ANALYSE - Ce risque est réel, mais peu de gens d'affaires et d'investisseurs y portent vraiment une attention. Non, non, ce n'est pas le risque de déflation en Europe, d'une explosion du prix du pétrole en raison des actions de l'État islamique en Irak ou d'une hausse des taux d'intérêt aux États-Unis. Il s'agit plutôt d'une perturbation majeure du commerce international que pourrait causer le terrifiant virus Ebola.
Le virus de la fièvre hémorragique - mortel dans 20 à 90% des cas - est pour l'instant confiné en Afrique de l'Ouest (il sévit habituellement dans le centre du continent). Mais il pourrait se propager ailleurs en Afrique et dans le monde. Pis encore, il pourrait muter pour devenir plus contagieux et dangereux.
Contrairement au virus de la grippe, Ebola est relativement peu contagieux, car il se transmet d'un humain à l'autre par les fluides organiques (sang, salive, etc.). Il est en revanche très dangereux pour le personnel médical et les proches qui côtoient les malades ou les morts. Beaucoup de médecins sont d'ailleurs morts en Afrique de l'Ouest depuis l'éclosion du virus dans cette partie du continent africain.
Vous ne voyez toujours pas le risque potentiel pour votre organisation? Vous doutez de l'importance réelle de cette crise sanitaire, africaine pour l'instant? Eh bien, la résolution adoptée par le conseil de sécurité de l'ONU à propos du virus Ebola, le 18 septembre, devrait vous convaincre de la gravité de la situation.
Ainsi, selon le conseil de sécurité, «la progression sans précédent de l'épidémie (...) représente une menace pour la paix et la sécurité internationales». Ce genre de prise de position de l'exécutif des Nations unies est extrêmement rare dans l'histoire de l'organisation fondée en 1945.
Les États-Unis envoient 3000 soldats en Afrique de l'Ouest
Autre élément témoignant que l'heure est grave: les États-Unis ont récemment annoncé l'envoi de 3 000 soldats au Liberia - l'un des pays touchés par Ebola en Afrique de l'Ouest - pour contenir la maladie, le président Obama déclarant que l'épidémie était «une menace potentielle pour la sécurité mondiale».
La crise est à ce point grave en Sierra Leone, pays voisin du Liberia, que le gouvernement a ordonné le confinement de toute sa population à la maison (5,7 millions d'habitants) du 19 septembre au 21 septembre. Cette mesure vise à faciliter la détection de malades cachés par leurs proches - elle est toutefois jugée inefficace par l’organisation Médecins sans frontières (MSF).
Pour l'instant, l'épidémie qui sévit en Afrique de l'Ouest a fait relativement peu de morts comparativement à d'autres maladies. En date du 19 septembre, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait à 2 630 le nombre de personnes mortes de la fièvre hémorragique Ebola, et ce, sur un total de 5 357 cas avérés. Le hic, c'est que les autorités sanitaires dans les pays touchés sont débordées par l'ampleur de la crise - la présence de l'armée américaine au Liberia en témoigne avec éloquence.
Les spécialistes en santé publique sont prudents quant aux scénarios possibles pour la suite des choses, notamment sur le nombre de personnes qui pourrait attraper le virus, même si l'OMS a déjà avancé le chiffre de 20 000 cas.
Cela dit, le risque d'une aggravation de l'épidémie est réel.
Ainsi, le virus pourrait non seulement s'étendre à d'autres pays africains, mais il pourrait aussi s'implanter dans d'autres régions du monde (via les vols internationaux), où les systèmes de santé ne sont pas aussi efficaces que dans les pays développés.
Plus grave encore, le virus pourrait subir une mutation et devenir très contagieux comme la grippe. C'est le cauchemar des spécialistes en santé publique et des pouvoirs politiques. Le cas échéant, le monde ferait sans doute face à la pire crise sanitaire depuis l'épidémie de la grippe espagnole, en 1918-1919.
Les conséquences d'une épidémie mondiale
La peur et les risques réels de contamination perturberaient alors les déplacements des personnes et le transport des marchandises. La chaîne logistique mondiale de beaucoup d'entreprises serait affectée, voire interrompue à court terme.
Des pays limiteraient sans doute les libertés individuelles afin de limiter la propagation du virus, sans parler de ceux qui pourraient carrément fermer leurs frontières. Le prix de certains produits et denrées augmenterait, sans parler de l'impact sur les marchés boursiers et les investisseurs.
À plus petite échelle, ce qui se passe en ce moment en Afrique de l'Ouest donne une assez bonne idée du potentiel de perturbation économique que pourrait causer une épidémie mondiale d'Ebola.
Par exemple, la Banque Mondiale estime que le virus pourrait avoir un impact économique «catastrophique» sur le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, et ce, en principalement en raison du «facteur peur» lié au virus, qui paralyse l'activité économique.
On peut imaginer quel serait l'impact de ce facteur peur à l'échelle internationale si Ebola se transmettait par exemple aussi facilement que le virus de la grippe, alors qu'aucun vaccin et traitement efficace n'existent à ce jour contre cette fièvre hémorragique.
Un scénario nettement exagéré, diront certains. Il est vrai que le risque de déflation, d'une explosion du prix du pétrole ou d'une hausse des taux d'intérêt sont sans doute des risques d'affaires plus susceptibles de se matérialiser dans un avenir prévisible.
Cela dit, la mobilisation du conseil de sécurité de l'ONU et des États-Unis devrait nous faire réfléchir et prendre conscience du risque potentiel que représente le virus Ebola pour les organisations (PME, grande entreprise, investisseur institutionnel, etc.), même en Amérique du Nord.
Posez-vous la question: pourriez-vous faire face au pire des scénarios, une épidémie mondiale d'Ebola? Avez-vous même envisagé ce risque parmi tous ceux auxquels vous êtes déjà confrontés?