationale.
La politicienne de 45 ans, mère de deux enfants, cumule en effet une vingtaine d'années d'expérience en développement économique. Quand elle dirigeait l'équipe d'efficacité énergétique chez Hydro-Québec, elle négociait des contrats avec les 300 plus grandes entreprises du secteur industriel lourd (pâtes et papiers, mines, métallurgie, manufacturier).
«Il fallait entrer dans le détail des procédés industriels pour proposer des solutions aux entreprises en efficacité énergétique. Il faut aussi connaître le marché mondial pour faire ça et aider les entreprises à être concurrentielles», dit l'ingénieure, qui possède aussi une maîtrise en administration des affaires de HEC Montréal.
Si elle devenait chef du Parti québécois, Martine Ouellet miserait sur ce qu'elle appelle le développement économique intelligent.
«C'est du développement qui profitera à l'ensemble de la société», explique-t-elle, donnant en exemple la carte maîtresse de son programme économique (et de celui de Pauline Marois avant elle) : devenir le leader mondial en électrification des transports.
Le Québec dispose d'électricité verte à coût abordable, et il fabrique déjà les «meilleurs moteurs électriques sur le marché», en l'occurrence les TM4, issus des recherches menées par Hydro-Québec, fait valoir la politicienne. Le Québec a aussi une expertise enviable en matière de batteries. Martine Ouellet veut donc révolutionner les habitudes : électrifier tous les autobus scolaires et municipaux d'ici 2030 et atteindre le million de voitures à brancher dans le même horizon temporel.
En faveur de l'interventionnisme
«On a tout. C'est un grand vecteur à pousser, et ça prend une volonté politique. Sans elle, ça ne se passera pas au Québec», plaide la candidate à la chefferie du PQ.
Si elle émet de sérieuses réserves face à l'exploitation du pétrole de schiste à Anticosti, elle rêve par ailleurs de négocier des partenariats avec des constructeurs automobiles pour que des composants de véhicules électriques soient fabriqués au Québec. Elle rêve aussi de transformation québécoise pour l'industrie minière, notamment pour le lithium et les terres rares, des secteurs associés à l'électrification des transports.
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Martine Ouellet est convaincue que le gouvernement québécois a tout avantage à intervenir pour stimuler ce créneau.
«Ça a toujours fonctionné, l'interventionnisme de l'État, lance-t-elle, animée. Le multimédia, si ça existe au Québec, c'est à cause de l'interventionnisme (sous Bernard Landry). L'aérospatiale aussi. Les créneaux majeurs qu'on a développés au Québec, c'est grâce à l'interventionnisme. Après, il se greffe une panoplie de fournisseurs, de sous-contractants, de conseils et de services, et c'est ça qui crée la force. C'est illusoire de penser que le libre marché va tout faire !»
Créer un fonds pour diversifier l'économie des régions
À côté de ces grands projets, Martine Ouellet compte sur les PME pour solidifier le tissu économique. Elle propose de mettre en place un fonds de diversification économique régional d'un milliard de dollars sur 10 ans.
«Si on veut que le Québec soit fort, il faut que les régions soient fortes. Je suis inquiète de ce que fait le Parti libéral du Québec, il est en train d'étouffer les régions avec des décisions centralisatrices en éducation et en santé. Il a "coupé" dans les Centres locaux de développement (CLD) et les Conférences régionales des élus (CRÉ) : tous les outils de développement économique sont saccagés», affirme Mme Ouellet, en promettant de réanimer les CLD si elle prenait le pouvoir.
Elle veut aussi des bureaux d'information régionale pour Télé-Québec, afin que les régions disposent de la connaissance des unes et des autres et que les maillages interrégionaux soient favorisés. La gestion et la planification de l'énergie éolienne devraient être confiées à Hydro-Québec à Gaspé, plaide la politicienne. Shawinigan devrait avoir la Société québécoise des eaux, qui piloterait un programme de 1 G$ sur 10 ans pour la désinfection des eaux, car le traitement primaire ne suffit pas, selon Mme Ouellet.
«Ces projets, on pourrait les faire dans un Québec province, mais c'est clair que dans le cas de l'électrification des transports, il y a un marché d'exportation et pour cela, il faut avoir des relations internationales. Le fait d'être dans le Canada est un gros frein. Je sais, je l'ai vécu comme ministre des Ressources naturelles en Corée du Sud.»
Pour préciser ses propos, elle ajoute que l'ambassade du Canada travaillait pour les sables bitumineux de l'Alberta, mais contre la délégation du Québec, venue faire la promotion de l'électrification des transports. «Il y a eu des rendez-vous annulés, des choses comme ça. C'est une expérience vécue sur le terrain.»
L'autonomie du Québec serait aussi un avantage financier pour le Québec, croit Mme Ouellet, car à son avis il ne reçoit pas sa juste part des investissements du gouvernement fédéral, à qui les Québécois paient 45 G$ annuellement en taxes et impôts. «Il y a eu 10 G$ investis par le fédéral pour soutenir l'industrie automobile en Ontario, tandis que le Québec a reçu 300 millions de dollars pour son industrie forestière», s'indigne-t-elle.
Pour un budget équilibré, la candidate suggère «mieux d'État plutôt que moins d'État».
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