" Malgré la multiplication des services et des organismes qui aident les entrepreneurs à bien mener le processus de relève, c'est à nous que revient tout de même la tâche la plus difficile : dénicher le bon candidat ", souligne le propriétaire d'une firme d'ingénierie qui souhaite garder l'anonymat.
Depuis déjà cinq ans, l'homme d'affaires et son partenaire recherchent un dauphin pour assurer la pérennité de leur entreprise.
Fondée il y a 30 ans, l'entreprise montréalaise spécialisée dans la conception et l'intégration de système d'automatisation des procédés industriels - un secteur très pointu qui touche principalement les industries du minerai, de la métallurgie, du ciment et de l'électricité - compte près d'une vingtaine d'employés.
Deux candidats potentiels avaient pourtant été identifiés à l'interne, mais leur ardeur a refroidi à l'idée de devoir racheter des parts en un seul bloc. Du coup, les deux principaux actionnaires sont revenus à la case départ.
" Une entreprise a beau exceller dans le développement de marchés internationaux, multiplier ses contrats avec les multinationales, établir de solides liens avec ses clients, quand vient le temps de passer en mode relève, les dirigeants n'ont plus de repères et doivent tout reprendre à zéro ", relate l'ingénieur dont le long et ardu processus de passation lui donne parfois le goût de tout simplement jeter l'éponge.
Conscients que le succès de leur relève sera conditionnel à la santé financière de leur entreprise, les deux partenaires demeurent confiants. Leur PME continue d'être en croissance et le carnet de commandes est rempli pour les deux prochaines années. " Et trois nouveaux candidats de la relève sont actuellement sur les rangs ", conclut-il, plein d'espoir.
Cet exemple illustre ce que vivent de nombreux entrepreneurs au Québec. Dans la Province, un entrepreneur sur trois passera le flambeau avant la fin de la décennie, appelant une nouvelle génération à prendre les commandes à un rythme jamais vu.
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Près de 55 000 entrepreneurs prendront leur retraite d'ici 2018, soit 30,4 % de l'entrepreneuriat québécois, indique une récente étude du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE) portant sur le renouvellement de l'entrepreneuriat. Or, seulement 29 800 nouveaux entrepreneurs se grefferont à l'entrepreneuriat québécois durant cette période.
Le Québec comptera donc 25 200 entrepreneurs de moins, dont une majorité (20 000) quittera entre 2013 et 2018. Le nombre d'entrepreneurs aura ainsi chuté de 180 800 (2008) à 155 600 (2018), en baisse de 13,9 %.
Ce recul s'explique principalement par le peu de nouveaux entrepreneurs âgés de 30 à 39 ans. Cette cohorte générera seulement 5 900 entrepreneurs d'ici 2013, comparativement à 23 400 en Ontario. Autre tendance préoccupante : les entrepreneurs du Québec commencent plus jeunes à se retirer que les autres, dès la quarantaine.
" Le nombre d'entrepreneurs de moins de 45 ans ne cesse de décliner depuis 20 ans au Québec, une situation que l'on s'explique mal pour le moment ", note Sylvain Melançon, conseiller expert PME au MDEIE, coauteur de l'étude, qui présente les premières estimations de l'effet du vieillissement de la population sur l'entrepreneuriat.
Pour pallier la situation, Québec annonçait dans son récent budget la création du Fonds Relève Québec.
Ce fonds, qui sera géré par Investissement Québec, disposera de 50 millions de dollars (M $) provenant du gouvernement (20 M $), du Fonds de solidarité FTQ (10 M $), de Fondaction (10 M $) et de Capital régional et coopératif Desjardins (10 M $). Pour en bénéficier, le repreneur devra être un particulier et investir un minimum de 50 000 $ en mise de fonds. Les sommes prêtées atteindront de 50 000 $ à 200 000 $. Dans le cas où plus d'un repreneur s'associerait pour procéder à l'acquisition d'une entreprise, un montant maximum de 50 000 $ sera alloué par entreprise.
Le dernier budget prévoit aussi l'injection de 10 M $ dans le Fonds local d'investissement (FLI), administré par les CLD, pour renforcer ses actions en matière de relève entrepreneuriale.